21e Dimanche du Temps Ordinaire – Année C
Luc 13,22-30

Isaïe 66,18-21 (5 siècles avant J.-C.) pousse un cri d’espérance pour les rapatriés d’exil : Dieu va rassembler toutes les nations autour de Lui.
He 12, 5-7.11-13 – L’Épitre aux Hébreux s’adresse aux chrétiens de la fin du 1e siècle: si Dieu vous corrige, c’est signe de son amour pour vous !
Dans l’Évangile Luc 13,22-30, Jésus » s’adresse à ses contemporains juifs qui se considèrent comme peuple élu,” familiers de Dieu,” ayant droit aux bonnes places du banquet éternel. Il leur jette un cri d’alarme : « je ne sais pas qui vous êtes ; éloignez-vous de moi, vous tous qui commettez l’injustice. Cherchez la porte étroite».
Luc, à la fin du Ier siècle, actualise ce message pour sa communauté composée de judéo-chrétiens et de nombreux païens convertis à la nouvelle foi chrétienne ; on imagine les tensions entre les « anciens » de culture juive et les nouveaux de culture grecque. Il insiste dans tout son Évangile sur cette ouverture aux païens, mais aussi sur la vigilance : ce n’est pas parce que vous vous dites « chrétiens », participez à des repas, écoutez des enseignements, que le salut est un droit pour vous. Ce n’est pas d’abord une question de statut, mais d’accueil de l’Évangile, don de Dieu et d’accueil pour le frère.
Dans sa marche vers Jérusalem, Jésus passait par les villes et les villages en enseignant. Quelqu’un lui demanda: «Seigneur, n’y aura-t-il que peu de gens à être sauvés?»
Jésus leur dit: «Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, car, je vous le déclare, beaucoup chercheront à entrer et ne le pourront pas. Quand le maître de la maison se sera levé et aura fermé la porte, si vous, du dehors, vous vous mettez à frapper à la porte, en disant: “Seigneur, ouvre-nous”, il vous répondra: “Je ne sais pas d’où vous êtes.” Alors vous vous mettrez à dire: “Nous avons mangé et bu en ta présence, et tu as enseigné sur nos places.” Il vous répondra: “Je ne sais pas d’où vous êtes. Éloignez-vous de moi, vous tous qui faites le mal.”
«Il y aura des pleurs et des grincements de dents quand vous verrez Abraham, Isaac et Jacob et tous les prophètes dans le royaume de Dieu, et que vous serez jetés dehors. Alors on viendra de l’orient et de l’occident, du nord et du midi, prendre place au festin dans le royaume de Dieu. Oui, il y a des derniers qui seront premiers, et des premiers qui seront derniers.
La porte étroite, mais toujours grande ouverte
Pape François
L’Évangile du jour nous exhorte à méditer sur le thème du salut. L’évangéliste Luc raconte que Jésus est en voyage vers Jérusalem et le long du chemin, quelqu’un s’approche de lui et lui demande : « Seigneur, Seigneur, est-ce le petit nombre qui sera sauvé ? » ( Lc 13, 23 ). Jésus ne donne pas une réponse directe, mais déplace le débat sur un autre niveau, à travers un langage suggestif, qu’au début les disciples ne comprennent peut-être pas : « Luttez pour entrer par la porte étroite, car beaucoup, je vous le dis, chercheront à entrer et ne pourront pas » ( v. 24 ). A travers l’image de la porte, Il veut faire comprendre à ses interlocuteurs qu’il ne s’agit pas de nombre — combien seront sauvés —, il n’importe pas de savoir combien, mais il est important que tous sachent quel est le chemin qui conduit au salut.
Ce parcours prévoit que l’on franchisse une porte. Mais où est la porte? Comment est la porte? Qui est la porte? Jésus lui-même est la porte. C’est Lui qui le dit, dans l’Évangile de Jean : « Je suis la porte » ( cf. Jn 10, 9 ). Il nous conduit dans la communion avec le Père, où nous trouvons amour, compréhension et protection. Mais, peut-on se demander, pourquoi cette porte est-elle étroite? Pourquoi dit-il qu’elle est étroite? C’est une porte étroite, pas parce qu’elle est oppressive, non, mais parce qu’elle nous demande de restreindre et de contenir notre orgueil et notre peur, pour nous ouvrir à Lui avec un cœur humble et confiant, en nous reconnaissant pécheurs, ayant besoin de son pardon. C’est pour cela qu’elle est étroite: pour contenir notre orgueil qui nous fait enfler. La porte de la miséricorde de Dieu est étroite, mais elle est toujours grande ouverte pour tous! Dieu ne fait pas de préférences, mais il accueille toujours tout le monde, sans distinctions. Une porte étroite pour limiter notre orgueil et notre peur; une porte grande ouverte parce que Dieu nous accueille sans distinction. Et le salut qu’Il nous donne est un flux incessant de miséricorde qui abat toutes les barrières et ouvre des perspectives surprenantes de lumière et de paix. La porte étroite, mais toujours grande ouverte: n’oubliez pas cela.
Aujourd’hui, Jésus nous adresse, encore une fois, une invitation pressante à aller à Lui, à franchir la porte de la vie pleine, réconciliée et heureuse. Il attend chacun de nous, quel que soit le péché que nous avons commis pour nous embrasser, pour nous offrir son pardon. Lui seul peut transformer notre cœur, Lui seul peut donner un sens plénier à notre existence, en nous donnant la vraie joie. En entrant par la porte de Jésus, la porte de la foi et de l’Évangile, nous pourrons sortir des attitudes mondaines, des mauvaises habitudes, des égoïsmes et des fermetures. Quand il y a un contact avec l’amour et la miséricorde de Dieu, il y a un changement authentique. Et notre vie est illuminée par la lumière de l’Esprit Saint : une lumière inextinguible!
Je voudrais vous faire une proposition. Pensons à présent, en silence, quelques instants, aux choses que nous avons en nous et qui nous empêchent de franchir la porte : mon orgueil, mon arrogance, mes péchés. Et puis, pensons à l’autre porte, celle grande ouverte de la miséricorde de Dieu qui nous attend de l’autre côté pour nous donner le pardon.
Le Seigneur nous offre de nombreuses occasions de nous sauver et d’entrer à travers la porte du salut. Cette porte est l’occasion qui ne doit pas être gâchée: nous ne devons pas faire de discours académiques sur le salut, comme celui qui s’est adressé à Jésus, mais nous devons saisir les occasions de salut. Parce qu’à un certain moment, « le maître de maison se sera levé et aura fermé la porte » ( v. 25 ), comme nous l’a rappelé l’Évangile. Mais si Dieu est bon et nous aime, pourquoi fermera-t-il la porte à un certain moment? Parce que notre vie n’est pas un jeu vidéo ni un feuilleton télévisé; notre vie est sérieuse et l’objectif à atteindre est important: le salut éternel.
A la Vierge Marie, Porte du Ciel, demandons de nous aider à saisir les occasions que le Seigneur nous offre de franchir la porte de la foi et d’entrer ainsi sur une route large : c’est la route du salut capable d’accueillir tous ceux qui se laissent toucher par l’amour. C’est l’amour qui sauve, l’amour qui, déjà sur terre, est source de béatitude pour tous ceux qui, dans la douceur, dans la patience et dans la justice, s’oublient eux-mêmes et se donnent aux autres, en particulier aux plus faibles.
Angelus 21.8.2016
Auteurs de nos vies
Jean-Luc Fabre, sj
Jésus est en mouvement, vers Jérusalem, une question lui est adressée, par une personne au bord de la route et qui le voit avancer. Comme à son habitude, le Seigneur ne répond pas directement mais resitue l’enjeu sous-jacent pour tous et chacun… « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite ». Jésus nous rappelle ainsi que nous ne sommes pas les spectateurs mais les auteurs de nos vies, même si beaucoup s’impose à nous en notre existence. Nous avons réellement la possibilité d’initier, de créer du neuf à partir de nous, même de façon très modeste, tant que nous vivons. C’est, à vrai dire, notre plus profond contexte, à partir duquel nous devons tout considérer de ce qui nous apparaît : cette capacité logée en chacun de nous de pouvoir tenter de répondre. Saint Augustin l’a dit avec ses mots : « Celui qui nous a créé sans nous, ne nous sauvera pas sans nous ! ». Il y a en chacun de nous un germe de vie toujours vivant, espérant… Nous pouvons comprendre alors combien le fait de n’avoir été qu’observateurs, de ne poser que des questions seulement ne peut suffire. Avoir entendu des enseignements, avoir partagé des repas, accumuler des ressources ne suffit pas, Il s’agit de s’être mis en mouvement, vers là où dans notre propre vie sourd une lumière. Il ne nous est pas demandé de « franchir le seuil », de réussir mais de nous « efforcer d’entrer », de nous ouvrir…
Faire ainsi, même très modestement, nous fait entrer dans la vaste communauté des témoins, de ceux qui ont offert au Seigneur la possibilité d’une co-action entre eux et Lui. Nous rejoignons ainsi Abraham qui a quitté son pays, sa famille pour que du nouveau surgisse en lui, et en sa descendance… Et il en a été de même pour les autres Patriarches et les prophètes. Dans ce qui était leur situation, ils ont pris des initiatives, se sont efforcés d’aller vers là où la lumière les appelait… Cela est vrai d’une multitude d’autres dans toute l’étendue de l’histoire… dans le secret de leurs cœurs…
L’horizon nous attire, ce qui est plus loin, cédons à cet attrait, mettons nous aussi en chemin, le Seigneur pourra nous rejoindre, marcher avec nous, faire grandir en nous la capacité de vie… le chemin d’Emmaüs est là où il viendra marcher à nos côtés…
Sachons aussi qu’un autre jour vient, où nous serons figés, incapables de rien… ce jour-là, aura été épuisée cette durée offerte pour que nous puissions marcher avec le Seigneur, cheminer avec Lui, devenir avec Lui… ««Reste avec nous, car le soir approche, le jour est déjà sur son déclin». Viens Seigneur Jésus…
L’heure de la fermeture
Marcel Domergue, sj
La question posée à Jésus, sur le petit ou grand nombre des sauvés, reste présente à l’esprit de bien des chrétiens, sous diverses formes. Tout le monde aura-t-il part à la vie éternelle ou y aura-t-il des exclus? Il n’y a pas si longtemps, le courant janséniste faisait preuve à ce sujet d’un pessimisme déprimant. Que répond Jésus? Il renvoie d’abord ses interlocuteurs à eux-mêmes: « Vous, efforcez-vous d’entrer… » C’est que la question a été mal posée: l’homme qui l’interroge a parlé « d’être sauvé », comme si le salut nous tombait dessus en vertu d’un arbitraire divin. Le salut consiste à partager la vie même de Dieu, indestructible. Il est toujours offert, encore faut-il s’efforcer de le prendre; il dépend donc de notre liberté et, plus profondément, de notre foi en l’amour de Dieu pour nous. Après cette mise au point, Jésus tient des propos difficiles à entendre, et à comprendre. Que la porte soit étroite, passe encore, on en reparlera; mais qu’elle soit d’abord ouverte puis fermée nous interroge sur le temps et la signification de cette fermeture. Comment se fait-il que des gens qui ne se sont pas efforcés d’entrer cherchent soudain à le faire? Réponse timide, peu assurée, de ma part : la porte se referme quand nous est révélée pleinement la vérité du message du Christ, à l’heure de ce que nous appelons sa venue en gloire. Alors, la foi n’est plus nécessaire ni possible puisque l’on voit sans contestation possible. Or, c’est la foi qui sauve, foi en la Parole donnée.
La porte étroite
Voilà qui n’est guère encourageant, et qui demandera quelques corrections. En attendant, interrogeons-nous sur la porte étroite. A mon avis, cette porte signifie la Pâque, qui est le « passage » du monde au Père. « Au Seigneur les issues de la mort » (Psaume 68,21). Ces issues sont les portes de sortie et l’on ne peut s’empêcher de penser à l’Exode. Jean 10 reprend ces images: aux versets 2-4, il se présente comme celui qui fait passer les brebis par la porte; au verset 9, c’est lui-même qui devient la porte et personne n’entre ni ne sort sans passer par lui. Il s’agit donc de faire nôtre son itinéraire pascal, qui traverse la mort pour entrer dans la vie, en sachant bien que c’est par lui et en lui que nous parcourons ce chemin. Telle est la porte étroite. Que faut-il faire pour l’emprunter ? Rien ; rien de particulier car l’existence humaine se charge de nous fournir des chemins de croix. Le tout est de les parcourir dans la foi, qui nous dit que par là nous pouvons rejoindre le Christ en sa traversée vers la vie. Alors nous faisons nôtres les attitudes du Christ donnant sa vie pour ses frères : la foi pascale engendre l’amour. Le parcours du Christ tel que le décrit Philippiens 2,5-il devient notre propre parcours : « Ayez les uns pour les autres les attitudes qui furent celles du Christ Jésus. » Nous aussi, nous nous retrouvons, avec lui, « dans la gloire de Dieu le Père ».
La fonction de la prophétie
Le Jésus selon Luc, en général si bienveillant, parle cependant de « beaucoup » de candidats à l’entrée finalement rejetés. La version de Matthieu (7,13-14), beaucoup plus radicale, oppose à ce « beaucoup » le « peu » qui trouvent la porte. Finalement, Jésus répond donc à la question qui lui a été posée sur le nombre des élus et nous sommes loin des perspectives rassurantes d’Apocalypse 7. Avant de céder au découragement, notons que les « prévisions » de Jésus peuvent être considérées comme des prophéties, dont elles ont le style. Or, comme le faisait observer le Rabbin Josy Eisemberg lors d’une émission juive du dimanche matin, les prophéties « catastrophiques » sont faites pour que ce qu’elles annoncent ne se produise pas. Exemple type: Jonas parcourant Ninive en proclamant : « Encore 40 jours et Ninive sera détruite. » Alors les habitants de la ville se convertissent et le désastre n’a pas lieu (Jonas 3,3-10). Nous pouvons appliquer ce schéma à notre évangile : nous sommes en marche vers Jérusalem où Jésus sera crucifié; il sait que la croix sera le chemin de la vie. Ses paroles ont pour but d’avertir ses disciples de ne pas manquer la porte. Aucun titre, même la familiarité avec Jésus (v. 26), même une « vie spirituelle fervente », ne pourront servir droit d’entrée. Et pourtant, en s’enfuyant, les disciples manqueront bel et bien la porte. La merveille est que l’amour de Dieu pour eux n’en sera pas refroidi et qu’ils pourront repartir à la suite de Jésus.
Combien de « sauvés » ?
Marcel Domergue, sj
Deux lignes courent en parallèle dans les Écritures : tantôt on nous dit ou on nous laisse entendre que tous les hommes sont « sauvés », tantôt on nous parle d’un jugement qui séparera les « bons et les mauvais ». Selon la première ligne, nous lisons que Dieu veut que tous les hommes soient sauvés, c’est-à-dire arrachés à la mort et au néant pour vivre de la vie de Dieu. À ce dossier il faut verser la Parabole du fils prodigue, qui revient lui-même vers son père mais pour de mauvaises raisons. Par contre, la brebis perdue ne prend pas l’initiative du retour ; c’est le berger qui se met en route pour la rechercher. Elle est aussi passive que la pièce de monnaie qui donne tant de joie à la femme, ici figure de Dieu, quand elle la retrouve. Jésus priera pour ceux qui le crucifient… Selon la seconde ligne, contentons-nous de renvoyer à Matthieu 25, avec la séparation des boucs et des brebis. Pour concilier ces deux lignes, rappelons la conclusion de l’histoire du riche notable (Luc 18 et Matthieu 19). Il est plus facile à un chameau de passer par le chas d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume des cieux. Et Jésus d’ajouter que ce qui est impossible pour l’homme est possible pour Dieu qui, par conséquent, peut finalement faire entrer dans le Royaume celui qui ne le mérite pas. Mais alors, que signifie le thème du jugement ? Pour ma part, je pense que Dieu vient trier ce qui en chacun de nous est bon et mauvais. Le jugement nous libère de ce qui en nous n’est pas image de Dieu, de ce qui nous empêche d’exister en vérité. Alors, y aura-t-il peu de « sauvés » ?
Entrer dans la Vie de Dieu
La réponse de Jésus peut surprendre. D’abord, il répond par un pluriel : « Efforcez-vous d’entrer ». On aurait attendu une réponse personnelle à celui qui posait la question, par exemple « toi, efforce-toi d’entrer ». Autrement dit, ne t’occupe pas de cela, ce qui est important pour toi c’est que toi tu entres par la porte étroite… En répondant au pluriel, Jésus dit quelque chose qui concerne tout le monde. Quoi donc ? La question qui lui a été posée est au passif : être sauvé, c’est recevoir. Jésus renverse la question : « Être sauvé » devient « sauve-toi », comme si le salut ne dépendait pas de Dieu mais de celui qui cherche ou non la porte de la vie. Comprenons que le salut est donné à tout le monde. Dieu n’en exclut personne, mais nous l’acceptons ou ne l’acceptons pas. « Voici que je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un écoute ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui et nous mangerons ensemble, moi avec lui, lui avec moi » (Apocalypse 3,20). Notre passage à Dieu répond à son passage en nous, dans le Christ. À nous d’ouvrir la porte. Dieu ne peut rien faire pour nous sans l’acquiescement, souvent inconscient, de notre liberté. Mais comment trouver cette porte étroite ? En Jean 10, nous retrouvons, amplement développé, le thème de la porte. À partir du verset 7, Jésus en vient à révéler qu’il est lui-même la porte et que ceux qui « entreront par lui » (dans la vie de Dieu) seront sauvés. Mais que signifie « passer par lui » ?
En route pour Jérusalem
Au chapitre 9 de Luc, nous avons lu que Jésus s’était mis résolument en route pour Jérusalem. « Résolument », parce qu’il sait ce qui l’attend dans la ville « qui tue les prophètes ». Régulièrement, l’évangéliste nous rappelle cette destination et cela donne à tout ce qui se passe et se dit en ces pages une coloration pascale. La crucifixion, voilà la porte étroite que le Christ franchit le premier, au nom de tous. En fait, il est lui-même, crucifié, cette porte étroite. D’abord en surmontant le réflexe de refus qui nous visite en découvrant que la vérité de Dieu passe par là. Folie pour les païens, scandale pour les juifs, dira Paul. « Je ne comprends pas cela », ai-je souvent entendu dire. Il ne s’agit pas d’abord de comprendre, mais de regarder celui que nous avons transpercé. Ne pas détourner les yeux, prendre conscience. Passer par la porte, c’est déjà ce regard, jusqu’à ce que nous empruntions nous-mêmes le chemin que, par nos défaillances et nos perversités, nous lui avons imposé. Cette porte est vraiment étroite ; mais c’est la seule. C’est seulement en lui devenant semblables que nous pouvons devenir « images du Dieu invisible » et parvenir à la Vie. Il n’est pas suffisant de l’avoir entendu « enseigner sur nos places » – traduisons : d’avoir entendu tous les dimanches la lecture de l’évangile – pour être « reconnus ». Il faut encore que nous soyons avec lui quand il donne sa vie pour nous faire vivre. Ce don de nous-mêmes ne passe pas forcément par la violence subie. Accepter déjà que les autres, à commencer par nos proches, soient différents de nous, les aimer tels qu’ils sont, nous fait passer par la porte étroite. Il y faut une mort à soi-même qui nous fait entrer dans la Vie de Dieu.