Mgr Hervé Giraud :
“Le pape a une vue du ciel avec les pieds sur la terre”
Réaction de monseigneur Hervé Giraud, archevêque de Sens-Auxerre et prélat de la Mission de France, à l’encyclique écologique Laudato Sii, publiée par le pape François.
« C’est un texte majeur qui marquera durablement non seulement le pontificat mais aussi l’Église, et même un petit peu le monde. Ce texte méritera d’être lu, approfondi, étudié, et pourra servir pour la formation des chrétiens.
Ce texte contient beaucoup de choses. C’est pour moi un nouvel élan dans l’enseignement social de l’Église, pas simplement écologique mais écologique et mystique à la fois. Il est imprégné d’une mystique pour la sauvegarde de la maison commune. Le verset qui m’est venu au début de ma lecture est “tout a été créé par lui et pour lui” (de l’épître aux Colossiens). Tout a été créé par le Christ et pour le Christ. C’est un texte presque irénéen (dans la filiation de saint Irénée). Il embrasse tout. Il veut récapituler toutes choses dans le Christ, celles du ciel et celles de la terre, à la fois notre aujourd’hui et notre avenir. On a l’impression que le pape a une sorte de vue du ciel en ayant les pieds sur la terre. Notre terre, vue de l’avenir.
Il y a une sorte de récapitulation dans cette encyclique. Le mot “intégral” revient beaucoup : écologie intégrale, formation intégrale, conversion intégrale. Laudato Sii est une encyclique intégrale : elle prend la totalité de ce qui fait la vie, pour la vie. Il y a une autre expression qui revient neuf fois, “tout est lié”. Il est intéressant de voir ce désir du pape d’unifier l’homme, Dieu, la création. L’unification est un thème ignatien, la récapitulation de toutes choses en Dieu est davantage irénéenne. Puisque tout est lié, l’écologie est aussi liée à l’attention à la pauvreté. Elle fait partie de l’option préférentielle pour les plus pauvres.
C’est surtout, aussi, un texte écrit plus qu’en Église, avec tous les meilleurs résultats scientifiques, avec tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté. La forme et le fond vont ensemble : puisque tout le monde doit se mettre dans cette conversion écologique, il commence lui-même par écrire avec tout le monde. Le texte est écrit avec des mains planétaires. Le pape a pris ce qu’il y a de meilleur partout où cela se trouvait. L’encyclique est intégrale par son écriture et par sa visée.
Il y a à la fois des grandes idées pour le monde et des petites idées pour le quotidien. C’est très concret, avec de nombreux exemples : les déchets, les transports publics… Il incite à faire un examen de conscience et invite à l’action. Le pape veut que tout le monde puisse participer à ce renouveau écologique. Mais il ne faut pas perdre de vue la finalité en Dieu. Le pape François le dit clairement : si on ne pense pas à cette finalité en Dieu, il manque quelque chose.
Enfin, l’encyclique avalise beaucoup d’avancées de l’herméneutique biblique sur le rapport à la nature, au travail, à l’autre, le temps. Ça contribue à en faire une encyclique… intégrale. »
propos recueillis par Mahaut Herrmann Créé le 18/06/2015 /