Formation Permanente – Français 11/2020
Notre suprême vocation
Contempler le ciel, bien au-delà des étoiles
Alors s’est approché de moi l’un des sept anges des sept coupes, pleines des sept fléaux qui seront les derniers, et il m’a parlé: “Viens que je te montre la fiancée, l’épouse de l’Agneau.” Il m’emporta en esprit sur une montagne grande et haute, et il me montra la ville sainte, la Jérusalem qui descend du ciel d’auprès de Dieu, rayonnante de la Gloire de Dieu. Son éclat est celui d’une pierre précieuse, on dirait un jaspe cristallin (Apc 21, 9-11).
«La Porte de la Foi, qui introduit dans la vie de communion avec Dieu et permet d’entrer dans son Eglise est toujours ouverte pour nous…» (Porta Fidei, 1).
«Au milieu de la nuit on entend un cri: Celles qui sont prêtes à le recevoir entrent avec lui pour les noces» (Mt 25, 6.10).
Le mois de Novembre commence avec la fête de la Tout-Saints suivie de la Mémoire des Fidèles Défunts. Ces célébrations donnent une couleur de fête à ce mois. C’est une invitation à contempler dans le ciel la «Communion des Saints», à contempler notre éternelle vocation, la vocation universelle à la sainteté. Nous sommes invités à entrevoir notre gloire future, l’objet de notre Espérance !
Si jadis les Anges ont invité les Apôtres à baisser les yeux vers la terre, lorsqu’ils contemplaient Jésus qui s’élevait au ciel, aujourd’hui c’est déjà le moment de les élever et de contempler le Seigneur et ceux qui désormais sont éternellement avec Lui. Nous sommes devenus myopes. Habitués à l’ombre de la terre, nos yeux de terre, de taupe, ont des difficultés pour s’élever de nouveau vers le ciel. En novembre, le soleil perd beaucoup de sa splendeur, les jours sont toujours plus courts et les nuits plus longues, la Nature perd sa vigueur et ses couleurs. C’est le temps favorable pour élever au ciel le regard de l’Esperance.
Ces célébrations nous offrent une fenêtre par où entrevoir de plus vastes horizons, tout le ciel étoilé. Novembre nous ouvre une porte dans le ciel : «Voici ce que j’ai vu : une porte ouverte dans le ciel. Alors la voix que j’avais entendue au début, qui résonne comme une trompette, me dit: “Monte ici, je vais te montrer ce qui arrivera par la suite» (Apc 4, 1). Si le Paradis ouvre ses portes, entrons donc et profitons de la visite aux plus beaux espaces que Dieu a créés pour nous.
Permettez-moi de vous servir de guide et de rêver avec vous un monde meilleur où, finalement, habitera la Justice.
Tous égaux ou tous différents ?
Première surprise : le Ciel est un merveilleux et immense mosaïque de la diversité ! «Aussitôt après, j’ai vu une foule immense que personne ne pourrait compter. Ils appartiennent à toutes les nations, à tous les peuples et tous les clans, à toutes les langues, et se tiennent face au trône et à l’Agneau, vêtus de blanc, avec des palmes à la main» (Apc 7, 9). Il n’y a pas de cieux différents pour éviter la différence… dans une éternelle et monotone uniformité ! Il y a un seul ciel pour accueillir et intégrer les différences. Toutes les différences, géographiques, temporelles, raciales, culturelles et religieuses vivent ensemble dans la joie et louent le Seigneur pour la variété qu’offre telle continue et éternelle nouveauté.
Deuxième surprise : la richesse complémentaire des caractères et des sensibilités ! Tous respectés! Tous purifiés ! «Une goute de divin existe en chaque personne. Nous sommes branches différentes d’un seul arbre» (Cardinal Martini). Disparues les sombres propres de chaque personne, ses limites, l’autre face, resplendira seulement le côté lumineux et saint de chacun. Finalement «le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera à côté du chevreau, le veau et le lion s’en iront au même pâturage sous la conduite d’un petit garçon» (Is 11, 6).
Un exemple ? Eh bien, en voilà un. Deux saints nés pour le ciel le même jour, le 30 Septembre, de tempéraments complètement différents qui vivent ensemble dans la joie : S. Jérôme, homme rude, austère, colérique, et S. Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face, toute imprégnée de la pure, belle et délicate sensibilité.
Éternel repos?
Troisième surprise : au Ciel on se donne à faire, on travaille !… Le Ciel n’est pas le paradis des paresseux ! Là tout le monde travaille. Et le «Patron» est le premier à nous donner l’exemple: «Mon Père est encore au travail, alors moi aussi je travaille» (Jn 5, 17). Il ne s’agit pas d’un travail «divin», fait «là-haut» ; au contraire, il s’agit d’un travail très humble, très humain, fait à genoux. «Qui me voit voit le Père» dit Jésus après avoir lavé les pieds aux disciples. Et que dire de l’Esprit Saint, envoyé précisément pour continuer le travail de Jésus ?
Qu’ils changent donc d’idée tous ceux qui pensent que le repos éternel sera le Paradis des paresseux. Qu’ils se tranquillisent, donc, ceux qui se sentent incapables de passer le temps, plus encore, une éternité sans rien faire. Voyant l’état du monde actuel, comment pourrions-nous continuer sans l’aide du Ciel ? Ils doivent accueillir continuellement nos demandes d’aide…Pendant que l’homme se repose, Dieu continue son travail, sans se lasser (Is 40, 28 ; Ps 127, 2).
Dieu est Créateur non pas seulement parce qu’il est à l’origine de l’univers, mais surtout parce qu’il crée continuellement, chaque jour «il fait nouvelles toutes les choses» (Apc 21, 5). Dieu s’émerveille toujours de sa Création, il est dans la joie quand il crée. Tout le Ciel se réjouit de cette joie de Dieu. Il ne renonce même pas à la joie de l’enfant qui joue avec l’argile ; avec des mains d’olier, il modèle tout selon sa volonté, la plénitude de l’être c’est la pure Action. Là nous trouverons finalement la parfaite harmonie entre être et agir ; nous développerons en pleine harmonie l’action de Marthe et la contemplation de Marie. Dans une heureuse et parfaite extase d’harmonie contemplative et dans une pacifique et féconde extase active. «Sais-tu quelle est le parfait bonheur des saints ? C’est de voir satisfaites toutes leurs aspirations» (S. Catherine de Sienne).
Bonheur sans tristesse?
Une quatrième surprise : le Bonheur du Ciel n’est pas une «joie banale» mais une «joie passionnée et solidaire» ! Et comment pourrait-il en être autrement si au Ciel se trouve la Charité parfaite ? Comment pourraient nos frères se sentir étrangers à nos souffrances et à nos épreuves ? Et surtout le Père ? La solidarité du Christ, sa compassion, ses larmes (Jn 11, 42) en disent assez. L’Ecriture ne craint pas de parler de la «profonde tristesse de Dieu» (Gn 6, 6). Et S. Paul nous demande de ne pas attrister l’Esprit de Dieu (Eph 4, 30), Esprit qui intercède pour nous «avec des gémissements ineffables» (Rm 26). Il ne faut donc pas s’émerveiller si en certaines visions la Vierge aie parlé de la «tristesse» de Dieu et de son Fils et qu’elle se présente en larmes ! «La tristesse de notre cœur est la tristesse de Dieu» (Thomas Mertton).
Le Ciel est le «lieu» de la Solidarité parfaite et de la Charité sans limites. La joie du Ciel sera pleine quand elle sera partagée par tous, quand «il essuiera toute larme de leurs yeux; il n’y aura plus de mort désormais, plus de deuil, de cris ou de peines, car les premières choses ont disparu» (Apc 21, 4). «Ne pense pas que le bonheur du Ciel soit seulement individuelle. Non ! Il est participé par tous les citoyens du Ciel : les hommes et les Anges» (S. Catherine de Siène).
Prix acquis par nos mérites ?
Cinquième surprise : le ciel n’est pas le ghetto des «justes» ! Le Ciel n’est le «salaire» accordé uniquement aux justes qui l’auraient mérité par leurs œuvres bonnes. Nous serons sans doute surpris de trouver dans le sein d’Abraham certaines personnes sans notre recommandation et même bon nombre de nos ennemis, des personnes qui ne nous ont pas pardonnés et auxquelles nous n’avons pas été capables de pardonner comme nous le professons dans la Prière du Seigneur. Tout simplement parce que notre Dieu «mange avec les pécheurs et s’assoient à table avec eux» (Mc 2, 15) ! «La bonté de Dieu a de longs bras, qui prennent tous ceux qui la cherchent.» (Dante). Et S. Thomas: «pour aller au Ciel, il suffit de le vouloir»
Le Ciel est un don de la générosité de Dieu. Aucun ne le mérite. «Tous ont été justifiés gratuitement par la grâce» Rm 3, 21-28). S. Augustin nous dit: «Quand Dieu donnera le prix à nos mérites il ne fera rien d’autre que de couronner ses propres dons». Là nous comprendrons finalement l’étonnante parabole de Jésus, quand il parle des travailleurs envoyés à la Vigne : ils reçoivent tous la même paie, celle de ceux qui ont travaillé dès le matin. Parabole que Jésus expliqua sur la Croix avec la promesse faite au Bon Larron ; celui-ci, sans travailler, fut le premier que Jésus accueillit dans son Règne (Lc 23,43). Et les justes ne seront pas scandalisés de ce comportement, parce que là n’entre pas la jalousie. «Il y aura plus de joie dans le ciel pour un pécheur qui se repent que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de se repentir» (Lc 15, 7).
Seulement l’Amour nous ouvre la porte du Ciel. Et aussi la mystique sufite musulmane Rabia de Bassora († 801), disait que, si elle pouvait, elle éteindrait l’enfer et brûlerait le Ciel pour que tous puissent aimer Dieu pour Lui-même, sans peur de l’enfer ni espérance du ciel !… Oui !… Notre Maitre est aimable en lui-même.
La Grande et Éternelle Surprise !…
Pardonnez-moi d’avoir osé parler de choses si sublimes, si pures, si divines… Ma vision est certainement humaine, trop humaine. Ce que je vois me trompe, se montrant comme au-delà mais, pour le moment, ce que réellement je vois demeure nécessairement en deçà, encore en ce monde. Il est bien vrai que je voudrais avoir un œil d’Ange ou de Saint !… Et je l’aurais !… Quand-Il me le donnera !… Disons que le Ciel est la Grande et Dernière surprise que Dieu nous réserve. Que l’espérance donne des ailes à notre Foi !… Et que l’Espérance guide notre pèlerinage jusqu’à la demeure de l’amour !… Alors, et seulement alors, nous verrons la surprise que la Sainte Trinité nous réserve à la contemplation de sa Face.
Dieu a voulu nous faire passer par ce sombre sentier qui est la mort et que nous entrions dans le gouffre des ténèbres … parce que, sans le passage par la mort, nous n’arriverions jamais à la pleine confiance dans le Seigneur. En effet, pour tous nos choix difficiles, nous trouvons toujours une issue d’émergence. Mais la mort ne nous laisse aucun autre choix : il faut se fier de l’Invisible et donner toute sa valeur à la Foi, à l’Espérance. Nous devons plonger dans le mystère qui nous accompagne pendant toute notre vie, mystère qui exige la pleine confiance pour se remettre dans les mains du Père. Nous voulons être avec Jésus et le désirons à yeux fermés, et nous nous mettons totalement dans ses mains.
Contemplons maintenant et toujours le ciel avec le regard d’une mystique qui nous a laissé ces paroles :
Finalement je comprends
Ce que c’est que le paradis.
Et l’étoffe de sa beauté :
Nature, Lumière et Harmonie.
Il est tissu d’Amour !
Le Paradis c’est l’Amour !
L’Amour qui tout crée
L’Amour ?…
La base de toute chose
L’Amour ?…
Le Sommet d’où tout descend.
Le Père crée par Amour !
Le Fils juge par Amour !
L’Esprit, lien d’Amour !
Marie vit et meure d’Amour !
Les Anges chantent par amour !
Les Bienheureux louent par Amour !
Les Ames sont toutes façonnées du tissus de l’amour !
Et la Lumière ?
Elle existe parce qu’elle est Amour !
Et le chant ?
Merveille divine !
Harmonie parfaire !
La joie de la maison de l’Amour !
Et la Vie ?
Oh ! Ça alors !
Elle est la perfection de l’Amour !
(Maria Valtorta)
P. Manuel João Pereira Correia