Sous ce titre dû à notre rédaction, nous publions le commentaire qu’a inspiré à Marc Durand l’article de Michel Lecomte, Avons-nous trahi Jésus en le faisant Dieu ?

Publié le 28 juillet 2025 par Garrigues et Sentiers
GARRIGUES ET SENTIERS

Le texte de Michel Lecomte nous amène à reconsidérer ce que nous croyons trop facilement, une divinité de Jésus qui simplifie tout mais n’est pourtant pas si évidente… et même incroyable.

Seulement on peut regretter d’y trouver une sorte de théorie du complot. Ce ne sont pas Constantin ni Théodose qui ont imposé la divinité du Christ, ils ont plutôt demandé aux « autorités » du christianisme de faire cesser les dissensions en définissant ce qu’il fallait croire. Désir d’ordre de la part d’empereurs qui n’avaient pas besoin de cette divinité du Christ pour en faire le fondement d’une hiérarchie qui les servait bien. Mahomet n’a jamais été divinisé, l’Islam ne s’est pas privé de hiérarchie ! Sans être tranchée, cette question remonte au premier siècle, le quatrième évangile et l’Apocalypse font penser que la communauté johannique croyait déjà à cette divinité,  et cela a été traité déjà théologiquement par Justin au IIe siècle.

S’il est vrai que bien des chrétiens ont occulté l’enseignement du Christ pour se consacrer à une contemplation irréelle d’un Christ qu’il fallait adorer, il semble difficile de soutenir que cette divinité a été proclamée dans ce but ! Rappelons que tout au long des siècles des chrétiens persuadés de la divinité du Christ et de la nécessité de l’adorer, ont proclamé et mis en pratique très concrètement l’enseignement de l’homme Jésus. Il n’y a pas que le livre Le Christ rouge que nous citions récemment pour nous persuader que l’enseignement de ce Jésus, homme de Galilée, n’a jamais  été oublié. Cette façon de chercher de sombres motifs aux définitions dogmatiques me semble injuste et inefficace dans la question qui nous préoccupe.

« Ce n’est pas Jésus qui est Dieu, mais Dieu qui est en l’homme Jésus » écrit Paul Gounelle, ou encore Paul Tillich affirme que « le Christ est “la transparence du divin”, l’homme chez qui Dieu s’est pleinement manifesté ». Que Dieu soit en l’homme–Jésus et le Christ la transparence du divin n’oblige pas d’affirmer que ce dernier n’est pas Dieu, ni de l’infirmer non plus, évidemment. En fait ce débat sur « l’essence métaphysique » de Jésus me semble mal posé. Les termes d’essence, ou de substance (cf. dans le Credo la consubstantialité) ne peuvent rien éclairer actuellement. Il faut séparer ce que l’on peut appeler la « théologie abstraite » essayant d’approcher l’Être de Dieu, de la « théologie économique » qui se préoccupe de la relation de Dieu avec nous, la seule sur laquelle la Révélation nous donne des lumières. La première prétend décrire qui est Dieu, et ne peut que s’y casser les dents. La seconde ne peut trancher la question, devenue alors sans intérêt, de la divinité de Jésus « né avant tous les siècles » ou divinisé par sa résurrection. Faut-il alors adorer Jésus ? Je pense que l’adoration de Jésus est l’adoration de Dieu à travers Jésus qui est, grâce à sa résurrection, le seul chemin pour nous mener au Père. 

Notre esprit rationnel voudrait nous faire répondre par oui ou par non à la question de la divinité de Jésus. Mais la réflexion et la Révélation nous amènent à accepter des mélanges de « oui » et de « non », de « il y a » et de « il n’y a pas », voire de propos contradictoires qui contiennent chacun une part de vérité. L’important est d’approcher la connaissance de Jésus qui nous mène au Père et nous le révèle dans sa relation avec nous (1). Cette connaissance nous incite à être fidèles à l’enseignement bien concret de Jésus et à entrer en relation avec le Père dans une adoration qui se fait en Christ. 

Marc Durand

(1) On peut lire avec intérêt sur ce sujet le livre de Joseph Moingt, Esprit, Église et Monde, Gallimard, 2016, spécialement les pages 298 à 348.