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Évangile selon saint Luc 1, 26-38

En ce temps-là, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, à une jeune fille vierge, accordée en mariage à un homme de la maison de David, appelé Joseph ; et le nom de la jeune fille était Marie. L’ange entra chez elle et dit : « Je te salue, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi. » À cette parole, elle fut toute bouleversée, et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation. L’ange lui dit alors : « Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. »
Marie dit à l’ange : « Comment cela va-t-il se faire, puisque je ne connais pas d’homme ? » L’ange lui répondit : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint, il sera appelé Fils de Dieu. Or voici que, dans sa vieillesse, Élisabeth, ta parente, a conçu, elle aussi, un fils et en est à son sixième mois, alors qu’on l’appelait la femme stérile. Car rien n’est impossible à Dieu. » Marie dit alors : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. » Alors l’ange la quitta.

Le 8 décembre marque la fête de l’Immaculée Conception. La célébration de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie – située dans les premiers jours de la nouvelle année liturgique et du temps de l’Avent – nous rappelle la destinée unique de cette femme juive, choisie par Dieu. Pour la foi chrétienne, Marie est indissociable de l’enfant qu’elle a porté, Jésus, en qui s’est totalement manifesté le Dieu vivant. Elle est appelée, depuis le concile d’Éphèse (431), « Mère de Dieu ». Selon la tradition catholique, depuis le dogme promulgué par le pape Pie IX, le 8 décembre 1854, elle est déclarée préservée du péché originel dès sa naissance.

Pourquoi un dogme ?

Un dogme est une vérité de foi solennellement proclamée par le Pape pour être accueillie par l’Église. Ainsi, le 8 décembre 1854, dans la Bulle Ineffabilis Deus, le pape Pie IX déclarait : « Nous déclarons, prononçons et définissons que la doctrine qui tient que la bienheureuse Vierge Marie a été, au premier instant de sa conception, par une grâce et une faveur singulière du Dieu tout puissant, en vue des mérites de Jésus Christ, Sauveur du genre humain, préservée intacte de toute souillure du péché originel, est une doctrine révélée de Dieu, et qu’ainsi elle doit être crue fermement et constamment par tous les fidèles ».

En d’autres termes, pour accueillir le Fils de Dieu, Marie ne pouvait avoir en son coeur aucune trace d’hésitation ou de refus. Dieu avait besoin que le don de son amour rencontre une foi parfaitement pure, une âme sans péché. Seule la grâce (le don gratuit de Dieu) pouvait ainsi la préparer, et elle en est comblée (Évangile selon saint Luc, chapitre 1). Comme un fruit anticipé du pardon offert par Jésus sur la croix, Marie (qui a été conçue normalement, par l’union de son père et de sa mère) est immaculée, pure de tout péché, et préservée de cette séparation d’avec Dieu qui marque l’homme dès le début de son existence, le péché originel.

« Pour la plupart des gens, « l’immaculée conception » voudrait dire que Marie est devenue mère, a conçu Jésus, par l’action de l’Esprit Saint, sans relation conjugale. Comme si la relation conjugale était, par elle-même, un péché. Ce n’est pas du tout ce que dit la foi chrétienne. Si le mariage était un péché, il ne pourrait être un sacrement […] rappelle Mgr Jacques Perrier, évêque émérite de Tarbes et Lourdes. » Que voulait dire Pie IX ? Que fête l’Église catholique le 8 décembre ? Ceci :

Marie, dès l’origine, a été totalement étrangère au péché. C’est pourquoi, dans toutes les apparitions, elle se montre toujours merveilleusement belle, rayonnante de lumière et de bonté.

Lourdes et l’Immaculée

Les apparitions de Lourdes ont eu lieu quatre ans après la proclamation solennelle du dogme de l’Immaculée Conception par le pape Pie IX. Le 25 mars 1858, dans la grotte humide et sombre de Massabielle, Marie converse familièrement avec Bernadette qui l’interroge ; elle lui dit son nom : « Je suis l’Immaculée Conception ».

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L’Annonciation n’a pas de témoin, et l’idée que Marie ait plus tard raconté l’événement à Luc dans tous ses détails ne tient pas la route. Nous avons affaire à un texte théologique, destiné à nous faire comprendre ce qui est en jeu dans la naissance du Christ. La pointe de ce « récit » est à la fin, quand nous entendons Marie se déclarer servante du Seigneur et accepter ce qui lui est proposé. Nous apprenons ainsi que Dieu ne peut venir faire un avec nous sans notre assentiment. Marie est en quelque sorte la figure de l’humanité ouvrant sa porte à Dieu. Cela vaut pour chacun d’entre nous : il y a en nous cet espace vierge, ce point d’innocence, au-delà et au-dessus de toutes nos perversités, où la Parole de Dieu peut venir se poser, prendre racine, porter tous ses fruits. Il y a en tout être humain quelque chose de la Vierge Marie. Elle manifeste l’aptitude de toute créature à admettre le Créateur, à accepter de provenir d’un autre. Il y a en Dieu un respect inimaginable : il ne s’impose pas, il se propose. C’est sans doute pourquoi le récit de l’Annonciation fait état d’un cheminement de Marie : le « oui » n’est dit qu’à la fin. Au départ, nous sommes dans un monde stable et familier : Marie est fiancée, ce qui n’a rien de singulier ; son futur époux est de la « maison de David », comme tant d’autres. Voici l’irruption du nouveau : l’ange entre chez elle.

De la peur à la foi

Nous ne saurons jamais ce qui se cache sous la figure de la visite de l’ange. Certainement quelque chose d’indicible, de non représentable. En tout cas, bien que l’ange lui apporte une bonne nouvelle, la première réaction de Marie est la peur, si bien que l’ange doit lui dire « mè phobou » : n’aie pas peur. Elle va devoir vivre le passage de la peur à la foi, passage que nous avons tous à accomplir et qui représente la substance même de notre relation à Dieu. Passage à faire et à refaire, même pour Marie : l’ange va la quitter, l’éblouissante lumière va s’éteindre et tout va retomber dans le prosaïque du quotidien. Elle va devoir maintenant croire sans voir. Trente ans de routine, trois ans d’une aventure incompréhensible et inquiétante : ne la voit-on pas, en Matthieu 12, 46 et en Marc 3, 32, chercher à récupérer Jésus ? Enfin, à la Croix, le Glaive de la Parole, glaive de douleur, la transpercera (voir Luc 2,35, à lire en parallèle avec Hébreux 4,12). Alors se trouvera accompli tout ce qui se trouvait enfoui dans le récit de l’Annonciation, et nous retrouverons Marie avec les apôtres pour une nouvelle mise au monde, celle du nouveau Corps du Christ, l’Église. Mais, pour l’instant, restons avec Marie à l’heure de la féconde visite de Dieu et n’oublions pas, toutes proportions gardées, que c’est de nous aussi qu’il est question dans ce passage d’Écriture. Ouvrons-nous à la visite de Dieu et faisons-lui en nous une demeure.

Fils de Dieu, Fils de l’homme

Les paroles de l’ange pour annoncer à Marie la naissance du Christ peuvent nous étonner. Certes, il donne à l’enfant à venir le titre de « Fils de Dieu » mais, à s’en tenir au texte, l’avenir de cet enfant se borne à hériter du trône de David son père, et à régner pour toujours sur la maison de Jacob… On croirait entendre les disciples qui, encore après la Résurrection, demandaient à Jésus : « Seigneur, est-ce en ces temps-ci que tu vas rétablir le royaume en faveur d’Israël ? » (Actes 1,6). Rien n’est dit du salut de l’humanité entière. Peut-être Marie n’était-elle pas encore en mesure de recevoir un tel message. Notons au passage que le nom de David est cité deux fois dans l’Annonciation : une fois au verset 27 pour nous dire que Joseph est « de la maison de David », une fois au verset 32 où nous lisons que Dieu donnera à Jésus « le trône de David son père ». C’est bien parce qu’il est fils de Joseph que Jésus peut être dit Fils de David. Quoi que nous pensions de la paternité de Joseph, gardons-nous de la sous-estimer. Rien ne dit que Marie soit de la maison de David ; cousine d’Élisabeth, elle semble plutôt de souche sacerdotale. Ajoutons que le « Rien n’est impossible à Dieu » du verset 27 est une reprise des paroles adressées à Sara à propos de la naissance naturellement impossible d’Isaac (Genèse 18,14). Marie vient clore et couronner la liste des maternités « miraculeuses » de la Bible.

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En la fête de l’Immaculée Conception de Marie. Marie a enfanté Jésus d’abord dans sa personne. Dès son Immaculée-conception à laquelle elle s’identifie elle est transformée du dedans et mise en équation de lumière et d’Amour avec l’Humanité de Jésus qu’elle conçoit dans sa contemplation. C’est sa contemplation qui va rendre fécond l’ovule qu’elle porte en elle. Elle l’enfante par la désappropriation parfaite de soi…

« Essayons donc de nous demander quels sont les rapports de la Mère du Christ avec son fils. Est-ce qu’elle n’a eu avec lui que des rapports extérieurs, ce qui voudrait dire qu’elle n’aurait eu aucun rapport réel avec lui? Si son humanité, l’humanité de Notre Seigneur, n’était passée par le sein de la vierge sans un contact spirituel, Il serait passé en elle comme un objet (comme une chose), elle n’aurait eu aucun contact réel avec Lui et serait restée complètement extérieure à Lui, elle aurait été un objet pour Lui et Lui un objet pour elle.

Si la maternité de la Sainte Vierge a été réelle, si elle a vraiment atteint la personne de Notre Seigneur, si elle a atteint son humanité dans sa réalité authentique, dans sa réalité sacramentelle, si elle a vraiment touché l’humanité de Notre Seigneur du dedans, c’est qu’elle-même a été transformée du dedans et mise en équation de lumière et d’amour avec cette humanité de Jésus Christ.

La maternité de la Vierge ne peut être une maternité réelle que si elle touche Jésus du dedans par une intériorisation radicale d’elle-même et justement la conception virginale de Marie veut dire que la très sainte Vierge a eu avec Jésus un rapport infiniment réel, je veux dire qu’elle a eu avec l’humanité de Jésus un rapport infiniment réel, qu’elle a conçu comme telle l’humanité du Verbe incarné, qu’elle a perçu cette humanité dans sa véritable lumière, qu’elle a été engagée vis-à-vis de cette humanité dans des relations personnelles, qu’elle a été vidée d’elle-même, purifiée d’elle-même, établie dans un état de pauvreté absolue, pour être justement au niveau de cette humanité, je veux dire qu’elle a enfanté non pas dans sa chair comme un objet mais qu’elle a enfanté d’abord dans sa personne en vertu de sa contemplation et c’est cette contemplation du Verbe incarné qui a donné à la personne de Marie sa véritable forme (sa véritable personnalité), elle l’a établie dans sa grandeur et sa dignité, elle lui a conféré une liberté souveraine, elle a fait d’elle la seconde Eve et la mère du genre humain tout entier, elle a fait de sa maternité non pas un épisode simplement dans la vie d’une femme qui a un enfant, elle-même étant venue des autres générations et son enfant devant fonder à son tour une famille.

Jésus n’est pas un chaînon, un maillon dans la suite des générations, c’est lui qui porte toute la chaîne des générations! Il naît en dehors de la série, il naît d’une personne comme une personne, et la très Sainte Vierge, justement, L’enfante comme celui qui est hors série, celui qui tient toute la chaîne des générations, et l’enfant de cette humanité du dedans, dans la lumière même du rayonnement de la divinité, elle L’enfante par sa personne, par le don d’elle-même, par sa pauvreté spirituelle, par sa désappropriation totale, par sa virginité infinie. Car la virginité dans la Vierge, c’est d’abord cette désappropriation d’elle-même qui éclate au moment même au premier moment de son existence.

La virginité de Marie n’a pas simplement ce caractère physique d’un être inviolé physiquement, c’est chez elle cette désappropriation foncière à la racine de l’être qui l’ordonne à la personne de .Jésus Christ et qui fera de son enfantement une réalité qui engage toute sa personne. C’est sa contemplation qui va rendre fécond l’ovule qu’elle porte en elle (1), qui va déclencher le développement de cet ovule.

Notre Seigneur sera enfanté dans le sein de la Vierge précisément par cette contemplation virginale (1) où toute la personne de Marie sera engagée comme il faut qu’elle le soit pour que Marie soit la seconde Eve, pour que sa maternité ne la concerne pas comme une maternité quelconque peut concerner une femme quelconque, pour que sa maternité concerne le genre humain tout entier. Il s’agit donc de mettre toujours la maternité de Marie en face de la personnalité de Notre Seigneur, c’est parce que Jésus est ce qu’il est que Marie est ce qu’elle est.

Dès qu’on entre dans ce rapport interpersonnel, la virginité de Marie va de soi. L’Eglise serait infiniment appauvrie si la foi en la virginité de Marie était affaiblie. C’est un signe inquiétant de mettre en doute la virginité de Marie parce que cela va rejaillir sur la Personne de Jésus Christ. »

(À suivre)

Note (1) : Marie a enfanté Jésus d’abord dans sa Personne, dans sa personne de Fils de Dieu. Et elle L’enfante dans sa personne à elle, par sa contemplation virginale et parfaite où toute sa personne est engagée. Elle l’enfante par le don d’elle-même, par sa pauvreté spirituelle, par sa désappropriation totale, par sa virginité infinie. Commencer à comprendre cela n’est pas facile surtout quand Zundel précise : « C’est sa contemplation qui rend fécond l’ovule qu’elle porte en elle. »

Peut-être nous faut-il comprendre le sens le plus profond de l’Immaculée-Conception, il s’agit de rendre Marie parfaitement apte à cette contemplation en laquelle elle va engendrer Jésus, c’est dans cette contemplation qu’elle engendre, porte et fait naître Jésus. Et il devra en être de même pour nous.

Mais alors qu’en est-il de l’Annonciation, qu’en est-il de ce OUI qu’elle prononce devant l’ange Gabriel et qui entraîne en elle la conception de Jésus ? Je crois qu’il faut bien saisir ici, et ce n’est pas facile, que ce OUI a été prononcé par Marie dès son Immaculée-Conception qui l’y rend parfaitement apte, (même si il ne peut l’être, du moins exprimé, que lorsqu’elle sera née et aura grandi) et qu’en un sens l’ange Gabriel est présent de façon constante devant et en Marie tout au long de sa vie, il est éminemment son ange gardien, et c’est toute sa vie qui est acceptation parfaite de la parfaite incarnation divine en elle : même lorsqu’elle ne comprendra pas ! Elle a gardé, garde et gardera dans son coeur tout ce qui concerne son Fils.

Si Jésus est parfaitement soumis à ses parents lors de son enfance, Marie l’est tout autant au Dieu Père, Fils et Esprit Toute sa vie est un oui mais il fallait que ce oui continuel soit inscrit dans l’histoire des hommes, et c’est ce qui commence à se faire (avec effets rétroactifs) au moment du OUI de l’Annonciation.

Il en est de même, et d’abord, pour l’inscription, si l’on peut dire, du salut de Dieu dans l’histoire des hommes avec l’avènement en chair du Fis de Dieu. Toute sa vie éternelle, pour nous, est remplie de ce oui parfait au salut des hommes et de toute la création, mais il faut que ce oui s’inscrive au coeur de cette histoire, dans Son incarnation il y a 2000 ans. Cette incarnation parfaite, en conformité parfaite avec le projet et la volonté du Père, du Fils et de l’Esprit, devait être inscrite il y a 2000 ans dans l’histoire des hommes, qui est essentiellement histoire de cette parfaite incarnation, elle a autant d’effets rétroactifs que la suivant tout au long de l’histoire des hommes.

Le OUI de Marie a des effets semblables à l’éternel OUI de Dieu (comme d’ailleurs aussi le nôtre) exprimé en et par ce OUI parfait du Fils de Dieu incarné : « Tu n’as voulu ni victimes ni holocaustes, alors j’ai dit : me voici ! »

09/12/2007 – Le dogme sans contemplation est quelque chose de monstrueux. L’amour de la Vierge virginise notre esprit de la vraie virginité.

2ème conférence – Matarieh – semaine Sainte 1969 (Fin, partie 7)

Il est évident que le dogme pris du dehors est absurde. Le sens même du dogme se modifie au gré de notre amour. Le dogme sans contemplation est quelque chose de monstrueux. Les dogmes ne sont vrais qu’à condition qu’on les vive dans l’amour. La méconnaissance de ce sens du dogme a conduit à la crise actuelle (1969).

Lorsque un médecin lyonnais déclarait que Notre Seigneur devait être né comme les autres d’une union physique de l’homme et de la femme parce qu’autrement il n’appartiendrait pas à notre humanité, il se plaçait au point de vue de l’humanité physique, de l’humanité animale ! Mais si on se place au point de vue de l’humanité personne, cette humanité n’est pas encore, elle doit devenir, elle ne peut devenir que dans la lumière de Jésus Christ, ce qu’il faut, c’est précisément une génération personnelle.

Toutes les femmes sont d’ailleurs amenées à cette génération personnelle quand il s’agit d’élever leur enfant, il peut être né de la chair, charnellement, mais quand on voudra en faire un homme, il faudra l’enfanter personnellement en payant de sa personne. Dans l’ordre habituel des choses la maternité de la personne vient après la maternité charnelle, dans l’ordre christique, c’est-à-dire dans la génération du Verbe Incarné, en tant qu’incarné, la maternité de la personne vient d’abord et ensuite la maternité physique.

Notre Seigneur n’en appartient pas moins à notre humanité ! Parce qu’il est incarné, Il est naturellement dans une situation unique, et c’est parce qu’il l’est que son humanité, précisément, est une humanité universelle qui peut nous assumer. Si l’humanité de Notre Seigneur n’était pas enracinée dans la subsistance du Verbe, qui est la pauvreté éternelle qui constitue la personnalité du Verbe, elle ne serait pas universelle. Elle ne pourrait rien pour nous.

II s’agit donc de revivre le dogme comme un rapport interpersonnel, et alors il grandit, il grandit sans fin (son intelligence s’approfondit en nous sans fin). Et chaque dogme est chaque fois l’expression d’un rapport interpersonnel (nouveau) avec Dieu, il aboutit finalement à la découverte de l’intimité divine et à un approfondissement de l’Amour, et nous avons vu avec l’exemple du brigand que le dogme de l’enfer pris de la manière la plus matérielle d’abord, et la plus extérieure, aboutit parce qu’il est un dogme, c’est-à-dire l’expression d’un rapport interpersonnel avec Dieu, finalement aboutit à la découverte de l’amour crucifié en nous par nous et pour nous.

Si le dogme a cette signification et s’il a été trop généralement compris, et par les professeurs de théologie d’abord, s’il a été compris comme un objet posé devant nous que l’on peut comprendre sans s’engager, vous comprenez l’étendue de la crise actuelle dans l’Eglise aujourd’hui (en 1969). Il est évident que le dogme pris du dehors est absurde. Il est absurde, Il constitue une série d’affirmations inimaginables, insoutenables, inadmissibles, comme l’amour humain, l’amour conjugal, est absurde si il est vu du dehors par quelqu’un qui n’aime pas.

Rien n’est plus grotesque que le langage de l’amour s’il est vu du dehors.

L’intimité de l’amour, l’identification de l’amour n’a de sens que pour celui qui aime, qui est libéré de soi par l’amour, et il en est ainsi, à plus forte raison, de cette confidence d’amour qui est le dogme, qui est la Révélation ! Elle n’a de sens que dans l’amour, elle se modifie au gré de l’amour. Plus l’amour grandit, plus cette confidence s’approfondit, plus elle s’identifie finalement avec l’intimité de Dieu dans la communion éternelle des Trois Personnes.

Et ce qui est, justement, le plus douloureux dans cet état de contestation, c’est tout le bruit, tout le bruit, tout le bruit que l’on fait ! Tous ces cris, toutes ces accusations, toutes ces revendications, tout cela nous éloigne du silence de l’amour, ce silence indispensable à l’intelligence de l’amour.

Le dogme sans contemplation est quelque chose de monstrueux, le dogme ne peut être compris que dans la contemplation de l’amour, tous les dogmes ne sont vrais qu’à condition qu’on les vive dans l’amour et qu’on suive la progression auquel chaque dogme veut conduire. Le dogme, ce n’est jamais une affirmation statique qui ne bouge pas, comme un objet inerte, il s’agit toujours d’une confidence faite au coeur de notre coeur pour nous engager plus avant dans l’amour de Dieu.

Il s’agit donc pour nous de voir toujours la révélation biblique ou ecclésiale, biblique, évangélique ou ecclésiale, c’est la même finalement, il s’agit de la prendre toujours du dedans, de nous mettre en oraison et de demander à Dieu lui-même de nous révéler le sens de cette parole qui est Lui-même, de cette parole qui ne peut pas être détachée de Lui, de cette parole qui ne prend sa signification qu’en Lui.

Et je pense que, dans cet éclairage, la crise d’aujourd’hui s’éclaire, s’illumine dans ce qu’elle a de plus tragique et de plus périlleux, de plus dangereux aussi ! Car, si l’on abandonne le dogme, on versera dans la sentimentalité et finalement dans la sensualité, et l’on aboutit à l’athéisme et au communisme. Tel prêtre qui s’est marié, qui avait voulu fonder une église prophétique, qui avait réuni un certain nombre d’amis autour d’une liturgie qu’il célébrait dans son ménage, a fini par devenir communiste en abandonnant toute foi chrétienne.

Alors je crois que nous sommes au coeur du problème, au coeur du problème ! Et que la grâce de la foi que nous avons à implorer pour nous et pour tous nos frères humains, cette grâce de la foi, elle ne peut être sertie que dans l’écrin de l’amour.

C’est dans un amour toujours plus silencieux, toujours plus dépouillé, toujours plus attentif que nous garderons le regard de la foi. Il n’y a pas de foi sans amour et, comme dit Patmore, la foi c’est la lumière de la flamme d’amour : “It is the light of the flame of love”. C’est bien cela : la foi, c’est la lumière de la flamme d’amour.

Et bien demandons à la très Sainte Vierge qui nous virginise, de virginiser aussi notre esprit, de nous donner ce sens du respect agenouillé devant la lumière divine, de nous obtenir cette libération de nous-même qui fasse de notre coeur un immense espace pour accueillir la parole éternelle qui est Dieu.

Il est sûr que l’adhésion à la Très Sainte Vierge, je veux dire notre amour pour elle, notre amour de la Vierge qui est vierge éternellement, il est sûr que cet amour nous virginise et nous virginisera toujours davantage de la vraie virginité qui est d’être pauvre de soi-même, qui est de ne rien posséder, qui est de tout donner, qui est de faire de soi un espace où Dieu puisse répandre Sa Vie.

Nous ne pouvons donc qu’implorer la Très Sainte Vierge, que faire d’elle la gardienne de notre foi et, puisqu’elle est la Mère de l’Eglise, lui recommander très humblement la foi de tous nos frères, la foi de nos évêques et de nos prêtres, pour que, justement, dans le rayonnement de sa virginité, toute l’Eglise retrouve sa fidélité passionnée envers la personne de Jésus. »

Suite et fin de la 2eme conférence donnée par M. Zundel à Matarieh en semaine sainte 1969.
http://www.mauricezundel.com


A l’occasion de la fête de l’Immaculée Conception, nous pourrions nous demander quelle place donner à Marie en ce temps de l’Avent. La fête veut célébrer le caractère immaculé de Marie, le dogme disant qu’elle a été préservée du péché originel. Il est peut-être inutile de ratiociner sur ce que peut être ce « péché originel » et son rapport à Marie.

L’important n’est pas la tache du péché, ni le fait qu’en naissant on ne soit pas déjà l’être ressuscité que nos sommes appelés à devenir. Nous sommes un être en marche qui avance cahin- caha peut-être, mais qui doit avancer. Saint Paul le dit aux Corinthiens, qui étaient parfois plus caha que cahin ! « vous avez été lavés, vous avez été sanctifiés, vous avez été justifiés par le Nom du Seigneur Jésus-Christ et par l’Esprit de notre Dieu » (1Cor 6,11). C’est Dieu qui nous sanctifie, par l’Esprit et son Fils, c’est lui qui nous rend immaculés. Marie a été sanctifiée par le Nom de son Fils, son caractère immaculé réside dans son « fiat » qui dirige toute sa vie, et dans sa fidélité à cette réponse à l’appel de Dieu qui l’a justifiée.


En ce temps de l’Avent, nous pourrions cheminer avec Marie pour préparer la venue du Christ, cheminer avec elle pour déboucher sur le « fiat » que nous sommes appelés nous aussi à prononcer. Ce cheminement peut suivre le sien qui commence avec ce chant de joie de la Visitation, célébrant le Salut reçu de Dieu, le Magnificat. On retrouve Marie au temple pour présenter son fils et douze ans plus tard quand il est introduit parmi les Docteurs (Lc 2). Puis dans cette place qu’elle a tenu auprès de son Fils au cours de sa mission : dans les débuts elle dirige les autres vers Jésus, à Cana (Jn 2),

puis « à la maison » comme le dit Marc (Mc 3) quand elle se veut proche de lui alors qu’il enseignait la foule. Elle est encore là lors de l’acte final qui reprend toute cette vie de Jésus, au pied de la Croix. Enfin on la retrouve au Cénacle pour l’effusion de l’Esprit de la Pentecôte et elle restera auprès de Jean, accompagnant l’Église naissante. Ce chemin a été difficile, voire douloureux, Jésus ne l’a pas épargnée, depuis sa réponse quand elle l’a retrouvé au milieu des Docteurs jusqu’à la fin sur la Croix. Mais, justifiée et sanctifiée par l’Esprit donné par son Fils, elle a avancé dans la fidélité à son « fiat » initial.


Si nous la prions, ce n’est pas pour la déifier, elle ne peut être un objet de culte, car c’est vers son Fils qu’elle nous dirige. Si nous la prions, donc, c’est pour lui demander de nous accompagner dans notre cheminement, celui de toute notre vie, et spécialement celui que nous reprenons en ce temps de préparation à la venue de Dieu parmi nous. Qu’elle nous aide à «nous purifier du vieux levain pour être une pâte nouvelle » (1Cor 5,7). La sainteté de Marie est dans son « fiat » qui reste la clé de voûte de toute sa vie, « fiat » que nous sommes appelés à prononcer nous aussi.

Nous la reconnaissons pleine de la grâce de Dieu, dans la compagnie du Seigneur, bénie entre toutes les femmes parce que son fils est le Béni. Alors nous lui demandons de nous accompagner et de nous mener à son Fils, maintenant et jusqu’à la fin.

Marc Durand 2020


Immaculée Conception, Assomption : deux dogmes mariaux définis à un siècle d’intervalle qui se répondent l’un à l’autre. La question n’est pas celle de la réalité objective, au premier degré, de ce qui est affirmé. Que peut signifier « conçue sans péché » ou « montée aux cieux » ? Il faudrait d’abord revoir ce que signifie le « péché originel » inventé pour mettre en cohérence les croyances du pessimiste St Augustin sur la perdition de l’humanité, et comprendre ce que peut signifier la résurrection des corps…

Cependant ces dogmes sont là, ils expriment une réalité de foi (on n’est plus dans le premier degré) : Marie a une place spéciale, privilégiée, dans l’économie du salut. Qualifiée de « theotokos », « mère de Dieu » dès le concile de Nicée (325), il a fallu le confirmer au concile d’Éphèse (431) afin d’affirmer que Jésus était bien Fils de Dieu1. A partir de là comment ne pas en conclure qu’elle ne pouvait pas être atteinte par le péché (Immaculée Conception) ni par la corruption (Assomption) ? Ces dogmes sont des images qui nous disent la place de Marie dans le lien de Jésus avec le Père. Marie, première des croyants, sa place précède donc notre place, nous sommes alors concernés.

Il semble que pour nous, au-delà des querelles qui ont procédé à ces définitions, l’essentiel est de constater que ce qu’a été Marie a été obtenu par grâce. C’est par grâce qu’elle a été choisie, elle n’y est pour rien (dès la conception!) : « Salut, pleine de grâce […] tu as trouvé grâce auprès de Dieu » (Lc 1, 28, 30). Et si cette grâce est restée sur elle toute sa vie, c’est qu’elle l’a acceptée : « Je suis la servante du Seigneur ; qu’il m’advienne selon ta parole » (Lc 1, 38). Alors elle est sans péché. Le péché, écrit le pape dans l’encyclique Laudato si, est la rupture des trois relations fondamentales, avec Dieu, avec le prochain, avec la terre. L’acceptation totale de Marie la fait « immaculée ». Ce don de soi, qu’elle a pu faire par la grâce de Dieu, la mène à exulter dans le Magnificat qui reprend entre autres le psaume 98 : « Chantez à Yahvé un chant nouveau, car il a fait de merveilles […] se rappelant son amour et sa fidélité pour la maison d’Israël». La grâce reçue par Marie et son acceptation apportent le salut au peuple de Dieu, salut inscrit dans son histoire. Le Seigneur a fait pour elle « des merveilles », mais la conséquence n’est pas individuelle, elle concerne tout le peuple. Cette grâce qui illumine Marie est la même qui repose sur nous tous : « Ne nous avait-il pas élus en Lui dès avant la fondation du monde […] prédestinés à être ses fils d’adoption par Jésus-Christ ? » (Eph 1, 4-5).

Marie a engendré le Christ, elle est la mère du Corps du Christ, mère de Dieu. Nous sommes le Corps du Christ, c’est à ce titre qu’on peut parler de Marie comme mère de l’Église et, allons plus loin, de l’humanité qui est le peuple de Dieu. Mère de l’Église, elle était présente à la Pentecôte qui en est la fondation, elle est présente encore maintenant dans les bouleversements qui la secouent si fortement. Ainsi elle est la nouvelle Eve, qui a répondu totalement à la grâce reçue et donc indemne du péché introduit par la première Eve. Nous sommes associés à Marie pour engendrer Dieu dans le monde, par son « fiat » elle réintroduit l’humanité dans la grâce. Tout est grâce.

Le culte marial ne doit pas être de la mariolâtrie, elle n’est pas Dieu, « il vaut mieux s’adresser à Dieu qu’à ses saints » dit-on. Ce culte est possible s’il est d’abord la reconnaissance de ce que représente Marie et de sa place dans la relation des hommes avec Dieu, par Jésus. Finalement peut-être que la seule prière qu’on puisse lui adresser est le « Je vous salue Marie » qui, dans sa première partie, reconnaît qu’elle est le fruit de la grâce, que par grâce le Seigneur est proche et peut bénir. Cette reconnaissance faite, il reste à lui demander d’être auprès de nous qui devons continuer son œuvre : engendrer Dieu dans le monde.

Marc Durand
Immaculée Conception 2019
http://www.garriguesetsentiers.org

1 – C’était aussi une façon détournée de définir la divinité du Christ, notion qui est loin d’être évidente ni claire.