Commentaire méditation sur
St Joseph charpentier de Georges de la Tour.
Frère Yves au Tiers Ordre de Saint François.
La composition
Le tableau est centré sur les bras de St Joseph en plein travail. Mais le centre d’intérêt est incontestablement la figure de l’Enfant-Jésus. Il rayonne de lumière, bien plus que la chandelle, voilée par sa main. Les lignes majeures éclairées sont verticales pour la plupart ; mais le buste incliné de St Joseph forme avec ses bras une sorte de réflecteur à la lumière de l’Enfant-Jésus. La surface bien éclairée est délimitée par les deux bustes, les bras de St Joseph, le manche de la tarière et le genou de l’Enfant ; elle forme un cercle lumineux où s’unissent les deux personnages. C’est un tableau en clair-obscur, quasiment monochrome.
L’atmosphère
On y trouve une grande douceur, donnée par le clair-obscur et les bruns chauds et prune des vêtements. C’est aussi l’atmosphère familiale du père et du fils travaillant ensemble. Et comme dans la plupart des scènes religieuses peintes par de la Tour, il y règne un silence d’une grande intensité.
Dans ce thème du vieillard et de l’enfant, cher aussi au Caravage, c’est également la créature devant son Dieu fait homme. La scène, très dépouillée, souligne l’expression des personnages et des objets qui la composent. En même temps, une forte intensité se dégage du tableau, par la puissance lumineuse du visage de l’Enfant-Jésus et l’effort de St Joseph sur son outil.
L’Enfant-Jésus
Tout d’abord, que fait-il ? Humainement, matériellement parlant, il éclaire à l’aide d’une chandelle son père nourricier qui travaille. Mais pourquoi la lumière de son visage est-elle si intense, au point qu’il est presque impossible d’en distinguer le modelé, mais seulement le profil et le rayonnement ? Cela pourrait faire penser à la forme glorieuse de la Transfiguration.
Et pourquoi la lumière vient-elle de son visage sinon parce qu’Il est la Lumière, la Lumière qui éclaire les hommes. Dans le tableau, c’est le rayonnement de son visage qui éclaire le travail de St Joseph. Dans la vie, la nôtre, il est aussi Celui qui nous éclaire, nous guide dans notre travail et notre devoir d’état.
A côté de cette puissance dans la lumière, il est aussi émouvant de voir avec quelle délicatesse et quelle élégance exquise il tient de la main droite la chandelle et de la main gauche il en protège la flamme. Il renvoie la lumière vers St Joseph dans un geste que la transparence des doigts adoucit de façon presque touchante. Avec la Lumière, Il est aussi la Miséricorde et la Charité qui apaisent les âmes que la dureté du travail et du devoir d’état éprouve.
Reste son regard d’une immense sérénité : comme dans beaucoup de tableaux de Georges de la Tour, il est en dehors, voire au-dessus de l’action. Ici, l’Enfant-Jésus regarde droit devant Lui, au-delà même de St Joseph et non pas le travail de celui-ci. Alors que son père nourricier est au travail, Il est assis et même bien droit, installé avec assurance comme un roi sur son trône ! Mais n’est-Il pas notre Roi, celui qui doit régner dans nos âmes, nos cœurs et sur notre travail et nous y apporter la Lumière ?
Saint-Joseph
Il est campé sur ses deux jambes, un pied bien à plat sur le sol et l’autre qui maintient la pièce de bois dans laquelle, avec une tarière, il perce un trou. Ses bras, les manches retroussées, sont arc-boutés sur son outil. Courbé dans l’effort, il travaille sous le regard de son fils adoptif. Le bois qu’il perce nous fait irrémédiablement penser à celui de la Croix sur lequel nos péchés ont crucifié Jésus-Christ.
Le regard de St Joseph, comme celui de l’Enfant-Jésus, est “ailleurs” ; il ne regarde pas son travail, mais Celui à qui il est offert. Il scrute le visage de Notre-Seigneur avec la douceur affective du père qui éduque son fils ; c’est aussi avec l’humilité du bon artisan qu’il se soumet à la volonté de Dieu et lui offre son labeur. Quel contraste aussi entre la puissance, la force de son geste dans le travail et l’humilité, la douceur de son regard.
Tout faire de nos mains comme si nous ne devions rien attendre de Dieu et en même temps, tout attendre de notre prière comme si notre travail ne valait rien. N’est-ce pas là notre vraie condition dans le travail ? “Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front”, “Sans Moi, vous ne pouvez rien”. Mais Il nous dit aussi : ” Ma Grâce te suffit”. Alors ayons confiance en Lui, en tout.
