34ème Dimanche du Temps Ordinaire – Année C
Le Christ, Roi de l’Univers
Luc 23,35-43

Références bibliques
- Lecture du second livre de Samuel : 5. 1 à 3 : “Tu seras le pasteur d’Israël, mon peuple.”
- Psaume 121 : “Quelle joie quand on m’a dit : Nous irons à la maison du Seigneur.”
- Lecture de la lettre de saint Paul aux Colossiens : 1. 12 à 20 : “Dieu a voulu que, dans le Christ, toute chose ait son accomplissement total.”
- Evangile selon saint Luc : 23. 35 à 43 : “Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le paradis.”
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 23,35-43.
En ce temps-là, on venait de crucifier Jésus, et le peuple restait là à observer. Les chefs tournaient Jésus en dérision et disaient : « Il en a sauvé d’autres : qu’il se sauve lui-même, s’il est le Messie de Dieu, l’Élu ! »
Les soldats aussi se moquaient de lui ; s’approchant, ils lui présentaient de la boisson vinaigrée, en disant : « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ! »
Il y avait aussi une inscription au-dessus de lui : « Celui-ci est le roi des Juifs. »
L’un des malfaiteurs suspendus en croix l’injuriait : « N’es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même, et nous aussi ! »
Mais l’autre lui fit de vifs reproches : « Tu ne crains donc pas Dieu ! Tu es pourtant un condamné, toi aussi ! Et puis, pour nous, c’est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n’a rien fait de mal. »
Et il disait : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. »
Jésus lui déclara : « Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. »
Dieu a régné par la Croix
Marcel Domergue
Paradoxe et même folie
Un jour on le comprend et on l’admet, le lendemain on ne comprend plus, le surlendemain on se révolte. Or, toute la foi chrétienne est là. Pour nous l’accès au pouvoir (au « règne ») a son origine dans la force, ou dans la séduction, ou dans des aptitudes à la gestion exceptionnelles. Un homme fort se dresse au-dessus des autres. Le Christ aussi est « élevé au-dessus », mais c’est sur une croix. Et pourtant tous les royaumes finissent par passer, les pouvoirs changent de mains, les empires s’effondrent. La « Royauté » du Christ subsiste. Pourquoi ? Parce que, finalement, cette royauté ne s’exerce que par l’attraction de l’amour et l’amour, même nié et renié, bafoué, parfois ridiculisé, subsiste toujours au plus profond de l’homme. Cet amour, cet attrait de l’amour est en lui l’empreinte du créateur, ce qui nous fait images de Dieu.
Mais pourquoi par la Croix ?
Parce que le règne du Christ ne s’exerce pas sur nous, il s’exerce sur ce qui nous asservit. Il est libération. C’est pour cela que nous ne sommes pas déclarés sujets du Royaume mais héritiers du Royaume, donc appelés à « régner » avec le Christ. Nous sommes appelés à dominer tout ce qui nous domine. Or tout ce qui nous domine, tout ce qui a pouvoir sur nous, nous conduit finalement à la mort. Parmi nos dominateurs, au premier rang, notre volonté de puissance, notre égoïsme, etc. Le Christ se laisse écraser par tout cela. Cette non-résistance aux entreprises de notre mal signifie d’abord qu’il ne pactise à aucun moment avec lui. Il est vainqueur de la tentation du mal (voir Luc 4), ce qui est déjà régner sur lui. Mais l’ambition (des grands prêtres), la cupidité (de Judas), la lâcheté (des disciples), notre mal, l’écrasent. Il en meurt. Notre mal nous tue, parce qu’il nous habite ; il le tue lui, parce que nous lui en faisons porter le poids.
La victoire sur le dernier ennemi
Le « dernier ennemi, la mort » n’est pas le dernier parce qu’il ne resterait que lui, il est le dernier parce qu’il est le sommet, le plus haut. Il est le fruit ultime de notre mal. Aussi, « il fallait que le Christ ressuscite d’entre les morts » : il fallait que sa vie ne passe pas à côté de notre mort mais la surmonte, qu’il soit « élevé au-dessus ». Sans cela nous resterions seuls avec elle, dominés par elle. Parce que la Croix affiche son refus du mal, son refus de la puissance, son refus de la vengeance, son refus de la violence, elle devient le trône royal où il s’élève, ayant « mis sous ses pieds tous nos ennemis » (1 Corinthiens 15, 25). Nous avons à vivre à cette hauteur-là, même si notre vie, cette vie qui naît de sa victoire, de cette mise au monde de l’homme nouveau vainqueur de la mort, demeure encore « cachée en lui » ( Colossiens 3, 3).
SOUVIENS-TOI DE MOI
José Antonio Pagola
Selon le récit de Luc, Jésus a agonisé au milieu des moqueries et du mépris de ceux qui l’entourent. Personne ne semble avoir compris sa vie. Personne ne semble avoir saisi son engagement envers ceux qui souffrent ni son pardon offert aux coupables. Personne n’a découvert sur son visage le regard compatissant de Dieu. Personne ne semble avoir l’intuition pour saisir le mystère que renferme cette mort.
Les autorités religieuses se moquent de lui avec des gestes désagréables: il a essayé de sauver les autres; qu’il se sauve maintenant lui-même. S’il est le Messie de Dieu, «L’Élu» par lui, Dieu viendra à son secours.
Les soldats se joignent également aux moqueries. Ils ne croient en aucun Envoyé de Dieu. Ils rient de l’écriteau que Pilate a ordonné de placer sur la croix: «Celui-ci est le roi des Juifs». Il est absurde que quelqu’un puisse régner sans pouvoir. Il n’a qu’à démontrer sa force en se sauvant soi-même.
Jésus reste silencieux, mais ne descend pas de la croix. Que ferions-nous si l’Envoyé de Dieu cherchait son propre salut en s’échappant de cette croix qui le relie pour toujours à tous les crucifiés de l’histoire? Comment pourrions-nous croire en un Dieu qui nous abandonnerait à jamais à notre destin? Soudain, au milieu de tant de moqueries et de mépris, une invocation surprenante: «Jésus, souviens-toi de moi quand tu seras dans ton royaume». Il n’est pas un disciple ayant suivi Jésus. Il est l’un des deux criminels crucifiés auprès de lui. Luc le propose comme un exemple admirable de foi dans le Crucifié.
Cet homme, sur le point de mourir exécuté, sait que Jésus est un homme innocent, qui n’a fait que du bien à tout le monde. Il entrevoit dans sa vie un mystère qui lui échappe, mais il est convaincu que Jésus ne sera pas vaincu par la mort. Une supplication naît de son coeur. Il demande simplement à Jésus de ne pas l’oublier: peut-être pourra-t-il faire quelque chose pour lui.
Jésus lui répond immédiatement: «Aujourd’hui, tu seras avec moi dans le paradis». Maintenant, ils sont tous les deux unis dans l’angoisse et l’impuissance, mais Jésus l’accueille comme un compagnon inséparable. Ils mourront crucifiés, mais ils entreront ensemble dans le Mystère de Dieu.
Au milieu de la société incroyante d’aujourd’hui, de nombreuses personnes vivent dans le désarroi. Elles ne savent pas si elles croient ou ne croient pas. Presque sans le savoir, elles portent dans leur coeur une foi faible et fragile. Parfois, sans savoir pourquoi ou comment, accablés par le poids de la vie, elles invoquent Jésus à leur manière. «Jésus, souviens-toi de moi» et Jésus les écoute: «Tu seras toujours avec moi». Dieu a ses chemins pour rencontrer chaque personne et ces chemins ne passent pas toujours par là où nous pensons. La seule chose décisive c’est que nous ayons un coeur prêt à s’ouvrir au mystère de Dieu incarné en Jésus.
Ultime confidence !
Jacques Marcotte, o.p.
La fête d’aujourd’hui se devait d’être joyeuse, toute en fierté; fête de victoire et de bonheur. La fête du Christ Sauveur. Le Ressuscité. Le Vivant pour toujours.
Pourtant l’évangile de ce dimanche, cette année, nous plonge dans ce qu’il y a de plus triste au monde, dans l’affligeante réalité de la croix, la détresse extrême des malheureux pendus au gibet. Rien de bien royal et de festif là-dedans! Voici que Jésus est là, crucifié, attaché au bois, suspendu entre ciel et terre, écartelé, humilié… au milieu d’une foule qui se tait, dans le silence et la passivité de ces gens qui, hier encore, le suivait avec enthousiasme, le tenant pour le Grand Prophète. Voilà que les insultes déferlent sur lui. Les chefs se moquent de lui. Les soldats s’amusent de la situation; ils mettent notre Seigneur au défi de s’en sortir par lui-même, lui donnant par dérision un pouvoir auquel ils ne croient pas, auquel lui-même il a renoncé. Jésus d’avance a refusé ce que le diable au désert lui proposait : la tentation de s’épargner toute souffrance, tout inconfort. Il refusait alors pour de bon d’échapper à ce qui fait notre condition humaine. Il ne veut pas de demi-mesure qui le ferait « en prendre et en laisser ». C’est jusqu’au bout qu’il veut nous accompagner dans nos misères et nos souffrances. Il épouse notre détresse jusqu’à la fin.
Et c’est à la fin que surgit l’important témoignage d’aujourd’hui. Ce dialogue émouvant entre le malfaiteur pénitent et Jésus en croix avec lui. Le pauvre homme est conscient de ses fautes. Pour lui c’est juste; son sort, il l’accepte; mais Jésus, lui, il n’a rien fait de mal. Ce malfaiteur repenti a le courage extraordinaire de laisser jaillir de son cœur une parole limpide et lumineuse de compassion et de foi : Jésus – JESHUA – souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. Vient alors la réponse de Jésus qui lui tient ce propos étonnant : AUJOURD’HUI AVEC MOI TU SERAS DANS LE PARADIS.
Lui seul, au milieu du mépris général, ce compagnon de supplice a pris parti pour Jésus. En fait, tout malfaiteur qu’il soit, il a tout compris. Sa foi lui ouvre soudain un merveilleux passage où nous passons avec lui. En effet cet homme c’est nous, pauvre pécheur, qui dans nos misères avons sans doute ce que nous méritons, mais avons désormais la chance d’avoir au côté de nous, avec nous, Jésus, le Sauveur, qui nous prend avec lui et nous introduit aujourd’hui même dans le bonheur, le grand jardin de son Règne. Il nous suffit de dire avec le malfaiteur en croix : Jeshua souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume Puissions-nous dans la foi entendre et accueillir la réponse du ressuscité, pour en vivre et en faire notre joie dès maintenant : Aujourd’hui avec moi tu seras en paradis.
Dans son petit livre, Les sept dernières paroles du Christ, publié en 2004, le Père Timothy Radcliffe écrivait : « Cet homme (le bon larron) reconnaît que Jésus est roi. Qu’est-ce que cela peut signifier d’accepter que cet être humilié et impuissant attaché à une croix soit un roi? Cela signifie ceci : Jésus nous a promis que nous connaîtrions le bonheur et nous le connaîtrons. Les êtres humains sont faits pour être heureux et les puissances qui menacent notre bonheur ne prévaudront pas. Le bonheur n’est pas une émotion que nous pourrions ressentir ou ne pas ressentir. Le bonheur, c’est être vivant. Nous accomplirons notre destinée et personne ne peut l’empêcher car c’est Jésus qui commande. »
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Avons-nous besoin d’un tel roi?
Yves Bériault, o.p.
En célébrant la fête du Christ-Roi nous croyons que le seul royaume que le Christ vient établir, en tant que roi et Seigneur de l’univers, est celui de l’amour. Son palais, c’est une étable; son trône, une croix; son armée, tous ceux et celles qui veulent vivre de l’esprit des béatitudes, car le Royaume des cieux est à eux. Notre roi est le plus humble de tous les hommes que la terre n’ait jamais porté. Il se présente comme celui qui frappe à la porte et qui attend à l’extérieur qu’on lui ouvre. Il promet à la personne qui lui ouvrira qu’il entrera dans sa maison, qu’il s’assoira à sa table et qu’il prendra son repas avec elle. Le Christ-Roi est un roi qui vient quémander notre hospitalité et notre amour, et qui jamais ne s’impose à nous. Vraiment, sa royauté n’est pas de ce monde.
N’est-ce pas Jésus qui disait dans les évangiles : « Chargez-vous de mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de coeur, et vous trouverez le repos ».
Ou encore ce que nous dit l’épître de Paul aux Philippiens au sujet de Jésus : « Jésus n’a pas retenu le rang d’être l’égal de Dieu, mais… il s’est dépouillé prenant la forme d’esclave… il s’est abaissé devenant obéissant jusqu’à la mort, à la mort sur une croix ».
Rappelons-nous encore ce que dit Jésus quand une contestation s’élève entre les disciples. Que leur dit-il? : « Les rois des nations dominent sur elles, et ceux qui exercent le pouvoir sur elles se font appeler Bienfaiteurs. Mais pour vous, il n’en va pas ainsi. Au contraire, que le plus grand parmi vous se comporte comme le plus petit, et celui qui gouverne comme celui qui sert… Et moi, je suis au milieu de vous comme celui qui sert! »
Comme le dit si bien Jean Varillon : “l’humilité est vraiment l’aspect le plus radical de l’amour”, c’est pourquoi le Fils de Dieu a revêtu l’habit du serviteur, et qu’il a donné sa vie pour nous. C’est d’un tel roi que le monde a besoin.
Le Christ centre de la création, du peuple et de l’histoire
Pape FRANÇOIS
Les lectures bibliques qui ont été proclamées ont comme fil conducteur la centralité du Christ. Le Christ est au centre, le Christ est le centre. Le Christ centre de la création, le Christ centre du peuple, le Christ centre de l’histoire.
1. L’Apôtre Paul nous offre une vision très profonde de la centralité de Jésus. Il nous le présente comme le Premier-né de toute la création : en lui, par lui et pour lui toutes choses furent créées. Il est le centre de toutes choses, il est le principe : Jésus Christ, le Seigneur. Dieu lui a donné la plénitude, la totalité, pour qu’en lui toutes choses soient réconciliées (cf. Col. 1, 12-20). Seigneur de la création, Seigneur de la réconciliation.
Cette image nous fait comprendre que Jésus est le centre de la création ; et, par conséquent, l’attitude demandée au croyant, s’il veut être tel, est de reconnaître et d’accueillir dans sa vie cette centralité de Jésus-Christ, dans ses pensées, dans ses paroles et dans ses œuvres. Et ainsi nos pensées seront des pensées chrétiennes, des pensées du Christ. Nos œuvres seront des œuvres chrétiennes, des œuvres du Christ, nos paroles seront des paroles chrétiennes, des paroles du Christ. Par contre, quand on perd ce centre, parce qu’on le substitue avec quelque chose d’autre, il n’en vient que des dommages, pour l’environnement autour de nous et pour l’homme lui-même.
2. En plus d’être le centre de la création et centre de la réconciliation, le Christ est le centre du peuple de Dieu. Et précisément aujourd’hui il est ici, au milieu de nous. Maintenant il est ici dans la Parole, et il sera ici sur l’autel, vivant, présent, au milieu de nous, son peuple. C’est ce qui nous est exposé dans la première Lecture, qui raconte le jour où les tribus d’Israël vinrent chercher David et, devant le Seigneur, lui donnèrent l’onction de roi sur Israël (cf. 2 S 5, 1-3). À travers la recherche de la figure idéale du roi, ces hommes cherchaient en réalité Dieu lui-même : un Dieu qui se fasse proche, qui accepte de devenir compagnon de route de l’homme, qui se fasse leur frère.
Le Christ, descendant du roi David, est justement le “frère” autour duquel se constitue le peuple, qui prend soin de son peuple, de nous tous, au prix de sa vie. En lui nous sommes un ; un seul peuple uni à lui, nous partageons un seul chemin, un seul destin. C’est seulement en lui, en lui comme centre, que nous avons notre identité comme peuple.
3. Enfin, le Christ est le centre de l’histoire de l’humanité, et aussi le centre de l’histoire de tout homme. C’est à lui que nous pouvons rapporter les joies et les espérances, les tristesses et les angoisses dont notre vie est tissée. Lorsque Jésus est au centre, même les moments les plus sombres de notre existence s’éclairent, et il nous donne l’espérance, comme cela arrive au bon larron dans l’Évangile d’aujourd’hui.
Tandis que tous les autres s’adressent à Jésus avec mépris – “ Si tu es le Christ, le Roi Messie, sauve-toi toi-même en descendant de la croix !” – cet homme, qui a commis des erreurs dans sa vie, à la fin, repenti, s’agrippe à Jésus crucifié en implorant : « Souviens-toi de moi quand tu entreras dans ton Royaume » (Lc 23, 42). Et Jésus lui promet : « Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis » (v. 43) : son Royaume. Jésus prononce seulement la parole du pardon, non celle de la condamnation ; et quand l’homme trouve le courage de demander ce pardon, le Seigneur ne laisse jamais tomber une telle demande. Aujourd’hui, nous pouvons tous penser à notre histoire, à notre cheminement. Chacun de nous a son histoire ; chacun de nous a aussi ses erreurs, ses péchés, ses moments heureux et ses moments sombres. Cela fera du bien, au cours de cette journée, de penser à notre histoire, et regarder Jésus, et de tout cœur lui répéter de nombreuses fois, mais avec le cœur, en silence, chacun de nous : “Souviens-toi de moi, Seigneur, maintenant que tu es dans ton Royaume ! Jésus, souviens-toi de moi, parce que je veux devenir bon, je veux devenir bon, mais je n’ai pas la force, je ne peux pas : je suis pécheur, je suis pécheresse. Mais souviens-toi de moi, Jésus. Tu peux te souvenir de moi, parce que tu es au centre, tu es justement dans ton Royaume !”. Que c’est beau ! Faisons-le tous aujourd’hui, chacun dans son cœur, de nombreuses fois. “Souviens-toi de moi, Seigneur, toi qui es au centre, toi qui es dans ton Royaume!”.
La promesse de Jésus au bon larron nous donne une grande espérance : elle nous dit que la grâce de Dieu est toujours plus abondante que la prière qui l’a demandée. Le Seigneur donne toujours plus, il est tellement généreux, il donne toujours plus que ce qui lui est demandé : tu lui demandes qu’il se rappelle de toi, et il t’emmène dans son Royaume ! Jésus est bien le centre de nos désirs de joie et de salut. Allons tous ensemble sur cette route !
24/11/2013
L’annonce missionnaire d’un Roi qui finit sur la croix
Romeo Ballan, mccj
Il y a les “sept paroles de Jésus sur la croix”. Il y a aussi les “sept paroles que l’on a adressées à Jésus sur la croix”. Sur les premières on a écrit une quantité de livres spirituels et on a développé de nombreuses prédications. Mais les secondes aussi, peuvent constituer un sujet apte à susciter de nombreux commentaires, ou de fécondes réflexions. L’Evangile de Luc que nous méditons aujourd’hui nous présente quatre paroles qui furent adressées à Jésus: venant des chefs (v. 35), des soldats (v. 36-37) et des deux malfaiteurs crucifiés avec Jésus, à son côté (v. 39-42). Si des détails peuvent être différents, ces quatre paroles portent en elles le même défi lancé contre Jésus: “prouve-nous qui tu es (le Christ, le roi…), sauve-toi par toi-même, descends de la croix… Les paroles des chefs, des soldats ou de l’un des deux truands sont de nature injurieuse. Elles portent le mépris sans aucune pitié. Un cliché habituel, d’après une logique purement humaine: l’identité du Christ est totalement détournée, parce que les personnages sont absolument fermés à l’accueil de son mystère.
Le texte écrit et fixé au-dessus de Jésus dit: “Celui-ci est le roi de Juifs” (v. 38). Si c’est sa seule condamnation qui est en jeu, tout est dit! Mais comment l’interpréter? Qui sera en mesure d’en dégager toute la vérité? Les chefs religieux et politiques, de toute évidence, n’ont d’autre finalité que le ridicule! Mais aux yeux de Dieu, et de tout chrétien sincère, ces paroles disent pertinemment toute la vérité sur l’identité personnelle de ce condamné tellement hors norme! L’écriteau est un défi qui parcourt les siècles de notre histoire: on est forcé d’y adhérer ou de s’y refuser. Avec les conséquences contradictoires qui s’en suivent! “Le peuple restait là à regarder” (v. 35): perplexe et silencieux, entre la curiosité et l’impuissance, il ne se rend pas compte de ce qui se passe réellement, ne sachant pas quoi faire… Mais peu après, témoins du spectacle fini en horrible tragédie, ces mêmes foules ‘s’en retournaient en se frappant la poitrine”(v. 48).
Le sens profond de cette mort est facilement saisissable dans les paroles du ‘bon larron’, le deuxième des deux truands, très renommé. Il est le seul capable de reconnaître la signification de l’écrit, et donc de l’identité de Jésus. Il ne demande pas un rêve délirant de libération, mais seulement de partager avec lui les derniers instants de sa vie: “souviens-toi de moi…” (v. 42). Requête vite exaucée: “Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le paradis” (v. 43). Jésus n’a que des paroles de salut: aujourd’hui, au paradis! Jésus et son silence, son ouverture au pardon, ses rares paroles (avec le Père, la mère, les «amis…») révèlent tout son mystère de roi magnifique et puissant, mais qui meurt sur la croix. Une royauté bien étrange, celle de Jésus! Il a pris totalement à contre-pied Hérode, Pilate, l’empereur Tibère, les chefs, le peuple… Une royauté difficile d’abord à comprendre, et encore plus à accepter pour y adhérer. Une royauté si souvent incomprise et déformée! Mais pour ceux qui l’accueillent dans la foi, il s’agit bien d’une royauté pleine, authentique, qui donne sens à notre vie.
Tout le mystère de cette mort réside dans la réponse aux questions tout à fait ‘logiques’ de tous: “Pourquoi te refuses-tu à descendre de la croix? Pourquoi ne veux-tu pas tout mettre au clair une fois pour toutes en faisant le miracle qu’on te réclame? Tu en as fait bien d’autres, et bien saisissants, toujours pour le bien des autres… Si tu acceptais de descendre de la croix, tout le monde aurait confiance en toi”. Oui, mais en quoi consisterait leur foi? “En un Dieu fort et puissant, le Dieu qui écrase et humilie ses ennemis, répliquant coup sur coup à toutes provocations que lui lancent les impies, un Dieu qui impose la crainte, exige le respect, qui ne plaisante pas… Ce n’est pas le Dieu de Jésus. Si jamais il descendait de la croix, il trahirait son message et sa mission: il donnerait sa caution à la fausse idée de Dieu qui dominait la mentalité de tous les guides spirituels du peuple. Il confirmerait aussi cette idée acquise dans la mentalité de beaucoup, à savoir que le vrai Dieu est toujours le Dieu des puissants de ce monde: celui qu’ils ont toujours adoré parce que il leur ressemble: il est fort, arrogant, rancunier, oppresseur, tout comme les hommes! Ce Dieu puissant est inconciliable avec celui que Jésus nous révèle sur la croix: le Dieu qui aime tous les hommes, même ceux qui lui sont hostiles, qui pardonne toujours, qui accepte même la défaite, toujours par amour” (F. Armellini).
Une réflexion qui a des retombées immédiates sur le terrain de la mission: quel est le Dieu que nous annonçons ? Quel est le visage de Dieu qu’incarne la mission dont nous sommes porteurs? Un Dieu des pauvres et des faibles, ou un Dieu qui cherche reconnaissance et pouvoir? Parce que la deuxième hypothèse serait en syntonie parfaite avec la logique des hommes et avec les rois de ce monde. Notre façon d’être missionnaire ouvre parfois sur l’ambiguïté: nos paroles et nos actes nous révèlent souvent comme des missionnaires sont craintifs à annoncer un Dieu qui accepte d’être perdant, qui pardonne et qui souffre… Les moyens humains, surabondants, occultent souvent la transparence de l’annonce. Une mission pauvre en moyens est normalement plus évangélique: elle annonce Dieu à partir de la pauvreté, de l’humilité et accepte la persécution, l’expulsion, la destruction… En effet, là est la logique du roi qui domine et règne à partir de la croix! Un pareil roi dérange tous nos plans, il exige un changement de vie, il nous rend aptes à pardonner, à accueillir tout le monde, à vivre et agir sur des perspectives moins commodes et à bien plus long terme… Des conditions bien plus exigeantes, comme on voit, mais avec Jésus le résultat de la mission est assuré!