
Un ‘prétexte’
Deux petits extraits nous serviront de ‘prétexte’ pour commencer notre réflexion. Le premier est tiré de l’opuscule Le jardin du prophète. Dans cette œuvre d’une grande saveur spirituelle, le poète-philosophe persan Khalil Gibran raconte comment un fils du pays, revenu au village natal, résume en peu de mots son voyage à travers le monde et la sagesse tirée des expériences variées qu’il avait faites tout au long de ses pérégrinations. Une de ses réflexions frappe pour son originalité. Il dit entre autres choses ce qui suit :
Mes amis et compagnons de route,
Pitié pour la nation où existent mille croyances mais aucune religion…
Pitié pour la nation où on n’élève la voix que dans les processions de funérailles, où l’on ne se glorifie qu’au milieu de ruines et où l’on ne se révolte que lorsqu’on a la nuque coincée entre le glaive et le billot…
Pitié pour la nation où les sages sont rendus muets par l’âge, tandis que les hommes vigoureux sont encore au berceau. (1)
Le second extrait est, quant à lui, tiré de l’œuvre de saint Jean de la Croix, La montée du Carmel, une œuvre qui nous est très proche. Le mystique et théologien catalan réfléchit sur les dégâts qu’une course peu discernée vers le divin peut engendrer tant pour une âme qui y est engagée que pour la société elle-même qui ne prend pas la peine de freiner certains élans ‘spirituels’ de ses concitoyens. Saint Jean de la Croix écrit :
En vérité je suis surpris de ce qu’on voit se produire de notre temps. Voici une âme qui a pour quatre sous de méditation : si elle expérimente en un moment de recueillement quelque parole intérieure, aussitôt tout est qualifié de chose venant de Dieu. Et dans la persuasion qu’il en est ainsi, elle déclare : « Dieu m’a dit… Dieu m’a répondu. » Cependant, il n’en est rien. Comme je le disais tout à l’heure, cette personne s’est parlé à elle-même.
Il y a plus. Le désir qu’inspirent ces sortes de choses, l’attachement qu’y a l’esprit, amène à renouveler à soi-même ces réflexions. Et toujours c’est Dieu qui parle, c’est Dieu qui répond ! Si ces personnes ne s’imposent un frein sévère, si ceux qui les dirigent ne les obligent à mettre un frein à ce genre de discours, il en résultera de véritables extravagances.
Dans tout cela il y a bien plus de bavardages et d’impureté spirituelle que d’humilité, de mortification de l’esprit. On se figure qu’on est très favorisé et que Dieu vous a parlé ; mais tout se réduit à presque rien, à moins que rien. (2)
Les deux textes frappent par leur actualité dans une terre d’Afrique, où la course vers les divinités et leur manifestation bat son plein. Dans aucun pays d’Afrique on ne rencontre pas de déviations et des aberrations engendrées par des « révélations » incontrôlables et souvent fantaisistes.
Ce que les deux textes nous disent, c’est qu’on peut avoir « mille croyances » sans pour autant être « religieux ». Bien plus, il y a une différence entre la « croyance » en mille choses qui relève de la simple raison, et la religiosité qui, elle, s’enracine dans la rencontre personnelle d’un « Dieu » personnel dont la rencontre a profondément changé la vie du dévot.
Pour comprendre une telle affirmation, il convient de se référer à la distinction que le pape actuel, alors préfet de la Congrégation de la foi, établissait dans l’instruction Dominus Jesus entre certaines religions du monde et les religions révélées. Les premières il les appelait des « croyances », c’est-à-dire des systèmes rationnels ou de rationalisation fondés sur des certitudes, mieux une série de certitudes qui n’engagent point personnellement ceux qui les professent. De telles croyances sont relativisées selon les aléas de l’histoire et les situations concrètes de vie, parce qu’elles ne s’appuient sur aucun fondement absolu qui défie l’homme et le met en face de lui-même. La religion, quant à elle, implique non seulement la reconnaissance d’une transcendance qui est fondement ultime de l’existence, mais aussi un transcendant dont l’expérience exige inévitablement une « kehre », un « tournant de vie », une metanoïa, ce que saint Paul appelle « passer du vieil homme à l’homme nouveau ».
Mais les deux textes nous mettent en garde contre la tentation de considérer toute expérience d’intériorité comme nécessairement étant une « expérience de Dieu ». On l’a vu. Saint Jean de La Croix commence par reconnaître la valeur et même la sincérité de la méditation et du recueillement chez ceux qui se trompent : c’est du fond de leur cœur qu’ils croient que Dieu leur a répondu et parlé. Il y a là une indication, mieux un appel à ne pas trop vite relativiser et minimiser les expériences que font ceux qui nous semblent se tromper.
L’auteur spirituel nous signale ensuite que dans l’expérience du recueillement, on « entend une parole », mieux, une « multitudes de paroles », une série de « voix » qui se bousculent en soi-même, les unes pouvant être divines, les autres par contre humaines, quelquefois même trop humaines. Ces voix correspondent quelquefois à autant de désirs épars et non unifiés qui se bousculent la primauté en nous ; elles représentent aussi de temps en temps toutes ces frustrations non acceptées qui nous poussent à ruminer des plans de vengeance pendant des jours et des nuits, au risque de nous ruiner nous-mêmes la santé. Ces voix sont aussi enfin des sentiments de dégoûts que nous cultivons tout d’un coup envers tout ce qui a fait notre raison d’être jusqu’alors. Dans le langage spirituel classique, on identifie toutes ces « paroles » comme étant des « motions spirituelles », des « mouvements de l’âme ». La spiritualité nous signale qu’il y a des « paroles » qui viennent de « Dieu », d’autres du « mauvais esprit ». Certaines paroles sont même quelquefois nos propres élucubrations et des fruits de nos propres errements intérieurs.
Par ailleurs, saint Jean de la Croix signale que la certitude d’avoir été bénéficiaire d’une « certaine parole de Dieu » peut conduire à des attitudes de vaine gloire et à la surdité spirituelle (on n’écoute plus que soi-même), au renouvellement incessant de ces paroles en soi, à la prétention à une vérité absolument indubitable, au ressassement d’une illusion dont on refuse exprès de sortir. Pour notre auteur, c’est justement là que se pose la question du discernement de l’expérience de Dieu. Celle-ci n’est véridique que quand l’homme est capable de distinguer son désir immodéré du merveilleux de l’auto-donation de Dieu dans sa « parole intérieure » dont il fait don à l’homme qui prie en toute sincérité et humilité.
Finalement, saint Jean de la Croix rappelle qu’une vraie expérience spirituelle n’est jamais un événement individuel ; elle touche à l’ensemble de la communauté, non seulement des croyants, mais aussi de la communauté humaine tout court. De l’expérience individuelle peut jaillir une bénédiction ou une malédiction pour sa communauté de vie et de foi. Voilà pourquoi saint Jean de la Croix rappelle avec force le devoir de discernement qui incombe aux responsables – à quelque degré que ce soit – de ceux qui semblent divaguer et chavirer sur le chemin de la spiritualité : ils doivent « mettre un frein à leur manque de frein », au risque d’arriver à des perturbations sociales.
Une mise au point
Les deux textes évoqués nous ramènent, à leur manière, à notre problématique, celle de penser les défis majeurs de la spiritualité en Afrique. Cette question n’est pas nouvelle. Ces deux dernières années, nous avons été édifiées par plusieurs ouvrages de penseurs africains qui ont essayé de méditer sur les défis auxquels l’Afrique est confrontée. Deux d’entre eux méritent notre attention, puisqu’ils nous sont proches et nous indiquent la direction à suivre pour comprendre la diversité de ces défis : Les défis de l’évangélisation que le professeur Léonard Santedi a si bien présenté dans son ouvrage de manière théologico-phénoménologique (3) et Les défis de la pastorale en Afrique telle qu’épinglés, à la manière de la contemplation philosophique du Christ philosophe, par le professeur Jean Chrysostome Akenda dont il convient de saluer le livre. (4)
Dans le second chapitre de son ouvrage, Léonard Santedi estime que les défis de l’évangélisation en Afrique se concentrent sur les thèmes suivants : les sectes, les maladies incurables et les cures spirituelles, l’émiettement de l’Afrique, l’exclusion politique, le défi éthique, les défis des médias. A côté de ces défis, il présente « quelques lieux précis » de la nouvelle évangélisation : la famille, les communautés ecclésiales vivantes de base et la jeunesse.
J.-C. Akenda, pour sa part, montre comment toute la problématique du christianisme africain devrait se concentrer sur « la vie », la possibilité, pour l’Africain, d’accéder à la vie en abondance, à la vie pleine qui n’est possible qu’en regardant vers le Christ, celui qui est le « porteur du salut » et de la vie en abondance. Ce Christ, c’est le Christ summus philosophus. C’est lui « le veilleur, la sentinelle et le fonctionnaire » de l’humanité et de la divinité. Il est le sommet de l’idéal de la vie, de toute vie, l’idéal des laïcs (dont Jean Chrysostome Akenda – hélas – parle très peu) et surtout l’idéal des prêtres (dont la formation et l’édification occupent des pages entières dans le livre).
Bien plus, si J-C Akenda centre tout sur le Christ – philosophe, c’est parce que la philosophie est saisie par lui comme « mémoire » et sentinelle « des idéaux de l’humanité » et comme sagesse de l’amour au service de l’amour et de la justice.
Je me propose, pour ma part, de me concentrer sur les défis majeurs de la spiritualité en Afrique. J’en décèle cinq :
- Le défi de « l’intériorité » en face d’un univers habité par des « bruits » de toutes sortes qui ne permettent plus de reconnaître « les voix et les paroles » qui nous parlent parce qu’elles s’entremêlent en nous ;
- Le défi de « Dieu » dans un monde de plus en plus dominé par la « fabrication » des idoles par des hommes qui tentent de devenir leur propre lumière et leur propre guide ;
- Le défi de « l’expérience de Dieu » dans un monde qui a plus que jamais besoin de discerner et de distinguer le « naturel » du « surnaturel », « l’humain » du « divin » sans pour autant les séparer radicalement ;
- Le défi de la « vie » qui est de plus en plus « idolâtrée » jusqu’en faire une réalité mythique et absolue, un défi qui fait de la vie difficile une « malédiction » en face de la course vers la vie facile, qui ne connaît pas de souffrance, des maladies et la mort ;
- Le défi de la « responsabilité » individuelle et collective face à l’avenir de nos sociétés et de nos communautés de vie et de foi.
1. Le défi de l’intériorité
C’est saint François de Sales qui écrivait que le « bien ne fait pas de bruit ; et le bruit ne fait pas de bien ». Or une des caractéristiques les plus impressionnantes de notre époque semble être la persistance du « bruit » : bruit des politiciens qui ne savent pas convaincre leurs concitoyens par des discours raisonnables et véridiques et qui multiplient les paroles oiseuses pour se dédouaner de leur obligation de rendre compte de la gestion de la chose publique ; bruits des pas des soldats en guerre et qui nous sont présentés à la télévision « en direct » ; bruits des tumultes des foules en fuite vers des terres qui, pour les accueillir, font à leur tout des bruits pour se faire entendre et réclamer des dividendes à la « communauté internationale » le plus souvent taciturne sur les vrais enjeux des conflits qui bouleversent le monde et dont elle n’est pas si ignorante ; bruit de ceux qui réclament leur droit à la vie et que l’on voudrait apaiser par des bruits tonitruants de musiques diurnes et nocturnes qui réduisent la capacité de concentration et de réflexion, réveillent la partie sensuelle des âmes et, par ce fait, augmentent la violence et la criminalité dans nos villes ; bruits de nos voitures déclassées en Europe et récupérées, embouteillées sous les vociférations obscènes des conducteurs qui ont perdu le sens de la retenue dans un contexte socio-politique incertain.
Cette diversité et cette multiplicité de bruits sont encore intensifiées, amplifiés par l’explosion des médias qui deviennent effectivement un quatrième pouvoir dans le monde, capable de faire déboulonner des dirigeants qui se croyaient éternels et de façonner de nouveaux dieux et des idoles aux pieds d’argile. Ces bruits, médiatisés, se répandent à leur tour à une vitesse incontrôlée, vertigineuse, qui ne laisse pas le temps de se pencher sur les événements. Ceux-ci sont devenus des simples « faits divers », des « spots » qu’on lit à 10h et qui sont remplacés par d’autres spots plus intéressants à 11h.
Ce « manque de temps de réflexion », occasionné par la course vers le sensationnel, fait de nous des extravertis éternels, nous menace de superficialité et nous inocule le syndrome du papillon qui butine le pollen d’une fleur à l’autre sans jamais se reposer sur aucune fleur : danger de l’extraversion, de la divagation, de l’émiettement de la vie qui est dorénavant conduite par des agents extérieurs qui en déterminent le cours sans que nous n’ayons eu le temps de le remarquer.
L’on se tromperait en pensant que le bruit est un phénomène simplement extérieur. Il y a d’autres types de bruits, plus subtils, ceux qui « nous parlent de l’intérieur », ceux qui sont la conséquence de l’impact de tout ce que nous avons entendu au dehors et qui ne nous laissent pas indifférents. Ces bruits sont autant de réponses que nous donnons, sans quelquefois nous en rendre compte, aux différentes sollicitations extérieures et aux différentes insinuations intérieures en nous : le choix de vie pour la vie ou la mort, le bonheur ou le malheur est quelquefois tributaire d’une superficialité en face des bruits dont on n’a pas suffisamment compris les tenants et les aboutissants.
On le voit, le défi de toute spiritualité, c’est la capacité et le courage de désirer, d’aimer et de promouvoir l’intériorité. C’est la capacité de faire passer les individus de l’extériorité vers l’intériorité, d’une vie façonnée et rythmée par des sollicitations extérieures à une vie assumée intérieurement et personnellement. Cette promotion de l’intériorité signifie concomitamment la promotion de la « ré-flexion ». Cela veut dire qu’il n’est pas possible d’entreprendre une « activité spirituelle » si « l’esprit » n’est plus capable de rentrer en lui-même » (c’est cela la capacité de « ré-flexion »). Nous savons pourtant qu’il y a des bruits provoqués exprès par des politiciens et démagogues véreux pour empêcher des populations meurtries et désabusées de réfléchir sur leur situation de misère. Et pourtant, c’est la capacité de réfléchir qui, d’après le philosophe Platon, distingue l’homme « des autres animaux ». Il dit en effet :
Voici. Le sens du mot ‘homme’ (anthropos), est que les autres animaux étant incapables de réfléchir sur rien de ce qu’ils voient, ni d’en raisonner, ni d’« en faire l’étude » (anathrein), l’homme au contraire, en même temps qu’il voit autrement dit qu’il a vu, (opôpé), « fait l’étude » (anathrei) aussi de « ce qu’il a vu » (opôpé), et il en raisonne. De là vient donc que, seul entre les animaux, l’homme a été à bon endroit nommé ‘homme’, (anthropos), « faisant l’étude de ce qu’il a vu » (anathrôn ha opôpé). (5)
Le danger de la multiplication actuelle des bruits, c’est de faire de l’homme un animal bien nourri – pour ceux qui ont de la nourriture – ou alors de l’abêtir par des distractions qui l’éloignent de la réflexion sur sa condition, sur sa déchéance dans le monde, laissant cette tâche à des opportunistes qui en ont compris la nécessité pour mieux exploiter leurs frères ignorants.
La réflexion est l’exigence de penser sans condition, c’est-à-dire le refus de se laisser mener « au gré des vagues », de se laisser « conduire par la vie vécue par les autres », bref la capacité de s’approprier les différents bruits extérieurs et intérieurs en vue de reconnaître les « paroles » qui construisent des paroles qui détruisent, les bruits qui conduisent vers l’essentiel et deux qui collent à la poussière de la terre.
En effet, la vocation de l’homme est de refuser de « passer à côté » des choses ; car il n’est pas un touriste visitant la terre pour y jeter un coup d’œil furtif et s’en aller, fier d’emporter des images imparfaites de la réalité, papillonnant d’une réalité à une autre, sans point d’ancrage. Il lui faut apprendre à voir, à exercer les sens, bref à réfléchir sur ce qu’il entend comme bruit et d’en raisonner.
Ces considérations sur le défi de l’intériorité et de la réflexion nous introduisent à l’autre défi, que je considère comme majeur : le défi de « Dieu ».
2. Le défi de « Dieu »
Parmi les bruits qui occupent l’homme africain, figurent les « bruits » sur « Dieu ». Car plus que jamais, nous sommes confrontés à la prolifération et à l’expansion du religieux. La course vers les mouvements gnostiques et occultes dans nos universités, la fréquentation assidue des mouvements spirituels et autres églises de réveil, les bruits nocturnes qui agitent nos sommeils et qui nous obligent malgré nous à prier « sans cesse » faute de sommeil, etc., tout se présente comme des voies et méthodes pour « aller vers Dieu ».
Or, tout comme le spécifiait le document Dominus Jesus lorsqu’il clarifiait la marge entre la croyance et la religion, il devient de plus en plus urgent de clarifier ce que le terme « Dieu » utilisé abondamment ces derniers temps signifie exactement pour ceux qui l’emploient, d’autant plus que la marge entre croyance et incroyance n’est plus si évidente pour beaucoup de nos contemporains. (6)
Cette nécessité de clarifier pour soi-même le concept de « Dieu » n’est pas nouvelle. Les Jésuites, réunis en Congrégation générale en 1995, écrivaient dans un de leurs décrets :
Nous reconnaissons que beaucoup de nos contemporains estiment que ni la foi chrétienne ni aucune autre croyance religieuse n’est bonne pour l’humanité. Les problèmes qui se posent quand on travaille dans ce contexte n’ont pas besoin d’être traités ici, parce que la frontière entre l’Evangile et la culture moderne et postmoderne traverse le cœur de chacun de nous. Chacun de nous affronte la tentation de l’incroyance en premier lieu en lui-même ; et c’est seulement quand nous avons pu nous confronter à cette dimension que nous pouvons parler aux autres de la réalité de Dieu (…) C’est seulement quand notre expérience et notre compréhension personnelles de Dieu sont significatives pour nous que nous pouvons dire quelque chose de significatif à l’agnosticisme contemporain. (7)
Par ailleurs, plus près de nous, Fabien Eboussi Boulaga nous prévient du danger de croire en la clarté du concept « Dieu » en Afrique. Évoquant pour l’Afrique la menace du péril de l’anéantissement et du non-sens, écrit-il, le concept de « stratégie » est l’opératoire de référence par excellence pour comprendre l’utilisation du mot « Dieu ». Il écrit :
Dans la « stratégie », « Dieu » peut être utilisé comme force offensive pour attaquer, surprendre, feindre, tromper, forcer et fatiguer. Il peut servir aussi comme force défensive pour parer, riposter, esquiver, se garder, rompre, dégager et menacer. On en use de la sorte quand le péril est total, celui de l’anéantissement ou du non-sens. Celui-ci ne se représente pas toujours ni souvent de façon dramatique. Il est présent à l’état diffus, dans la manière d’articuler l’expérience vécue de soi et de l’univers à la pratique de sa totalité. (8)
Ce qui est en jeu ici, c’est la clarification même de ce que nous disons, ou de ce que nos contemporains « font » quand ils disent « Dieu ». Pourquoi une telle clarification est-elle nécessaire ? Pour permettre de distinguer le « phénomène Dieu » du « concept Dieu ».
Dans son Introduction aux Logiques (9), Edouard Dirven définit « l’objet » comme « la réalité telle qu’elle existe en dehors de moi, même si je n’en suis pas toujours conscient. Il sert de suppôt à ma pensée ». Le « phénomène », quant à lui, est défini par les philosophes comme « phainomenon », c’est-à-dire ce qui apparaît à l’esprit.
En effet, en Afrique, « Dieu » peut être un « phénomène » : on court vers lui, on le cherche, on le trouve dans toutes les sauces spirituelles, si l’on peut se permettre cette expression culinaire. La croyance en (l’existence de) « Dieu » semble être une réalité bien vivante que l’esprit ne peut pas nier. Mais le fait que la croyance en Dieu soit, ne signifie pas encore qu’elle est « compréhensible » par tous. En effet, comme objet et comme phénomène, la croyance en Dieu se présente pour le moment, en Afrique, comme une réalité ‘plurivoque’, c’est-à-dire ‘à plusieurs voix’ : nous avons des croyants et leurs guides de toutes les races et de tous les continents qui disent croire en Dieu, mais qui ne vivent pas tous de la même manière et qui, peut-être parce qu’ils ne partagent pas toujours les mêmes convictions politiques, religieuses, etc., développent des églises particulières. Aussi avons-nous les églises institutionnelles, les églises de réveil, les églises indépendantes, etc.
De telles considérations nous permettent de comprendre que « Dieu » n’est pas simplement un phénomène ; il est aussi « une réalité conceptuelle ». Qu’est-ce à dire ? D’après les principes de la logique formelle, la « conception est l’acte de penser un objet » et le « concept » lui-même est « la représentation mentale d’un objet ». (10)
Cela signifie que non seulement « Dieu » se « présente » à la vue de l’individu, mais l’individu que « Dieu » défie de par son existence affirmée se « re-présente » cette réalité qui le questionne. La question est donc : « quelle est la représentation mentale que les croyants, ces assoiffés de la spiritualité en Afrique, se font de Dieu ? »
Cette représentation, me semble-t-il, n’arrive pas à distinguer assez clairement l’ordre de la transcendance de l’ordre de l’immanence, le Dieu souverain et absolu d’une idole faite à notre image et selon nos désirs. C’est cela que j’expliquais ailleurs en ces termes :
En Afrique, la religion n’est pas simplement et pou la plupart du temps proche de l’opium du peuple, mais elle semble être devenue « trop mondaine », un lieu où la « transcendance » doit s’efforcer d’écouter à tout prix le cri de l’homme qui refuse délibérément de prendre le temps d’écouter « ce » qui lui parle dans le silence du cœur et des choses. Or le vrai lien avec la transcendance implique « écoute », « soumission » et « engagement » responsable pour la vie et le développement intégral de tout l’homme. Devant la « Parole » du Transcendant, l’homme est pris dans sa responsabilité en face de la promotion de la vie, quel que soit l’individu qui se présente devant ses yeux. L’on doit pouvoir se demander s’il y a encore religion quand l’homme veut s’écouter, ne veut obtenir de Dieu que ce que lui-même désire et décide d’obtenir et choisit ceux à qui il désire faire du bien, au détriment des autres, de ceux qui n’appartiennent pas à la même confrérie que lui. (11)
Voilà donc le vrai défi de la spiritualité, après l’intériorité : « de quel ‘Dieu’ on parle : d’un phénomène en vogue, le temps que la course vers d’autres nouveautés plus intéressantes et plus rassurantes ne viennent le balayer ? Ou bien un concept mal élaboré, aux contours flous, parce que rassemblant des attentes diverses et souvent irréconciliables ? En tout cas, plus que jamais, les Africains sont sommés de clarifier pour eux-mêmes et pour ceux qui les regardent la notion de « Dieu » qui nourrit leur vie quotidienne et les pousse à prendre des initiatives souvent néfastes pour eux plutôt que d’autres qui auraient pu leur être plus salutaires.
3. Le défi de « l’expérience de Dieu »
Les deux défis précédents nous font déjà comprendre l’importance de ce troisième défi. La multitude de ceux qui s’engouffrent dans des expériences spirituelles souvent originales le font parce qu’elles croient y faire une expérience authentique de Dieu. Or le précédent défi ainsi que les propos de saint Jean de la Croix montrent qu’il est possible que celui qui prétend faire une « expérience spirituelle » ou une « expérience de Dieu » se trompe quelquefois. Le grand défi de l’Afrique est la clarification de la marge entre la « théo-logie », comme « discours sur et de Dieu en tant qu’Il est et demeure Celui qui est au-delà des modèles », et la « théo-dicée » qui est un discours qui veut que Dieu (ou ses représentants) justifie et rende compte de sa bonté et de sa générosité alors que la souffrance et la misère accablent l’innocent et le croyant qui n’ont jamais cessé de prier et de jeûner.
Nous savons pourtant que la notion d’expérience est plurivoque. (…)
En Afrique, le grand défi est de savoir distinguer tout ce qui relève de l’expérience purement humaine des appels authentiques de Dieu. Nous vivons dans un cadre en crise où ce qui jadis était naturel, et ce que les sciences psychologiques et anthropologiques peuvent expliquer, est devenu lieu de la réclamation du spirituel et du divin : une maladie incurable, le somnambulisme, l’épilepsie, la mort d’un jeune homme, etc. Le purement humain n’est plus accepté ; il faut qu’à tout ce qui advient l’on trouve une cause cachée, mystérieuse, qui sert souvent de bouc émissaire à la négligence coupable des parents et autres membres de la famille. Comment dès lors aider l’homme africain à comprendre par exemple que dans les accusations de sorcellerie il y a plus de 80 % d’humain et de conjecture ? Comment faire comprendre à ceux qui se laissent exploiter par des pasteurs peu scrupuleux que derrière la réclamation de dîmes exorbitantes à leurs fidèles il y a le plus souvent une imposture qui ne témoigne plus du Dieu d’Elisée qui a refusé les sacs d’or que Naaman le syrien lui offrait en signe de reconnaissance pour sa guérison gratuite ?
En réalité, le vrai problème réside dans la manière dont nous interprétons les différentes expériences-limites que nous faisons et qui nous révèlent notre propre fragilité (les expériences de la mort, d’une maladie dont on est guéri « sans comprendre » comment, un accident dont on échappe miraculeusement). Ces expériences ne sont pas d’emblée des expériences de Dieu ni automatiquement des expériences spirituelles. Il faut encore distinguer ce type d’expérience avec « l’expérience transcendantale » et l’expérience de Dieu lui-même. Karl Rahner parle de l’expérience transcendantale comme celle dans laquelle l’esprit humain prend conscience à priori de sa propre transcendance, c’est-à-dire de sa propre ouverture infinie et a priori dans sa propre finitude. C’est ce genre d’expérience qui nous révèle la « contingence de la transcendance humaine » : l’homme fait l’expérience qu’il n’est pas maître de la vie, des événements, des choses, à 100 %. Il y a donc une brisure en lui de tous les cadres conceptuels, un « paradoxe » qui le renvoie à une évidence : comme homme, créature, il ne sera jamais « Dieu », bien que sa quête vers Dieu reste infinie, ce que saint Augustin exprime par le vers célèbre qui ouvre le Commentaire sur les Psaumes :
La montagne que nous gravissons, Seigneur, d’étape en étape, en tâtonnant, en peinant, n’est autre que toi, toi qui guides nos pas sur le chemin qui mène vers toi (…) Le jour nous précède et nous courons derrière lui, dans l’impatience de notre attente, Seigneur, en tâtonnant dans les ténèbres. Donne-nous l’espérance qui enfante le Jour. Amen. (12)
L’on est introduit dans cette expérience transcendantale grâce aux expériences limites, qui appartiennent à la nature même de l’homme, qui sont son lot quotidien, si on peut l’exprimer ainsi : mort, souffrance, amour, gratuité, sentiment de perdition, etc.
Cependant, l’expérience transcendantale, bien qu’ouvrant vers l’expérience religieuse, n’est pas à confondre avec elle. L’expérience religieuse elle-même ouvre vers un Dieu personnel, avec lequel j’entre en relation comme à ma source et à mon absolu. Cette rencontre avec « Dieu » est comme un « coup de foudre », qui remet en question tout ce qu’ai été jusqu’ici et me demande de changer : dans l’expérience religieuse, je sens que je me perds, si je m’entête à ne pas écouter la voix qui me parle. Je sens que je dois devenir un homme nouveau et que je dois remettre en question ma manière de regarder les choses de la terre et la hiérarchie qu’elles occupent dans ma vie par rapport à cette radicale dépendance de ma vie par rapport à Dieu.
On comprend donc que le défi de l’expérience de Dieu est en même temps celui du « discours objectif » sur Dieu et sur l’expérience authentique que l’on a faite. En effet, dans la vraie religion et la vraie expérience religieuse, l’homme « illuminé » par la grâce prend conscience que ce qui lui advient doit bouleverser ses échelles de valeurs ; qu’il y a tout un fond transcendant qui l’a porté jusque-là mais dont il ignorait la richesse et la valeur ; que depuis toujours, son être ne peut se comprendre sans cette ouverture à la Plénitude, à la Source ! « Je dois devenir ce que j’ai toujours été », mais « plus »… Voilà ce qui explique que l’on ne puisse mieux comprendre quelqu’un à partir de ce à quoi il croit, c’est-à-dire du « socle de ses certitudes les plus profondes, un socle qui lui est invisible, plus intérieure à lui-même et qui porte à la fois la vision du visible et la conviction de l’invisible ». En tout cas, la vraie expérience religieuse s’accompagne toujours de l’humilité. C’est celle-ci qui rend possible la vraie union de l’homme avec le Dieu de la vie.
4. Le défi de la « dédivinisation » de la vie.
L’anthropologie élémentaire nous signale justement que l’homme est un être tourné vers un « plus », un « toujours plus ». C’est cette quête du plus qui affecte l’homme et le pousse à des expériences spirituelles de toutes sortes. Et les études sur les religions africaines traditionnelles nous disent que l’Afrique est la terre de la vie en abondance, de la vie à tout prix. (13) Par ailleurs, depuis le début de l’humanité, le travail constitue le chemin royal par lequel l’homme assure sa propre subsistance et sa survie. Cependant, cette subsistance n’abolit pas le fait que tout homme reste un être fragile, livré aux caprices de la nature et de l’histoire. Il est un être qui ne doit pas à lui-même son existence et les nombreuses précautions qu’il prend pour prolonger tant soit peu sa vie ne l’empêcheront jamais de quitter un jour cette terre.
Or des mouvements spirituels originaux prétendent offrir à l’Africain des recettes pour une vie facile, qui permet de s’enrichir à moindre frais ou à force de prières bruyantes et nocturnes et d’acheter à force d’offrandes une vie sans souffrances, sans maladie, sans tourment des voisins et des membres de familles profiteurs, vie de bombance perpétuelle. L’on se retrouve alors en face de croyants déboussolés, toujours en quête d’une potion magique contre les calamités et les surprises désagréables de la vie, passant pour ce faire d’une église à une autre, éternels insatisfaits courant vers le charlatan qui promet le plus de « signes » et dont la réussite apparente exposée à la télévision publique constitue dorénavant le gage de l’authenticité. Ainsi des couples en difficulté de conception ruinent leurs économie contre les évidences de la médecine moderne et même traditionnelle, des parents pauvres accusent leurs propres fils de ne pas leur être propices, la soif de fouler le sol de l’Europe fait dépenser des sommes énormes détournées ou vendre les parcelles familiales en cachette pour l’obtention d’une bénédiction pouvant faire éclater les portes des ambassades, en vue d’une vie meilleure sur une terre étrangère.
Pire, la soif d’une vie réussie à tout prix et de manière spectaculaire fait éclater les bornes du bon sens chez bon nombre d’Africains qui sont alors prêts à « tous les sacrifices » possibles pour accéder à la vie devenue idole et objet de convoitise jusqu’à la totale perdition de soi-même. La vie devient alors ce dieu auquel on sacrifie les valeurs nobles de l’hospitalité, du respect parental, de la protection de la veuve et de l’orphelin, de l’amitié séculaire, etc. A cause de sa déification, des familles entières se disloquent, des amitiés salvatrices s’estompent, des vies jadis équilibrées sombrent dans la schizophrénie. Cette déification de la vie est le plus souvent entretenue et intensifiée par tous ces nouveaux « hommes de Dieu » qui sont, pour reprendre Khalil Gibran, « des faux messies qui veulent arranger le bonheur de l’homme tout en conspirant contre lui » (14). L’on pense avec opiniâtreté qu’il est possible à l’homme encore sur cette terre d’accéder à la vie ne connaissant pas de fin, alors que cela n’est pas du ressort de l’homme, mais de Dieu lui-même qui tient le fil de la vie et de la mort entre ses mains.
On comprend donc pourquoi l’urgence pour nous d’Afrique est de « dé-diviniser » la vie, de lui redonner sa place de « don gratuit » de Dieu. Et comme don, elle n’est pas aussi absolue que le Dieu absolu lui-même. Elle est précieuse, bien sûr, mais elle n’est pas la valeur suprême qui est Dieu lui-même pour qui on peut légitimement se permettre de se défaire de sa vie. Lorsque le maintien de la vie à tout prix et à n’importe quel prix devient l’idéal d’une vie, les valeurs son transmutées et les repères renversées. Les mauvais en profitent alors, eux qui savent comment jouer sur la soif de la vie pour brandir le spectre de sa destruction au cas où l’on n’obtempère pas leurs ordres : des oncles véreux et cupides deviennent plus agressifs dans leurs exigences, des politiciens au pouvoir menacent de renvoyer à la prison ou d’user de la violence aveugle, etc. et on les laisse faire, pourvu qu’ils ne nous enlèvent pas le peu de souffle dont nous avons besoin pour rebondir demain, quand leur souffle à eux le leur serait retiré. Dans des cas pareils, il n’est pas étonnant de voir des populations entières se contenter, sans révolte, d’une vie qui n’est plus en faite celle qu’un homme normal devrait tolérer.
5. Le défi de la responsabilité en face de l’avenir.
La déification de la vie, en Afrique, s’accompagne d’une crise de responsabilité des Africains face à l’avenir de leur continent et de leurs concitoyens. Autant la prière monte sur tous les lèvres pour réclamer à Dieu une assistance en temps de danger et de disette, autant le continent ne s’est pas senti aussi mal et ne s’est pas présenté aussi misérable. Or il n’y a pas de vraie spiritualité là où l’homme qui prie demande tout à Dieu et n’entend pas, de son côté, que Dieu lui demande des sacrifices pour lui et pour le bien du prochain, alors que le but premier de tout sacrifice est de nous rappeler la gratuité de notre propre existence comme « don » et de nous arracher ainsi à la logique implacable de l’utilité et de « l’outilité ».
Au-delà de leur organisation concrète, les vraies spiritualités sont celles qui luttent pour que la vie et les droits fondamentaux de l’homme qui sont liés à la promotion de cette vie soient respectés et garantis. Voilà pourquoi tout message de paix énoncé par les spiritualités ou les religieux ne peut laisser indifférent aucun homme de bonne volonté épris de paix et soucieux du destin de l’humanité.
Cela signifie qu’il n’y a pas véritablement de spiritualité sans cette ouverture à ce qui élève l’esprit et le corps vers le « plus » de la transcendance et sans ce désir de construire des vraies conditions de paix et de béatitude. Une spiritualité qui privilégie l’une au détriment de l’autre devient idolâtrie ou mystification. En d’autres termes, la vraie spiritualité est celle qui, tout en permettant à l’homme d’accéder à un certain bien-être, le détache cependant de tout ce qui le colle à la poussière de la terre, suscite ou éveille en lui le sentiment et les capacités de la générosité et de la gratuité envers le Transcendant et le prochain.
Bien plus, la vraie spiritualité est celle qui promeut la vie en soi-même et en autrui et qui lutte pour que cette vie soit respectée, pas seulement pour le bien personnel, mais aussi pour le bien et l’harmonie de la collectivité des hommes destinés au même bonheur. Une spiritualité qui méprise le pauvre, et en fait le bouc émissaire de ses propres misères et égoïsmes est une illusion qui éloigne de Dieu lui-même.
Or le problème le plus urgent en Afrique c’est que des mouvements religieux sont nés ou bien y ont été introduits qui ne reconnaissent du sens de la vie que ce qui contribue à satisfaire les besoins les plus immédiats de l’homme : succès dans le mariage, dans les affaires, dans les voyages, dans les études et qui attribue toute forme d’insuccès aux forces occultes du mal et de la jalousie. Loin de prier un Dieu qui renverra l’homme à sa responsabilité, on se forge l’idée d’un Dieu-chance qu’il s’agit de savoir « utiliser » à son propre avantage au détriment des autres.
S’inspirant pour la plupart du temps de l’Ancien Testament et de certaines intuitions de nos religions africaines traditionnelles, ils versent dans la divination et les oracles et n’hésitent pas à perturber les couples qui ont déjà 35 ans de mariage, accuser veuves et orphelins d’être maléfiques pour leur famille, à qualifier les vieux parents de « porteurs d’esprit de pauvreté » pour leurs propres enfants, etc. Ils nous proposent une religion de la réussite à tout prix et à n’importe quel prix et qui ne reconnaît pas la souffrance comme une part – mystérieuse bien sûr – mais réelle de l’existence humaine et lieu possible de l’élévation vers la transcendance et le contentement véritable. (15)
Dans un tel contexte, les notions telles que « bien commun », « assistance à personne en danger », « abnégation », etc. deviennent des mots étranges que l’on ne retrouve plus dans les discours courants, puisque l’individualisme a simplement pris le dessus sur l’altruisme et la gratuité. C’est peut-être là une des raisons qui explique que le christianisme vrai, qui ne dédaigne pas la Passion du Fils de Dieu et qui proclame la foi en la Résurrection des morts au-delà de leur vie précaire actuelle, tarde à féconder les cœurs de bon nombre d’Africains. En tout cas, l’on ne devrait pas trop s’étonner que dans un continent où la responsabilité en face de soi-même et d’autrui fait faillite, nos pays aillent mal…
Conclusion
Faut-il conclure ? Un mot simplement : le défi de la spiritualité, en Afrique, le seul et unique défi, c’est d’accepter que Dieu est Dieu, que l’homme a reçu de lui une vie qu’il ne peut aimer et assumer qu’en tournant les yeux vers le Haut, après avoir accepté qu’il est créature, c’est-à-dire dépendant et attiré vers une béatitude qui n’a point d’égal sur cette terre.
Ntima Nkanza, SJ
Institut saint Pierre Canisius – Kimwenza (RDC)
NOTES
- Khalil Gibran, Le jardin du prophète, Casterman, Paris 1979, pp. 19-20
- Jean De la Croix, Œuvres Complètes. La montée du Carmel, Paris 1990, pp. 760-761
- Léonard Santedi Kinkupa, Les défis de l’évangélisation dans l’Afrique contemporaine, Karthala, Paris, 2005
- Jean-Chrysostome Kapumba Akenda, Philosophie et problèmes du Christianisme africain. Pour une Philosophie chrétienne de la vie. Editions FCK, Kinshasa, 2006. Lire à ce sujet pp. 7-62
- Platon, Œuvres complètes. Tome 1. Le Cratyle, Gallimard, Paris, 1950, p. 634
- En ce qui concerne l’Afrique, je renvoie ici au livre de Eloi Messi Metogo, Dieu peut-il mourir en Afrique. Essai sur l’incroyance et l’athéisme dans l’Afrique contemporaine, Karthala, Paris 1989. Je signale aussi Fabien Eboussi Boulaga, A contretemps. L’enjeu de Dieu en Afrique, Karthala, Paris, 1990.
- « Notre mission et la culture », dans Décrets de la 34ème Congrégation Générale de la Compagnie de Jésus, Rome 1995, 103-104
- Fabien Eboussi Boulaga, A contretemps. L’enjeu de Dieu en Afrique, pp. 214-215
- Cf. Ed. Dirven, Introduction aux logiques. Kinshasa, 1980.
- Cf. Ed. Dirven, Introduction aux logiques, pp. 8-9
- Ntima Nkanza, « Le dialogue avec les religions : une tolérance de toutes les religiosités ? », dans Telema n° 2-3 (2006), pp. 25-43
- Saint Augustin prie les Psaumes. Textes choisi et traduits par A. G. Hamman, Edit. DDB (coll. Quand vous priez), Paris 1980, 202 et 232
- Je renvoie à ce propos à un article récent : Ntima Nkanza, « La quête de Dieu en Afrique : Autopsie d’une crise et grille possible de lecture », dans Telema n° 1 (2007), pp. 7-23
- Khalil Gibran, La voie de l’éternelle sagesse, Edition Dangles, St Jean de Braye 1982, pp. 90-91
- Voir à ce sujet le bel article de Emmanuel Bueya bu Makaya, « Un christianisme polythéiste ? Réflexion sur les Eglises alternatives », dans Telema n° 2-3 (2003), pp. 25-41. Voir aussi Ntima Nkanza, « Les mouvements syncrétistes en Afrique. Un défi pour une Eglise créatrice de son avenir », dans Telema n° 2-3 (2004), pp. 21-41.