Le Carême, jour par jour, avec Maurice Zundel
Prêtre suisse né en 1897 et mort en 1975, Maurice Zundel a été un prédicateur itinérant, peu connu de son vivant. Invité par le pape Paul VI, son ami, il prêcha une retraite de carême au Vatican en février 1972.
Le pape Paul VI a dit de Zundel qu’il «était un génie, génie de poète, génie de mystique, écrivain et théologien, et tout cela fondu en un, avec des fulgurations». Il est étonnant de constater à quel point la pensée de cet humble prêtre continue de rayonner; il est considéré comme un géant de la spiritualité chrétienne.
7. Il faut devenir l’autre pour atteindre à soi-même
Quand l’homme a atteint au dedans de lui-même, il y reconnaît immédiatement la présence qui est la clé de son intimité. Il comprend aussitôt que c’est là le sceau de la divinité. Dieu ne peut pas être atteint par le dehors. Il ne peut pas nous contraindre ou nous imposer quoi que ce soit parce que le signe de son passage, la signature de son action, la caution infaillible de sa présence, c’est que nous passons du dehors au dedans.
Qu’est-ce que c’est que le dedans sinon une autonomie inviolable? Quelle est la joie de l’amour du vrai, qui est si rare et d’autant plus précieux? Quelle est la joie du véritable amour, sinon d’être une rencontre intérieure si délicate, si respectueuse, si agenouillée et si silencieuse qu’aucune contrainte n’est imaginable, car, dès que la contrainte entre dans l’amour, l’amour est dévasté.
L’amour respire dans la liberté et réclame une autonomie inviolable. Il est un secret qui ne se peut vivre que par voie d’identification. Il faut devenir l’autre pour atteindre à soi-même. Il faut s’effacer, se quitter soi-même. Il faut s’élargir, s’immensifier et devenir pour l’autre un espace illimité. Il faut enfin lui apporter la présence infinie où il pourra enfin être lui-même, où il respirera à pleins poumons, où il pourra enlever son masque et révéler son vrai visage.
Le dedans ou l’autonomie, le dedans ou l’inviolabilité, le dedans ou la spontanéité et la liberté absolue, c’est une seule et même chose. Augustin nous le dit dans les termes les plus formels. C’est Dieu qui est dedans. C’est nous qui sommes dehors. Et quand nous cessons d’être dehors, c’est parce que, à ce moment-là, à travers lui et en lui, aimantés et délivrés par lui, immensifiés par lui, nous sommes devenus une intimité inviolable.