Tercer Domingo de Adviento

Références bibliques

  • Lecture du livre du prophète Isaïe : 34. 1 à 10 : »La revanche de Dieu … il vient lui-même et va vous sauver ! »
  • Psaume 145 : « Le Seigneur redresse les accablés. Le Seigneur aime les justes. »
  • Lecture de la lettre de saint Jacques : 5. 7 à 10 : « Ayez de la patience, vous aussi. Soyez fermes. La venue du Seigneur est proche. »
  • Evangile selon saint Matthieu : 11. 2 à 11 : « Heureux celui qui ne tombera pas à cause de moi ! »

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 11,2-11.
En ce temps-là, Jean le Baptiste entendit parler, dans sa prison, des œuvres réalisées par le Christ. Il lui envoya ses disciples et, par eux, lui demanda : « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? »
Jésus leur répondit : « Allez annoncer à Jean ce que vous entendez et voyez :
Les aveugles retrouvent la vue, et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, et les sourds entendent, les morts ressuscitent, et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle.
Heureux celui pour qui je ne suis pas une occasion de chute ! »
Tandis que les envoyés de Jean s’en allaient, Jésus se mit à dire aux foules à propos de Jean : « Qu’êtes-vous allés regarder au désert ? un roseau agité par le vent ?
Alors, qu’êtes-vous donc allés voir ? un homme habillé de façon raffinée ? Mais ceux qui portent de tels vêtements vivent dans les palais des rois.
Alors, qu’êtes-vous allés voir ? un prophète ? Oui, je vous le dis, et bien plus qu’un prophète. C’est de lui qu’il est écrit : ‘Voici que j’envoie mon messager en avant de toi, pour préparer le chemin devant toi.’
Amen, je vous le dis : Parmi ceux qui sont nés d’une femme, personne ne s’est levé de plus grand que Jean le Baptiste ; et cependant le plus petit dans le royaume des Cieux est plus grand que lui. »


Des nouvelles de Jésus parviennent à Jean-Baptiste jusqu’à la prison de Machaerus, où il a été détenu par Antipas. Ce qu’il entend le déconcerte. Cela ne répond pas à ses attentes. Il attend un Messie qui s’imposera par la terrible force du jugement de Dieu, sauvant ceux qui ont accepté son baptême et condamnant ceux qui l’ont rejeté: Qui est Jésus?

Pour sortir du doute, il demande à deux disciples d’aller interroger Jésus sur sa véritable identité: «Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre?». La question a été décisive dans les premiers moments du christianisme.

La réponse de Jésus n’est pas théorique, mais très concrète et précise: «communiquez à Jean ce que vous avez vu et entendu». Ils l’interrogent sur son identité, et Jésus leur répond par son action de guérison au service des malades, des pauvres et des misérables qu’il trouve dans les villages de Galilée, sans ressources et sans espoir d’une vie meilleure: «Les aveugles voient et les boiteux marchent; les lépreux sont purifiés et les sourds entendent; les morts ressuscitent et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres».

La meilleure manière de connaître Jésus est de voir qui il approche et ce qu’il fait. Pour bien saisir son identité, il ne suffit pas de confesser théoriquement qu’il est le Messie, Fils de Dieu. Il faut s’accorder à sa manière d’être Messie, qui n’est autre que celle de soulager la souffrance, de soigner la vie et d’ouvrir un horizon d’espérance pour les pauvres.

Jésus sait que sa réponse peut décevoir ceux qui rêvent d’un Messie puissant. C’est pourquoi il ajoute: «Heureux celui qui ne sera pas déçu par moi». Que personne n’attende un autre Messie qui accomplirait un autre genre d’«oeuvres»; que personne n’invente un autre Christ à son gré, car le Fils a été envoyé pour rendre la vie plus digne et plus joyeuse pour tous, jusqu’à ce qu’elle atteigne sa plénitude le jour de la fête finale préparée par le Père.

Quel Messie suivons-nous aujourd’hui, nous chrétiens? Nous consacrons-nous à faire «les œuvres» que Jésus a faites? Et si nous ne les réalisons pas, que faisons-nous au milieu du monde? Qu’est-ce que les gens «voient et entendent» dans l’Église de Jésus? Qu’est-ce qu’ils voient dans nos vies? Qu’entendent-ils à travers nos paroles?

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Avec ce 3e dimanche de l’Avent, nous avançons dans notre attente. Les Fêtes sont toutes proches. Elles sont même commencées pour plusieurs. La joie est dans l’air. Nous sommes dans l’impatience du parfait bonheur.

La Parole de Dieu cependant met de l’ombre sur nos joies; en même temps qu’elle nous parle d’une patience qui s’impose dans les circonstances. Elle remet en question une joie trop superficielle et l’impatience face aux délais imposés à l’accomplissement de nos rêves.

Jean-Baptiste se pose des questions. Il est en prison. Il a du temps pour réfléchir. Or il s’inquiète et semble douter sérieusement au sujet de Jésus. Était-ce bien lui le Messie promis? Le prophète l’affirmait sous la poussée de l’Esprit, il y a quelques mois. Mais en apprenant ce que fait le Christ, Jean s’en étonne. Jésus ne fait rien de ce à quoi le Baptiste s’attendait. On dirait même que rien n’a changé. Jésus est-il celui qui doit venir ou bien faut-il en attendre un autre? Le Christ allait-il bientôt prendre les choses en main? Mais ce Jésus n’a vraiment pas l’air de vouloir livrer la marchandise. On peut penser que c’est dans ce climat de doute et d’incertitude que Jean envoie quelques uns de ses disciples interroger le Galiléen pour en avoir le cœur net.

Notons la réponse de Jésus : Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez : certains des signes annoncés par le prophète Isaïe sont bien là : les boiteux marchent; les sourds entendent; les muets parlent; les lépreux sont purifiés; les morts ressuscitent… et la Bonne nouvelle est annoncée aux pauvres. Ce qui importe dans cette énumération, c’est ce vers quoi s’en va la liste : la Bonne nouvelle est annoncée aux pauvres. C’est là que Jean devrait comprendre, et nous avec lui : l’option de Jésus pour les pauvres. L’attention privilégiée du Seigneur se porte vers les petits et les simples. Il nous rappelle ainsi que c’est vers là que devrait être aussi notre tendance. Venir en aide à ceux qui sont en difficultés, les petits, les pauvres, les laissés pour compte. C’est par là que commence l’œuvre messianique. Le Salut de Dieu pour le moment n’a rien de fracassant. Il n’est pas une victoire éclatante. Du moins pas tout de suite. Il consiste bien plus en de petites choses, toutes simples, à notre portée. Comprenons qu’il nous faut ouvrir les yeux. Ouvrir nos oreilles. Bondir hors de nos léthargies. Être purifiés de la lèpre du péché. Entrer dans la vie du Royaume. Nous devons franchir personnellement des seuils de libération, de redressement, de relèvement. C’est dans nos cœurs que cela se passera d’abord. Le Règne de Dieu avance doucement, mystérieusement, dans le secret. Il y faut du temps. De la patience. Mais il apporte déjà une grande joie à celui ou celle qui lui ouvre la porte de son cœur.

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Ce troisième dimanche de l’Avent s’offre à nous comme une méditation sur le thème de la joie, cette joie qui se fraie même son chemin dans nos sociétés sécularisées où le temps de Noël évoque une ambiance festive et joyeuse, où l’on se surprend à vouloir décorer villes et villages. Cette joie des fêtes semble indissociable d’une fête de la lumière, comme si au cœur de nos nuits, l’on attendait la venue de quelqu’un, de quelque chose d’extrêmement précieux.

Le temps de Noël évoque aussi un sentiment assez unanime d’entraide à l’endroit des plus démunis. Comme si la joie et la charité se donnaient la main à l’occasion de la naissance du Sauveur. Pour nous chrétiens et chrétiennes, que joie et charité se conjuguent n’a rien de surprenant. Bien sûr, l’on pourrait reprendre la parole de Jésus quand il dit qu’il y a beaucoup plus de joie à donner qu’à recevoir (Ac 20, 35), mais la joie chrétienne, qui est intimement liée à la fête de Noël, nous entraîne infiniment plus loin, car comme le souligne le pape François : «La joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus. Ceux et celles qui se laissent sauver par lui sont libérés du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement.»

Et c’est ainsi que la joie est au rendez-vous tout au long des évangiles. Le pape François, dans son encyclique La joie de l’évangile, en donne plusieurs exemples. Dès le début des évangiles, l’archange Gabriel salue Marie en lui disant «Réjouis-toi» (Lc 1, 28). «La visite de Marie à Élisabeth fait en sorte que Jean tressaille de joie dans le sein de sa mère (cf. Lc 1, 41). Dans son cantique, le Magnificat, Marie proclame : “Mon esprit tressaille de joie en Dieu mon Sauveur” (Lc 1, 47). Quand Jésus commence son ministère, Jean s’exclame : “Telle est ma joie, et elle est complète” (Jn 3, 29). Jésus lui-même “tressaillit de joie sous l’action de l’Esprit-Saint” (Lc 10, 21). Son message est source de joie : “Je vous dis cela, dit-il à ses apôtres, pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète” (Jn 15, 11).

Il promet aux disciples : “Vous serez tristes, mais votre tristesse se changera en joie” (Jn 16, 20). Et il insiste : “Je vous verrai de nouveau et votre cœur sera dans la joie, et votre joie, nul ne vous l’enlèvera (Jn 16, 22). Pourquoi ne pas entrer nous aussi dans ce fleuve de joie, nous demande le pape François!

Oui, la joie est au rendez-vous dans l’Évangile. Elle frappe à la porte de nos souffrances physiques, morales et spirituelles, et elle nous invite au rendez-vous de Dieu, qui est d’accueillir le Christ dans nos vies. C’est là le sens premier de la fête de Noël. C’est le pape Benoît XVI qui affirmait : “À l’origine du fait d’être chrétien, il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un évènement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive”(1).

(…) Alors comment cacher cette joie qui nous habite alors que Noël approche! Cette joie doit se faire charité, entraide, et témoignage de cette réalité infiniment plus grande que nous et qui habite en nos cœurs. Il nous faut nous redire cette joie en Église, la chanter, la célébrer, et surtout la rendre active, en nous faisant proches de tous ceux et celles qui souffrent, qui sont accablés ou isolés, de tous ceux et celles qui ne trouvent aucun sens à leur vie, parce que le silence de Dieu leur pèse. C’est là que la joie du Christ nous entraîne.

Il y a la joie qui vient du dedans et il y a celle qui vient du dehors.
Je voudrais que les deux soient tiennes,
Qu’elles remplissent les heures de ton jour, et les jours de ta vie;
Car lorsque les deux se rencontrent et s’unissent, il y a un tel chant d’allégresse que ni le chant de l’alouette ni celui du rossignol ne peuvent s’y comparer.
Mais si une seule devait t’appartenir,
Si pour toi je devais choisir,
Je choisirais la joie qui vient du dedans.

Parce que la joie qui vient du dehors
est comme le soleil qui se lève le matin et qui, le soir, se couche.
Comme l’arc-en-ciel qui paraît et disparaît;
Comme la chaleur de l’été qui vient et se retire;
Comme le vent qui souffle et passe;
Comme le feu qui brûle puis s’éteint…
Trop éphémère, trop fugitive…
J’aime les joies du dehors. Je n’en renie aucune.
Toutes, elles sont venues dans ma vie quand il fallait…

Mais j’ai besoin de quelque chose qui dure;
De quelque chose qui n’a pas de fin; Qui ne peut pas finir.
Et la joie qui vient du dedans ne peut finir.
Elle est comme une rivière tranquille, toujours la même; toujours présente.
Elle est comme le rocher,
Comme le ciel et la terre qui ne peuvent ni changer ni passer.
Je la trouve aux heures de silence, aux heures d’abandon.
Son chant m’arrive au travers de ma tristesse et de ma fatigue;
Elle ne m’a jamais quitté.
C’est Dieu; c’est le chant de Dieu en moi,
Cette force tranquille qui dirige les mondes et qui conduit les hommes;
et qui n’a pas de fin, qui ne peut pas finir.

II y a la joie qui vient du dedans et il y a celle qui vient du dehors.
Je voudrais que les deux soient tiennes.
Qu’elles remplissent les heures de ton jour et les jours de ta vie…
Mais si une seule devait t’appartenir
Si pour toi je devais choisir,
Je choisirais la joie qui vient du dedans.

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Jean, dans sa prison, se prend à douter de l’identité réelle de Jésus. On le comprend. En effet les choses semblent mal tourner : Hérode l’a fait enfermer ; la prédication de Jésus et son comportement déconcertent car rien de tout cela ne coïncide avec la vision somptueuse d’Isaïe (35,1-10). Où voit-on le triomphe de la justice, la fin de tous les antagonismes ? S’était-il trompé quand il s’était déclaré indigne de baptiser Jésus (Matthieu 3,14) ? Si la liturgie nous fait relire l’épisode de l’envoi par Jean de messagers pour s’enquérir de l’identité de Jésus alors que nous approchons de la commémoration de sa naissance, c’est bien parce que nous sommes nous-mêmes dans une situation analogue à celle de Jean. On nous invite en effet à célébrer le souvenir d’un événement capital, vieux de plus de 2 000 ans, et rien, en apparence, n’a changé. Le loup n’habite pas avec l’agneau, la paix n’est pas pour demain, les boiteux continuent à boiter et les aveugles à ne pas voir. Tout cela signifie que nous ne célébrons pas seulement la naissance du Christ à Bethléem mais aussi l’attente de sa venue. Il est déjà là et pourtant il déclare bienheureux ceux qui ont encore faim et soif de la justice (Matthieu 5,6). Ce qui a changé, c’est que désormais nous ne marchons pas seuls sur la route de l’accomplissement des promesses : nous sommes en chemin avec le Christ et il nous dit en Jean Baptiste qu’il est lui-même ce chemin.

Le Christ à nos portes

Dans la seconde lecture du premier dimanche de l’Avent, Paul nous parle de l’ultime venue du Christ ou, si l’on veut, du parachèvement de sa venue comme d’un événement imminent. Les premiers chrétiens croyaient en effet que cette fin des temps était à leurs portes. Ne haussons pas trop vite les épaules car cette croyance, même si elle se trompait en spéculant sur les dates, recouvrait une vérité incontestable : le Christ est toujours, sans cesse, en train de venir. Il vient vivre en nous et avec nous tout ce que nous avons à vivre. En un certain sens, Noël, c’est tous les jours ; et tout le temps. Un jour nous découvrirons la face cachée de tout ce que nous traversons, de nos peines, de nos deuils, de nos joies. Il y a des temps de calvaire et des temps de résurrection ; des temps de nuit et des temps de lumière. Jean Baptiste a-t-il compris que le Christ était là, en prison avec lui, et que par là s’accomplissait la justice ? Une justice nouvelle qui n’est pas de ce monde comme la paix que vient nous donner Jésus, comme le Royaume aux portes duquel Jean se tient (Jean 14,27 et 18,36). Dans la seconde lecture, Jacques nous parle aussi d’imminence (le juge à notre porte) et aussi de patience. La patience est vertu de l’attente. Sûre de son objet, notre espérance nous achemine vers la révélation de la face lumineuse de ce que nous avons à traverser.

L’éloge de Jean le Baptiste

La venue du Christ, celle d’il y a 2 000 ans et toutes les visites qu’il nous fait, secrètement, au jour le jour, est toujours précédée par des rencontres, des événements, des lectures… C’est que Jésus s’insère dans une histoire qui, malgré les apparences, nous achemine vers lui. Si l’on veut, Jean le Baptiste est toujours là, sous une forme ou sous une autre. Nous n’entendrons son message que si nous sommes habités par le désir et attentifs aux signes qui coïncident avec tout ce qui existe. Ces signes n’ont rien de miraculeux ni de spectaculaire. Le précurseur du Christ ne se manifeste pas dans les lieux où se décide l’histoire, le sanhédrin, l’entourage d’Hérode ou de Pilate, les cercles rabbiniques. On ne le voit pas non plus dans les lieux sacrés, Temple ou synagogues. Le désert ! Va-t-on recommencer, autrement, l’Exode ? Il y a là «plus qu’un prophète», donc plus que Moïse. C’est que Jean «prépare le chemin» d’un Exode, d’un passage que Moïse n’avait pu soupçonner et que nous avons nous-mêmes beaucoup de mal à concevoir et à accepter. Jusque-là, jusqu’au Christ, il n’a pas existé parmi les hommes de plus grand que Jean le Baptiste. Il se tient à la porte d’un monde nouveau que l’Écriture appelle « Royaume des cieux ». Désormais il nous reste à suivre le Christ, c’est-à-dire à faire nôtres ses manières de penser et de se comporter : «Ayez en vous (ou entre vous) les attitudes qui furent celles du Christ Jésus» (Philippiens 2,5). Ainsi s’accomplira notre propre exode.

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Dans notre évangile, deux questions d’identité : Qui est Jésus ? Qui est Jean Baptiste ? Étonnante, la question de Jean : au chapitre 3 du même évangile, on l’a vu baptiser Jésus et il a entendu la voix céleste le déclarant « Fils bien-aimé ». C’est que, semble-t-il, Jean Baptiste fait encore partie de l’Ancienne Alliance. La Nouvelle Alliance qu’il annonce garde encore pour lui son secret. Il doit en rester au triomphe social et politique qu’attendait son peuple.

Or, le voici en prison, victime du mal et de l’injustice exercée par Hérode. Est-ce là le Royaume de Dieu annoncé ? Pourtant, au fond de lui, la foi demeure : il ne fermera pas les yeux sur l’adultère d’Hérode. Jusqu’à en mourir. Et c’est à Jésus qu’il envoie des disciples pour apprendre s’il est celui qui doit venir ou s’il faut en attendre un autre. Écoutons bien la réponse du Christ : il n’annonce pas un triomphe politique ou militaire, mais il révèle que Dieu est tout entier miséricorde, en alliance avec les victimes du mal qui empoisonne le monde. La Croix est en perspective. Nous en sommes tous à la question du Baptiste : nous n’en finissons pas de nous demander qui Jésus est vraiment. Le nombre d’ouvrages écrits à ce sujet montre que les premiers conciles, réunis à ce propos, n’ont pas tout éclairci : plus encore que toute personne humaine, le Christ reste pour nous un mystère et nous éprouvons souvent doute et scandale au spectacle du silence de Dieu devant notre mal, de l’abandon entre nos mains de sa toute-puissance. Répétons-le : sa puissance en nous se nomme Esprit ; elle nous permet d’utiliser tout ce qui nous arrive pour, à partir de là, mettre au monde de l’amour.

Qui est Jean Baptiste ?

Il est difficile de parler de lui. Il est un doigt pointé vers un autre. On le quitte des yeux pour regarder dans la direction qu’il indique. Lui-même dit qu’il n’est là que pour être dépassé. Un peu comme Moïse, qui lui aussi a pris la parole dans le désert et s’est arrêté aux portes de la terre promise, pendant que le peuple né en route traversait le Jourdain. Comprenons que toute la Bible converge vers Jean Baptiste. Le Livre entier prépare la venue de celui qui, maintenant, est là, et que le plus-que prophète ne se contente pas d’annoncer mais désigne. C’est pourquoi Jean peut être dit « le plus grand des enfants nés de la femme ». Pensons tout de suite à l’humanité née, selon la figure biblique, de la femme primordiale. Voici que maintenant va surgir une autre humanité, dans laquelle nous devrons renaître : celle du « dernier Adam », le Christ. Cette nouvelle humanité est celle du Royaume des cieux (relisons Jean 3,3-8). Elle prendra naissance dans la Pâque. Cette seconde naissance ne supprimera pas la première mais viendra l’épouser, s’incarner en elle pour l’élever vers un avenir que l’on n’avait pu ni prévoir ni imaginer : notre accès à la condition d’enfants de Dieu. Mais quand Jésus dit que le plus petit dans le Royaume est plus grand que Jean Baptiste, cela signifie-t-il que celui-ci n’entrera pas dans le Royaume ? Je pense qu’il y entrera, mais pour cela il faudra qu’il traverse la mort. Là, il pourra renaître pour une vie nouvelle. Précurseur de Jésus, il le sera jusqu’au bout : sa décapitation est déjà annonce de la traversée pascale.

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Jean le Baptiste et Jésus: deux visions différentes sont mises ici en comparaison, concernant la Mission du Messie. Ces deux visions du Messie qui sont ici rapprochées, sont bien différentes, au point d’entrer presque en collision: un juge sévère, réformateur de la société? ou bien un messager de la miséricorde accessible à tous? Jean le Baptiste, enfermé dans la solitude et la nuit de la prison de Maqueront (Évangile), est saisi par un doute tout à fait compréhensible et légitime. Le prédicateur austère, à la parole de feu (il nous suffit de repenser à l’Évangile de dimanche dernier!), connaît aussi ses zones d’ombre: “est-ce bien toi… ou faut-il en attendre un autre?” (v. 3). En effet: quelle est la vraie identité de Jésus? parce que le personnage est mystérieux, attrayant sans doute, mais tout aussi déconcertant! Et Jean est probablement dérouté, ne sachant plus quoi penser exactement à son sujet. Trop préoccupé des pauvres et des derniers, il ne s’affronte jamais au système en place, il ne condamne personne et ne juge pas non plus. Même avec les pécheurs: non seulement il ne les démolit pas, mais il accueille tout le monde, au point de se proclamer pasteur à la recherche des derniers de tous, pour leur donner aussi leur part d’espérance… A quel genre de Messie avons-nous donc à faire? Et, au fait, est-ce bien lui le Messie? Or Jean demeure un modèle de recherche tenace de Dieu et de son Messie, tout à fait passionné en cela. Il est un modèle de vrai croyant: on a le droit d’avoir des difficultés dans la foi, de garder des doutes au sujet des attitudes de Dieu, ou sur le sens à donner à notre vie à la lumière de la foi… Le Baptiste nous invite à ne pas nous enfermer sur des convictions acquises à l’avance. Au contraire il s’ouvre à la confrontation loyale: il ne refuse donc pas le Messie par le seul fait que celui-ci n’entre pas dans ses schémas mentaux. Par conséquent il le recherche pour le questionner… pour comprendre…

Jésus, quant à lui, ne donne pas des réponses purement théoriques aux disciples venus de la part de Jean. Mais il les renvoie à la lecture des faits et les invite à lire les signes des temps. Les “œuvres du Christ” (v. 2) révèlent son identité: les faits parlent tout seul, ils annoncent et parlent d’eux mêmes, plus et mieux que les paroles. Jésus signale les prodiges qu’il accomplit réellement en montrant sa miséricorde envers des aveugles, des estropiés, lépreux, sourds, muets, tous les pauvres qui viennent à lui (v. 4-5). Des signes qui parlent de la puissance et de la miséricorde de Dieu, des gestes qui ne visent rien d’autre que le don de la vie. L’accès à Dieu est ouvert à tout le monde, personne n’étant exclu ni condamné, mais la miséricorde est ouverte à tous. Même les miséreux trouvent justice, ainsi que les plus désespérés. On doit pouvoir dire à chaque individu: “le salut est possible aussi pour toi”, quel que soit son vécu.

Jean est son ami, proche même par lien de famille. Jésus va en faire l’éloge public qu’on connaît: il le déclare le plus grand “parmi tous ceux qui sont nés d’une femme”. Pourtant Jésus lui adresse aussi une invitation amicale à revoir ses positions, tout en proclamant pour lui une béatitude: “Heureux celui qui ne trouvera pas en moi motif de scandale!” (v. 6). Une invitation qui était d’actualité à cette époque-là, mais qui l’est tout autant aujourd’hui! Parce que aujourd’hui aussi les premiers signes annonciateurs du Royaume sont justement les gestes d’attention portés aux pauvres et aux malheureux, plus importants que l’annonce faite par la parole. Depuis toujours c’est d’abord les œuvres accomplies au nom de Dieu, par amour envers Lui, qui sont mission, qui évangélisent en révélant le vrai visage de Dieu, qui est l’amour. Une mission n’est pas mission de Dieu et de son Église si elle n’est pas accompagnée des œuvres de miséricorde. Tout ce qui permet ou facilite le développement et l’épanouissement de la personne humaine est aussi œuvre de miséricorde, tout comme la défense des droits de la personne, ou des droits de la nature et de la création. Il ne s’agit pas là d’œuvres destinées à attirer les gens dans un but de prosélytisme, mais d’attention aux nécessités que connaissent les plus faibles dans la société. Une réponse donc, faite de gratuité et dictée par l’amour, au nom du Seigneur Dieu.

Finalement, le message global de la parole de Dieu en ce dimanche nous dit que personne n’est exclu de la joie venant du Messie: surtout pas ceux qui souffrent d’un handicap dans leur corps, ou sont pauvres autrement, parce que cette parole de l’Évangile de vie leur est adressée en premiers. A une époque difficile, qui connaissait destructions et déportations, malheurs, ruines et mort, le courageux prophète (I lecture) invite pourtant à la joie et à l’espérance. S’il n’avait pas conscience de parler au nom de Dieu, il serait lui même un fou, perdu dans ses illusions. Mais il sait qu’il peut faire confiance à Dieu, qui a son projet d’amour pour libérer son peuple. D’où la double invitation : attendre dans la joie le Seigneur qui vient nous sauver (v. 1-4), vivre la patience de la longue attente (II Lecture). Tout comme le paysan laborieux: il vit l’attente des fruits de la terre et de la pluie, mais entre temps il ne reste pas à ne rien faire. Il s’occupe à soigner son champ : il bêche. il sème, il nettoie, il arrose…

L’appel à la joie est la tradition constante de ce 3ème Dimanche de l’Avent, dimanche dit “Gaudete” (réjouissez-vous), d’après la première parole dans l’antienne d’ouverture. Elle donne immédiatement raison de notre joie: parce que “le Seigneur est proche”. Sa présence dans notre vie individuelle, ou dans la société, ne soustrait aucune place à l’homme, mais au contraire elle l’élargit. “Celui qui cherche Dieu trouve toujours la joie, tandis que celui qui la cherche d’abord, ne trouve pas Dieu nécessairement. Celui qui cherche le bonheur plus que Dieu, ou en dehors de Dieu, ne trouvera qu’une vaine illusion, ‘des jarres fissurées qui ne retiennent pas l’eau’ (Jér 2,13)” (R. Cantalamessa). L’invitation insistante de l’Église à l’espérance et à la joie est un vigoureux démenti à tous les annonciateurs de malheur: malgré tous les signes qui semblent dire le contraire, le croyant sait quand même voir, dans le déroulement de l’histoire des hommes, les signes d’une présence de Dieu qui a un projet d’amour. Je reviens juste d’un voyage missionnaire en Thaïlande et Viêt-Nam, où j’ai pu constater des signes évidents d’espérance te de vie. Ce n’est qu’un signe de plus que le Royaume de Dieu et l’Eglise sont bien présents, et s’affirment de plus en plus dans le temps.