29ème Dimanche du Temps Ordinaire – Année C
Luc 18,1-8

Références bibliques
- Lecture du Livre de l’Exode : 17. 8 à 13 :”Quand Moïse tenait la main levée, Israël était le plus fort.”
- Psaume 120 : “Le Seigneur ton gardien, ton ombrage, se tient près de toi.” »
- Lecture de la seconde lettre à Timothée : 3. 14 à 4. 2 : “Les textes sacrés ont le pouvoir de te communiquer la sagesse. »
- Evangile selon saint Luc : 18. 1 à 8 :”Ceux qui crient vers lui jour et nuit, est-ce qu’il les fait attendre ?”
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples une parabole sur la nécessité pour eux de toujours prier sans se décourager :
« Il y avait dans une ville un juge qui ne craignait pas Dieu et ne respectait pas les hommes. Dans cette même ville, il y avait une veuve qui venait lui demander : “Rends-moi justice contre mon adversaire.”
Longtemps il refusa ; puis il se dit : “Même si je ne crains pas Dieu et ne respecte personne, comme cette veuve commence à m’ennuyer, je vais lui rendre justice pour qu’elle ne vienne plus sans cesse m’assommer.” »
Le Seigneur ajouta : « Écoutez bien ce que dit ce juge dépourvu de justice ! Et Dieu ne ferait pas justice à ses élus, qui crient vers lui jour et nuit ? Les fait-il attendre? Je vous le déclare : bien vite, il leur fera justice. Cependant, le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? »
Le silence de Dieu
Marcel Domergue
La réponse de Dieu à notre prière est notre… justification ! Étrange réponse à nos demandes ? La seule qui soit vraiment profitable !
Si Jésus a recours à cette parabole, c’est bien parce qu’il y a un problème, celui du silence apparent de Dieu à nos demandes. Or l’Écriture est pleine d’invitations à présenter à Dieu nos besoins et nos soucis avec l’affirmation que nous sommes entendus. On se souvient de Luc 11,9 : « Et moi je vous dis : demandez et l’on vous donnera, cherchez et vous trouverez, frappez et l’on vous ouvrira… » Bien plus, en Matthieu 6,7 on lit : « Quand vous priez, ne rabâchez pas comme les païens, qui s’imaginent que c’est à force de paroles qu’ils se feront exaucer ( … ) Votre Père sait ce dont vous avez besoin avant que vous le lui demandiez. » Et le Père ne donne pas une pierre quand on lui demande du pain. On peut rester perplexe devant tant de textes en apparence contradictoires. Mais il y a aussi l’expérience: combien de prières semblent rester sans réponse! C’est que, diront de bons esprits, nous ne prions pas avec assez de foi, et nous voici à nous battre les flancs pour éprouver des sentiments de foi, alors que la foi ne peut pas se fabriquer mais seulement se recevoir. Il reste vrai que la foi ne consiste pas seulement à croire que Dieu répondra, mais aussi qu’il a déjà répondu : « Tout ce que vous demandez dans vos prières, croyez que vous l’avez déjà reçu, et vous l’aurez » (Marc 11,24). Cependant, le moins qu’on puisse dire, c’est que la plupart du temps cela ne se voit pas.
La parabole
Sur ce fond de tableau, relisons la parabole. Elle est bâtie sur un contraste, sur l’opposition infinie qu’il y a entre le bon et le mauvais, entre un juge qui n’a aucune moralité et Dieu. À quoi ressemble Dieu ? Pas à ce juge, bien sûr. Pourtant ils ont des points communs : le pouvoir de décider, la prière instante qui s’adresse à eux. Alors intervient un « a fortiori »: si un juge qui n’aime personne et ne cherche que sa tranquillité finit par donner satisfaction, à plus forte raison Dieu entendra-t-il la demande de ceux qu’il aime, ces hommes qui sont « ses élus ». Mais pourquoi parler d’une veuve? Parce que, comme l’orphelin, la veuve est dans la Bible la figure de l’impuissance : elle n’a personne pour la défendre dans cet univers patriarcal. Vous pouvez être aussi faible qu’il est possible de l’être, démuni, sans référence ni mérite, Dieu vous écoute; c’est le pauvre que Dieu écoute en priorité et c’est bien pour cela que nous avons à prendre conscience de notre pauvreté ; la nudité de l’homme, de l’Adam, devant Dieu. Nudité de toute naissance. La parabole poursuit en nous disant que Dieu ne fait pas attendre, il répond immédiatement ou, comme on le lit dans Marc, il a déjà répondu. Comme nous l’avons noté au début de ce commentaire, cela ne saute pas aux yeux. Certes, on peut choisir de croire quand même, dans la nuit, mais cela ne nous empêche pas de nous interroger sur la manière dont Dieu répond.
La réponse de Dieu
C’est la dernière phrase qui doit nous éclairer : « Le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur terre ? » La réponse de Dieu est toujours une nouvelle venue du Christ dans nos vies. L’expression « faire justice » doit nous alerter. En effet qui viendra « faire justice » quand les temps seront accomplis? Nous sommes habitués à repousser cette « venue en gloire » dans un futur indéterminé. Pour ma part, je pense qu’elle se produit à la limite du temps, c’est-à-dire dans cette verticalité qui surplombe chacun de nos instants et qui est éternité. Ainsi l’intervention de Dieu est immédiate et permanente. Maintenant et à l’heure de notre mort, chacun de nos instants faisant d’ailleurs mourir celui qui le précède. Cherchez Dieu et vous le trouverez: il est déjà là et c’est notre foi qui le trouve. Les choses, certes, suivent leur cours, mais ce visible se double d’une face cachée. Selon le visible, la prière de Jésus à Gethsémani reste sans réponse et la coupe mortelle ne s’éloignera pas de lui: sa crucifixion est inscrite dans la Bible parce qu’elle est inscrite dans la volonté des hommes. Ainsi la venue de Dieu pour nous rendre justice, pour nous rendre la justice que nous avons perdue, revêt toujours la forme pascale. C’est bien pour cela que nous « crions vers lui jour et nuit ». Dans la nuit de l’absence apparente et des injustices à supporter; au grand jour de la certitude de la résurrection.
Lacroix Croire
CROYONS-NOUS ENCORE À LA JUSTICE?
José Antonio Pagola
Luc nous rapporte une courte parabole en nous indiquant que Jésus l’a racontée pour expliquer à ses disciples «comment ils devaient toujours prier sans se décourager». C’est un thème très cher à l’évangéliste qui, à plusieurs reprises, répète la même idée. Comme il est naturel, la parabole a été lue presque toujours comme une invitation à prendre soin de la persévérance dans notre prière adressée à Dieu.
Cependant, si nous regardons le contenu du récit et la conclusion qu’en tire Jésus lui-même, nous voyons que la clé de la parabole est la soif de justice. L’expression «faire justice» est répétée jusqu’à quatre fois. Plus qu’un modèle de prière, la veuve de ce récit est un exemple admirable de la lutte pour la justice au sein d’une société corrompue qui abuse des plus faibles.
Le premier personnage de la parabole est un juge qui «ne craint pas Dieu et ne respecte pas les hommes». C’est l’exacte incarnation de la corruption dénoncée à maintes reprises par les prophètes: les puissants ne craignent pas la justice de Dieu et ne respectent ni la dignité ni les droits des pauvres. Ce ne sont pas des cas isolés. Les prophètes dénoncent la corruption du système judiciaire en Israël et la structure machiste de cette société patriarcale.
Le second personnage est une veuve sans défense au milieu d’une société injuste. D’une part, elle souffre des abus d’un «adversaire» plus puissant qu’elle. D’autre part, elle est victime d’un juge qui ne se soucie absolument pas de sa personne ou de ses souffrances. C’est ainsi que vivent des millions de femmes de tous les temps dans la plupart des peuples.
Dan la conclusion de la parabole, Jésus ne parle pas de prière. Tout d’abord, il demande de faire confiance à la justice de Dieu: «Dieu ne rendra-t-il pas justice à ses élus qui crient vers lui jour et nuit?». Ces élus ne sont pas «les membres de l’Église» mais les pauvres de tous les peuples qui crient en demandant justice. Le royaume de Dieu leur appartient.
Ensuite, Jésus pose une question qui représente un grand défi pour ses disciples: «Quand le Fils de l’homme viendra, trouvera-t-il cette foi sur terre?». Il ne pense pas à la foi comme une adhésion doctrinale, mais à la foi qui anime l’action de la veuve, modèle d’indignation, de résistance active et de courage pour exiger des corrompus la justice.
Est-ce la foi et la prière des chrétiens satisfaits des sociétés du bien-être? J. B. Metz a certainement raison quand il dénonce que dans la spiritualité chrétienne, il y a trop de cantiques et peu de cris d’indignation, trop de complaisance et peu de nostalgie pour un monde plus humain, trop de confort et peu de soif de justice.
Encore et encore, sans jamais se décourager !
Jacques Marcotte, o.p.
Ce dont il est question aujourd’hui dans l’évangile est au cœur de notre expérience croyante. Le message de la Parole porte sur notre foi mise à l’épreuve, une foi qui fait ses preuves, du sens profond qu’elle donne à la vie et du grand recours qu’elle apporte aux croyants et croyantes. La foi qu’est-ce que cela donne? Nous demande-t-on. Quelle différence apporte-t-elle dans notre vie? Quel aboutissement lui est promis? De quelle foi s’agit-il?
En première lecture et dans le passage d’évangile, il nous est rapporté des situations extrêmes. Des tensions majeures dans la vie. Des situations où tout semblait perdu. Ainsi le peuple juif au désert. Moïse et quelques proches compagnons se tiennent dans la prière, en marge d’un combat dont l’issu n’était pas assuré en faveur d’Israël.
Dans l’évangile un exemple nous est donné : le cas d’une veuve sauvée par son entêtement dans une cause où elle n’avait aucune chance de l’emporter. Dans les deux cas, le réflexe fut celui de la persévérance, de l’entêtement à croire qu’une solution favorable puisse survenir, pour que le droit et la justice l’emporte, grâce à Celui qui transcende tout, qui est au-dessus de tout.
Notre Dieu nous est d’un recours formidable dans un monde où nous vivons des situations extrêmes. Dans la prière authentique nous tendons une main confiante par delà le voile de notre impuissance et de toutes nos obscurités. N’avons-nous pas dans ce creux de notre expérience religieuse et croyante le point de départ et la raison d’être de notre espérance. Le signal que ce dimanche nous donne c’est qu’il faut sauver l’homme de lui-même, de ses peurs, de ses tourments. Qu’il faut lui proposer l’espérance par le fait de notre foi, de notre persévérance.
Dans un monde qui doute et qui nie Dieu et qui même se bat contre tous les croyants, nous rappelons à Dieu que nous tenons à lui, que nous comptons sur lui, obstinément, envers et contre tous. Non, la marée immense de ceux et celles qui ne veulent rien savoir, ou qui dénigrent la foi ou qui la refusent ou qui lui dénient toute capacité, ne l’emportera pas, parce que toi tu tiens bon, toi tu comptes sur lui, toi tu gardes la foi, l’espérance, l’amour dans ton cœur envers un Dieu dont tu sais qu’il est le seul à répondre finalement de ton salut. Sachant que tu n’es pas seul à croire ainsi. Qu’il y a des gens comme toi, avec toi, qu’il y a une communauté, qu’il y a l’Église de Dieu. Qu’il y a des croyants partout. Qu’il y a tous ceux et celles qui luttent et qui tiennent à cause de Dieu et pour qui Dieu est la force ultime, décisive.
Quelque part, à son heure, il agira, il fera justice, il nous sauvera. Il nous a déjà sauvés de la mort totale un certain jour de Pâques. Victoire irréversible! Ce n’est plus qu’une question de temps, il viendra de nouveau. Cette vérité-là est la seule qui tienne la route jusqu’au bout, la seule pour laquelle il nous faut tenir et dont notre monde a un urgent besoin.
http://www.spiritualite2000.com
“Donner aux activités pastorales un meilleur élan missionnaire “
Romeo Ballan, mccj
Le RV annuel de la Journée Mondiale des Missions (dimanche prochain) est de retour au cœur de ce mois d’octobre, mois missionnaire par tradition. Nous voyons là un engagement qui ne se limite pas à une journée, ni à la seule quête de moyens financiers. Il s’agit plutôt d’une belle opportunité pastorale pour nous sentir Église, communauté vivante de personnes qui ont rencontré le Christ et donc le vivent comme don à partager avec les autres dans les gestes concrets du quotidien, tels que la prière, le sacrifice, la solidarité, et aussi -pourquoi pas?- le don de sa propre vie. Le thème fort de la mission est le salut de tous en Jésus Christ. Par conséquent voilà les sujets importants qui reviennent: l’urgence de l’annonce missionnaire, la pénurie d’ouvriers de l’Évangile, le devoir de la prière incessante, la coopération de la part de tous les croyants…
La mission, justement dans sa propre nature d’annonce de l’Évangile, passe actuellement par des moments d’évolution qui sont prometteurs, mais difficiles et complexes. De nouvelles réalités pointent à l’horizon de l’Église missionnaire. La Parole de Dieu nous offre aujourd’hui des messages d’espérance pour les temps souvent tragiques que nous vivons, aussi bien dans la vie personnelle, que en société ou dans le monde politique. Dieu intervient toujours pour secourir et sauver, même s’il semble parfois se faire attendre. Son salut nous est offert gratuitement, mais notre collaboration nous est tout de même exigée. Le peuple d’Israël (I lecture), souvent en conflit avec l’un ou l’autre peuple ennemi, obtient la victoire contre les Amalécites. Le mérite revient à Moïse, intercesseur extraordinaire, dont la prière connaît une efficacité unique parce que deux de ses collaborateurs maintiennent ses bras levés en signe de supplication à Dieu (v. 11-12).
L’attitude priante de Moïse se prolonge dans le psaume et se confirme dans l’Évangile de la veuve, qui “ne se décourage jamais” dans sa supplication (v. 1). Ainsi elle obtient un résultat important, et vient à bout de situations défavorables: elle est en litige avec un juge qui ne craint ni Dieu ni les hommes (v. 2.4)… L’apôtre Paul (II lecture), écrit de la prison à son disciple Timothée pour l’encourager à bien remplir sa mission d’annonce de la Parole. Il l’invite même à insister en utilisant toute occasion qui se présente, opportune ou pas, pour corriger ou exhorter (v. 4,2)… Nous avons ici quelques termes essentiels liés à la Mission. Les exemples bibliques de Moïse et de la veuve nous rappellent l’importance essentielle de la prière au Maître de la moisson (Mt 9,38; Lc 10,2). La prière d’intercession est un instrument incontournable de la mission. St. Daniel Comboni, grand missionnaire, n’hésita pas à affirmer: “C’est bien dans la toute puissance de la prière que nous trouvons notre force“.
Benoît XVI ne rate pas une occasion pour renouveler l’appel missionnaire à toutes les Églises, qu’elles soient de tradition ancienne ou fruit d’une évangélisation récente. Il les invite toutes à partager l’urgence: il faut relancer l’action missionnaire face aux défis multiples et graves de notre époque. Il s’adresse pour cela aux Églises de tradition ancienne, qui ont fourni aux missions, par le passé, non seulement les moyens financiers, mais aussi un nombre important de prêtres, religieux, religieuses et laïcs. Mais le Pape invite en même temps les Églises nées d’une évangélisation récente, pour qu’elles se dévouent généreusement à la missio ad gentes, malgré toutes les difficultés et les résistances qu’elles peuvent rencontrer encore sur le chemin de leur propre développement.
Confronté aux signes évidents de refroidissement de la foi chrétienne dans les pays occidentaux, le rappel du Pape Benoît devient particulièrement clair: “Relancer l’action missionnaire face à tous les graves et multiples défis de notre temps“. Constatant les signes d’un hiver du Christianisme dans les pays européens et nord-américains, la déroutante question de Jésus à la fin de l’Évangile d’aujourd’hui résonne à nos oreilles avec un ton d’inquiétante actualité: “Mais le Fils de l’homme, à son retour, trouvera-t-il la foi sur la terre?” (v. 8). Il s’agit là, probablement, de la question la plus troublante qui soit pour l’avenir de la famille humaine, et donc, forcément, pour la mission. Une question qui ne concerne pas seulement le retour de Jésus à la fin du monde, mais toute rencontre avec Lui sur le chemin de notre vie. Ainsi G. Bernanos au sujet de ce drame: “Les voix qui remontent vers Dieu venant de la terre deviennent de plus en plus faibles, au point peut-être de s’éteindre. Silence de l’Amour dans la nuit de l’indifférence!”. Pessimisme? Peut-être pas. Seulement une invitation pressante à la réflexion et à la cohérence des œuvres.
Ce n’est pas le moment, pour le baptisé et pour la communauté chrétienne, de se renfermer sur soi-même, de limiter la place à accorder à l’espérance, ou ralentir l’élan missionnaire. Au contraire, il faut s’ouvrir avec confiance à la Providence de Dieu, qui n’abandonne jamais son peuple: “l’occasion nous est toute donnée pour renouveler la disponibilité à annoncer l’Évangile et donner aux activités pastorales une plus large dimension missionnaire”.