
P. Manuel João, Combonien
Réflexion dominicale
du ventre de ma baleine, la SLA
Notre croix est la chaire de la Parole
Une porte ouverte sur la liberté et la vie !
Année A – Pâques – 4ème dimanche
Jean 10,1-10:
Je suis la porte : si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé ; il entrera et sortira et trouvera un pâturage… Je suis venu pour qu’ils aient la vie et qu’ils l’aient en abondance.
Où allons-nous maintenant ?
Nous sommes au quatrième dimanche de Pâques, le dimanche dit du Bon Pasteur, à mi-chemin des cinquante jours du temps pascal. Après les trois dimanches des apparitions du Seigneur ressuscité, nous risquons de perdre de vue le fil conducteur de notre voyage. Je pense qu’il est utile de se rappeler que nous nous dirigeons vers l’Ascension du Seigneur et la Pentecôte, le point culminant du parcours de Pâques. Les lectures du dimanche visent à nous préparer à ces deux grandes fêtes. Elles le font à travers trois thèmes, à partir de trois écrits du Nouveau Testament :
1. dans la première lecture, le thème de l’ÉGLISE, avec la lecture du livre des Actes des Apôtres : nous retracerons les premiers pas de l’Église, guidés par l’Esprit Saint ;
2. dans la deuxième lecture, le thème de la VIE CHRÉTIENNE, avec la lecture de la première lettre de saint Pierre : comment vivre en chrétien dans un monde hostile ;
3. dans l’Évangile, une grande catéchèse sur la personne de JESUS, à travers quelques passages de l’Évangile de Jean.
Essayons de ne pas perdre de vue l’unité et l’harmonie des lectures que la liturgie nous propose pour ces dimanches.
En vérité, en vérité, je vous le dis !
L’Évangile d’aujourd’hui commence par cette introduction de Jésus : “En vérité, en vérité, je vous le dis” ; ou plutôt : “Amen, amen, je vous le dis”. C’est une affirmation qui doit éveiller notre attention. C’est une expression qui introduit une révélation, à laquelle le croyant répond par son assentiment : Amen !
Cette locution introduit les paroles de Jésus dans 49 passages des évangiles synoptiques (Marc, Matthieu et Luc) et dans 25 passages de l’évangile de Jean.
Préparons-nous à dire notre AMEN avec nos lèvres et avec notre cœur !
Je suis la porte !
“En vérité, en vérité, je vous le dis, je suis la porte des brebis”. Après les premières déclarations des versets 1 à 5, nous nous serions attendus à ce que Jésus dise : Je suis le berger des brebis ! et tout aurait été clair d’un seul coup. Le thème de Dieu en tant que berger de son peuple est bien présent dans l’Ecriture (dans les psaumes et les prophètes : voir Jérémie 23,1-6 ; Ezéchiel 34,1-31 ; Isaïe 40,10). On s’attendait donc à ce que le Messie soit le Grand Berger. Au lieu de cela, dans le style énigmatique typique de l’évangile de saint Jean, Jésus dit : “Je suis la porte des brebis” ! Ce n’est que plus tard qu’il dit : “Je suis le bon berger” (versets 11-18). Nous nous demandons pourquoi.
En fait, pour suivre le Berger, les “brebis” ont dû être libérées des enclos qui les maintenaient en captivité ! Le premier enclos dans lequel nous étions retenus captifs était celui de la mort. Le Christ, par sa mort et sa résurrection, a ouvert les portes de l’enfer et est devenu la porte de la vie. Et ce rôle de porte, le Christ veut l’assumer pour protéger son troupeau, mais surtout pour lui garantir la liberté de mouvement : “Si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé ; il entrera, il sortira, il trouvera un pâturage”. Il veille sur son peuple pour que les lois ou les institutions ne transforment pas sa “bergerie” en un lieu de captivité ou en une maison d’arrêt, car il est venu pour que nous ayons la vie et que nous l’ayons en abondance. Nous pourrions nous demander comment nous vivons, dans l’Église, la liberté et le sens de responsabilité que Dieu veut pour ses enfants. Et si nous gérons nos relations dans la liberté, avec la porte du cœur ouverte pour accueillir, oui, mais sans emprisonner personne.
Le Seigneur est mon berger… Vraiment ?
Le psaume qui répond à la première lecture est le psaume 22, peut-être le plus connu et le plus aimé du Psautier (l’ensemble des 150 psaumes) : “Le Seigneur est mon berger : je ne manquerai de rien”. C’est une bonne occasion de le prier et de l’apprécier. Mais nous pouvons nous demander dans quelle mesure il est vrai dans notre vie. Ne nous arrivera-t-il pas de réciter une triste parodie de ce psaume avec notre vie ? Comme ce junkie de Harlem (New York) qui a écrit sur le mur de sa cellule :
“L’héroïne est mon berger, / j’en aurai toujours besoin. / Elle me conduit à une douce démence, / elle détruit mon âme. / Elle me conduit sur la route de l’enfer / pour l’amour de son nom. / Oui, même si je marche / dans la vallée de l’ombre de la mort, / je ne craindrai aucun mal / car la drogue est avec moi, / ma seringue et mon aiguille me réconfortent”.
Il y a parfois des “drogues” qui nous enchaînent. Et il y a beaucoup “de voleurs et de brigands” qui prétendent être des bergers. Il y a bien des sirènes capables de nous séduire sans espoir, si nous ne sommes pas bien attachés, comme Ulysse, au mât de la croix !
Bergers et troupeaux
Les images de l’évangile d’aujourd’hui, berger et brebis, troupeau et bercail, si chères aux premiers chrétiens (il suffit de regarder les représentations du Christ Bon Pasteur dans les catacombes), nous sont plutôt étrangères et peu appétissantes aujourd’hui. Et pour cause, l’usage qui en a été fait dans le passé, un usage massifiant et instrumental, par des bergers qui n’ont pas “l’odeur des brebis” (Pape François). Des bergers qui n’appellent pas chacun par son nom, qui ne marchent pas devant leur troupeau prêts à sacrifier leur vie ! Les temps ne sont pas loin où l’on écrivait : “L’Église est par nature une société inégale, c’est-à-dire une société composée de deux catégories de personnes : les pasteurs et le troupeau… Ce n’est que dans le corps pastoral que résident le droit et l’autorité… la multitude n’a que le devoir de se laisser conduire et de suivre ses pasteurs comme un troupeau docile” (Pie X, Vehementer nos). Malgré les efforts pour changer les mentalités (des pasteurs et du troupeau !), le cléricalisme peine à mourir.
Aujourd’hui, Journée mondiale de prière pour les vocations, nous sommes invités à prier, avec plus d’assiduité et de conviction, le Maître de la moisson pour qu’il nous donne des bergers aux sentiments du Christ Bon Pasteur !
P. Manuel João, missionnaire combonien
Castel d’Azzano (Vérone) 28 Avril 2023