Fête de la Pentecôte- Année C
Jean 14,15-16.23-26

Références bibliques :
- Livre des Actes des Apôtres. 2,1-11 : “Chacun s’exprimait selon le don de l’Esprit.””
- Psaume 103: “Tu envoies ton souffle, ils sont créés.. Tu renouvelles la face de la terre.”
- Lettre de saint Paul aux Romains. 8,8 -17 : “C’est l’Esprit-Saint lui-même qui affirme à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu.”
- Evangile de Jésus-Christ selon saint Jean 14,15-26 : “Il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit.”
L’Esprit saint est créateur,
Marcel Domergue, SJ
L’Esprit est ce qui rend la vie à Israël (Ézéchiel, samedi soir) et donc aux morts. Il fait apparaître le “sec” à la fin du déluge; il ouvre la mer Rouge; il inspire les prophètes. Il prie en nous (Romains, samedi soir). Il fait parler en langues, donc abolit les frontières et les divisions. Il construit le corps de l’Église (2e lecture dimanche). Par lui les hommes peuvent remettre les péchés (évangile du dimanche). Et j’en passe, car la liturgie ne peut produire tous les textes. Entre autres, il préside à la création, mais c’est par la Pâque du Christ qu’il est répandu sur toute chair et consomme, accomplit, l’œuvre de Dieu. On peut donc se demander : que ne fait pas l’Esprit ? Il faut répondre: il fait tout. Il est la main de Dieu, «le doigt de Dieu». On a envie de dire: il est Dieu en tant que Dieu agit et se communique, mais les théologiens vous diraient: il n’est pas seulement un aspect de Dieu, un «en tant que». Laissons la difficile question des «personnes» divines. Cherchons à voir ce qu’est l’Esprit pour nous.
Dieu se communique
De tous temps, on a cherché à comprendre ce que Dieu est en lui-même, en deçà et au-delà, pourrait-on dire, de la création. Entreprise périlleuse : nous ne connaissons Dieu que par son action en nous et pour nous. Quand Dieu se présente à Moïse, il se donne pour Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, donc engagé dans une histoire qui est alliance. Par conséquent, Dieu est relation, communication. Jésus dira : Père, amour. Tout cela, je le répète, c’est Dieu pour nous. Quand on cherche à savoir ce qu’il est en lui-même, on ne peut que dire : Dieu au-delà de tout, Dieu indicible (on verra dans le prochain commentaire ce que peut signifier Dieu Trinité). Or, Dieu qui se communique et ainsi crée le monde, c’est !’Esprit. On comprend dès lors que le fond des choses, ce qui fait être les êtres, c’est la relation, la communication. C’est aussi la vérité de l’homme. D’où le commandement unique: la charité, qui est en nous le fruit de !’Esprit. Ce qui nous est commandé, c’est de laisser l’Esprit porter son fruit en nous.
Esprit partout, Esprit en nous
On aura remarqué, dans le premier paragraphe, que l’Esprit exerce tantôt une action collective (par lui est créé l’univers, il construit le corps, il unifie l’humanité, etc.) tantôt une action individuelle (il anime le croyant, il est ce qui prie en chacun de nous, etc.). Il serait superficiel de séparer ces deux types d’action. L’homme achevé, c’est l’homme un à l’image de l’Unique. Cette unité finale est intégration des diversités, échange et circulation de ce qui fait la diversité. C’est une unité de richesse et non d’appauvrissement. L’Esprit travaille chaque “particulier”, chaque individu pour créer en lui cette ouverture, cette aptitude à la communication, à la communion. Paul insiste sur le fait que les dons sont divers mais sont les dons de l’unique Esprit. L’Esprit qui m’est donné n’est donc pas une sorte de propriété, quelque chose qui me concernerait seul: il m’est donné en vue de la construction du corps qui doit atteindre la plénitude de sa taille ; la taille du Christ qui remplit l’univers. «Au nom du Saint-Esprit» on ne peut donc pas diviser; on ne peut qu’unir.
L’Esprit du Christ
L’Esprit «procède du Père et du Fils» mais il est communiqué aux hommes comme fruit de la «glorification» du Christ (Jean7,39, récit de la Pentecôte, etc.). Est-ce à dire qu’il n’était pas déjà là ? N’a-t-il pas inspiré les prophètes et toute l’Écriture ? Bien sûr que oui. Mais cela revient à dire que le Christ était déjà là, depuis le commencement. La venue de Jésus est manifestation et, formule barbare, l’effectuation dans notre histoire, l’accomplissement, d’un mystère à l’œuvre depuis la fondation du monde. Mystère caché, dit Paul, et maintenant révélé. Esprit du Christ de toujours, Esprit filial qui nous est donné pour nous communiquer des attitudes filiales, et par conséquent fraternelles. Là où est l’amour, là est l’Esprit. Et, à tous les sens du mot, l’amour donne la vie. L’Esprit est créateur.
A la Pentecôte, nous fêtons la naissance de l’Église. À l’heure où l’institution a des raisons de douter de son avenir dans un monde en plein bouleversement, les chrétiens sont invités à s’interroger sur le sens des paroles de Jésus rapportées par l’évangéliste Jean sur l’Esprit Saint. Quelle « bonne nouvelle » entendre aujourd’hui ?
Pour un nouvel enfantement
Dieu est au centre des paroles de Jésus. La question transversale est la poursuite du dialogue entre Dieu et les hommes. La dynamique est celle du futur des hommes (les verbes sont conjugués au futur). « Aimer » Jésus c’est d’abord, avant les discours, agir selon l’intelligence de l’Esprit, celui de la Création. Celui qui, de par son action, se nourrit de l’intelligence de l’Esprit en participant à cet Esprit grâce à son action, reçoit Dieu.
Ne peut-on pas penser que, premièrement, c’est en affrontant le désir d’aimer, et deuxièmement, en prenant en compte la « réalité » telle qu’elle se découvre grâce aux nouvelles connaissances du monde et de l’homme, en essayant en particulier de vivre ce désir en l’inscrivant dans la transformation de la société pour un plus d’humanité, que l’homme apprend à connaître et à vivre de l’intelligence de l’Esprit ?
Comme Jean, le sens des paroles de Jésus est à découvrir dans leur souvenir, mais aussi à travers le tamis de notre actualité. En ce XXIe siècle, le lecteur s’interroge sur la place de l’Église aujourd’hui. En fait, la grande question n’est-elle pas l’avenir de l’homme ? Et n’est-ce pas en fonction de cette première urgence que la question du rôle de l’Église dans le monde se pose dans le sillon de Vatican II ? Les chrétiens n’ont pas un mais quatre textes rapportant les paroles de Jésus et ne disant pas la même chose. Quelle chance ! Et quelle aventure s’ouvre alors aux hommes et aux femmes de notre temps !
Dès ses premières années, l’Église a évité le risque de la dictature des esprits – comme dans le récit de la tour de Babel – pour ouvrir l’espace du dialogue et de la liberté, de l’interprétation et de l’inventivité. Moment de grâce où l’Esprit déjà soufflait sur elle. Même si, par la suite, l’institution n’a pas toujours été à la hauteur de cette grâce, ne s’agit-il pas aujourd’hui de recevoir en « héritage » cette intelligence, signe d’amour, et d’en vivre face aux nouveaux et gigantesques défis ? Par exemple, les prodigieux progrès de la médecine modifiant les processus de la naissance et de la mort l’obligent à repenser la notion même de la vie et de la mort, celle aussi du « naturel ». Quel est le nouveau marqueur de ce qui est « l’humain » ? Sans parler de l’urgence écologique qui implique de repenser d’une façon radicale le politique, l’économique et le culturel. Les dernières élections européennes le montrent. Voilà l’homme au pied du mur, devant aller puiser au fond de lui-même et de son histoire pour se réinventer (ou se « retrouver ») avec de nouvelles réponses, autre et en même temps lui-même dans l’essentiel de ce qui le fait devenir homme aujourd’hui. En lui donnant ainsi la possibilité d’être acteur de sa propre vie. L’évolution du monde n’impose-t-elle pas l’expérimentation de nouveaux schémas de vie ?
Au carrefour d’un possible réenchantement du monde ou d’une terrifiante fin de l’humanité, la vocation de l’Église n’est-elle pas d’être « l’avocat » (ou le « Défenseur ») de l’homme ? Dans ce sens, ne s’agit-il pas d’abord de se mettre à l’écoute du monde et prendre en compte les nouvelles approches du réel ? Prendre la parole et entrer dans le dialogue ou le provoquer sur l’esplanade des médias ? Appeler l’homme à réfléchir loin des certitudes et des idéologies qui l’enferment, prendre du recul face au doute, interroger son désir de la vie et dénoncer les pièges de la toute-puissance qui le conduisent à sa mort ? Sans se substituer à lui, mais en l’éveillant à lui-même. Dire Dieu en découvrant avec lui ce qu’est « être homme » au XXIe siècle. Ouvrir ainsi à cet homme des chemins nouveaux d’amour et d’espérance. Et vivre de l’Esprit pour un nouvel enfantement.
Daniel Duigou, prêtre et journaliste
https://croire.la-croix.com
“L’Esprit-Saint remplit l’univers.” (Sagesse 1, 7)
Jacques Fournier
La célébration de la descente de l’Esprit de Dieu sur ces hommes rassemblés au Cénacle de Jérusalem nous conduit au coeur même du mystère de la transcendance divine qui pénêtre notre être de l’essentiel vital de la Trinité, l’Amour.
La lettre de saint Paul aux Romains le dit d’une manière toute simple :”L’Esprit est votre vie.” Mais nous ne vivons pas cette réalité individuellement. Nous la vivons dans une communauté, une communion qui est l’Eglise de même que la vie de l’Esprit de Dieu est communion trinitaire qui réalise l’unité du Père, du Fils et de l’Esprit.
CHAIR, CORPS ET ESPRIT
Une réalité qui donc est personnelle parce qu’elle est communion. Là encore le texte d’origine est significatif. Saint Paul ne dit pas “enfant” au sens de parenté : “Enfant de Dieu”. Il n’utilise pas le terme grec “païs” “enfant”, mais le terme “tekna” qui a pour sens de “créé par”, “rejeton produit par”. C’est une adoption, parce que nous ne sommes pas Dieu lui-même, qui devient dans le même temps une filiation qui fait de nous des “fils” participant de l’intégralité de la vie de Dieu dans ce mystère inexplicable de notre divinisation.
“C’est un Esprit qui fait de vous des fils.” Et saint Paul nous établit au rang même du Christ, le Fils de Dieu fait homme. Les fils des hommes qui peuvent dire à Dieu, nous sommes plus qu’un fils adoptif, nous sommes “tekna” de Dieu.
Dans ce texte d’ailleurs il nous faut peser tous les mots. L’Apôtre parle du “corps” qui est mortel, de la chair qui signifie l’unité corps-esprit qui est la nôtre et qui peut devenir vie à condition d’être sous l’emprise de l’Esprit de Dieu.
COMMUNION ET COMMUNAUTE
Le récit des Actes nous ouvre d’autres aspects. Nous retenons surtout la liste des langues parlées par les auditeurs et comprises par eux. Il en est d’autres.
Depuis longtemps les juifs ne célébraient plus seulement les moissons, mais le don de la Loi. Comme la Pâque rappelait la sortie d’Egypte, la Pentecôte rappelait les événements du Sinaï : Dieu donnant sa Loi à son peuple pour qu’il la garde au bénéfice de toutes les nations.
Nous savons que le Christ n’a pas aboli la Loi, mais, par le don de l’Esprit-Saint, il l’a rendue complète en plénitude. Il ne l’a pas complétée. Il l’a poussée à sa perfection en faisant disparaître ce qui était imperfections dues à des circonstances ou à des situations. Il l’a rappelé pour l’exigence du sabbat, par exemple.
C’est une fête de l’Eglise parce qu’ils étaient tous dans un même lieu (Actes 2. 1). Les apôtres, les disciples, Marie, la famille de Jésus. Environ cent-vingt (Actes 1. 15) C’est en Eglise que l’Esprit-Saint est reçu. Le récit alterne entre la mention de “tous” et la mention de chacun. Le premier signe est celui d’un coup de vent qui remplit “toute la maison”. Mais les langues du même feu se posent sur chacun d’eux. Tous sont remplis de l’Esprit-Saint, mais chacun s’exprime dans la langue qui lui est inspirée (Actes 2. 4)
Tel est le mystère de l’Eglise. Tous sont habités par l’Esprit-Saint mais chacun reçoit sa grâce et sa mission. La Pentecôte en effet est ouverture à la vie. “Répands les dons du Saint-Esprit sur l’immensité du monde” (Prière d’ouverture de la messe)
Elle est, dans un premier temps, mouvement vers l’intérieur. Ce dont ils avaient été spectateurs devient pour eux, le centre et le sens de leur propre vie. Dans un deuxième temps, intimement lié au premier, ils deviennent témoins jusqu’à suivre Jésus dans sa mort, certains d’entrer ainsi dans la vie. “Héritiers de Dieu, héritiers avec le Christ, à condition de souffrir avec lui pour être avec lui dans la gloire.” (Actes 8. 17)
http://www.eglise.catholique.fr
Toujours l’Esprit relance la Mission
Romeo Ballan, MCCJ
La fête juive de Pentecôte, sept semaines et donc 50 jours après Pâques, était à l’origine la fête de la moisson du blé (Ex 23,16; 34,22). Plus tard le souvenir de la promulgation de la Loi au Sinaï vint s’ajouter à cette fête. Ainsi, oubliant sa première nature de fête agricole, la Pentecôte devint progressivement une fête historique, mémorial des grandes célébrations de l’Alliance de Dieu avec son peuple (Noé, Abraham, Moïse, Jérémie 31,31-34, Ézéchiel 36,24-27…). Au delà du changement dans le calendrier, il est important de remarquer la perspective toute nouvelle de sa relation avec la Loi et de la manière de concevoir et de vivre l’alliance. La Loi était un don qui rendait Israël particulièrement fière, mais demeurait néanmoins une étape transitoire, et donc insuffisante.
Un progrès s’imposait, sur le chemin d’intériorisation de la Loi. Chemin qui trouve son point culminant dans le don de l’Esprit Saint qui nous est remis à la place de la Loi comme principe authentique et définitif de vie nouvelle. La Pentecôte chrétienne célèbre le don de l’Esprit “qui est Seigneur et donne la vie” (Credo). C’est autour de la Loi qu’Israël s’est construit comme peuple. Dans la nouvelle famille de Dieu l’union ne vient plus d’un commandement extérieur, fût-il excellent, mais de l’intérieur, du cœur, grâce à l’amour qui nous vient de l’Esprit, “parce que l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le Saint Esprit qui nous a été donné” (Rm 5,5). Grâce à lui (II lecture) “nous sommes fils de Dieu” et nous crions: “Abbà, Père!”. Nous sommes le peuple de la nouvelle Alliance, appelé à vivre une vie nouvelle, grâce à l’Esprit qui fait de nous la famille de Dieu, avec la dignité de fils et d’héritiers en même temps (v. 14-17). Dignité qui demande en parallèle un style de vie cohérent. Paul décrit deux styles de vie différents et opposés: d’après le libre choix de chacun: la vie selon la chair et la vie selon l’Esprit (v. 8-13).
L’Esprit fait cheminer les personnes et les groupes humains et chrétiens, en les transformant de l’intérieur pour une vie nouvelle. L’Esprit ouvre les cœurs et les purifie, il les guérit et les réconcilie, ils les aide à dépasser toutes frontières pour atteindre la communion entre eux. Il est Esprit à la fois d’unité-foi-amour, dans la pluralité des charismes et des cultures. L’évènement de la Pentecôte en est le signe(I lecture), puisque l’unité et la pluralité y sont annoncées à égalité comme dons venant tous du même Esprit. Des peuples différents comprennent tous le même langage qui leur est devenu commun. L’ensemble des nations doit devenir une maison commune pour “annoncer dans nos langues les grandes œuvres de Dieu” (v. 11). St. Paul attribue clairement à l’Esprit le pouvoir de rendre l’Église une et multiple dans la pluralité des dons spirituels, œuvres et ministères (1Cor 12,4-6). L’Église s’affronte en permanence au défi de se savoir catholique et missionnaire, de faire passer la famille humaine de Babel à la Pentecôte, de ghetto à terrain ouvert, par la force de l’Esprit.
L’Esprit qui se manifeste comme vent, feu, don des langues, est aussi celui de la mission universelle. Il est plus exactement le protagoniste de la mission (RMi chap. III; EN 75s.), que Jésus confie aux Apôtres et à leurs successeurs. Dans l’accomplissement de cette mission, l’Esprit est toujours présent et à l’œuvre auprès de nous. Pas moins de cinq fois Jésus nous rassure là-dessus dans son discours après la Cène (Jn 14,16-17; 14,25-26; 15,26-27; 16,7-11; 16,12-15). C’est l’Esprit Consolateur qui demeure avec nous pour toujours (Évangile), il demeure en celui qui est capable d’aimer (v. 16.23). Il est le Maître qui nous enseigne toutes choses et nous rappelle ce que Jésus nous a dit (v. 26). A la Pentecôte les Apôtres comprirent finalement les paroles de Jésus qui les avait envoyés: allez dans le monde entier, faites de tous les peuples une seule famille…