II Dimanche de Pâques – Année C
Jean 20, 19-31

Le 2ème dimanche de Pâques est aussi appelé ” Dimanche de la divine Miséricorde”, depuis le 30 avril 2011, jour de la canonisation de soeur Faustine par Jean-Paul II.


II Dimanche de Paques

Références bibliques :

  • Lecture du Livre des Actes des Apôtres. 5. 12 à 16 : “Personne n’osait se joindre à eux… tout le peuple faisait leur éloge.”
  • Psaume 117 : “Eternel est son amour.”
  • Lecture de l’Apocalypse de saint Jean. 1. 9 à 19 : “Je suis le Vivant. J’étais mort mais me voici vivant pour les siècles des siècles.”
  • Evangile de Jésus-Christ selon saint Jean. 20. 19 à 31 :”Afin que, par votre foi, vous ayez la vie en son nom.”

Dans l’Evangile de ce jour, le verbe voir revient plusieurs fois : « Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur » (Jn 20, 20). Ils dirent ensuite à Thomas : « Nous avons vu le Seigneur » (v.25). Mais l’Evangile ne décrit pas comment ils l’ont vu, il ne décrit pas le Ressuscité, il met seulement en évidence un détail : « Il leur montra ses mains et son côté » (v. 20). L’Evangile semble vouloir nous dire que les disciples ont reconnu Jésus ainsi : par ses plaies. La même chose est arrivée à Thomas : lui aussi voulait voir « dans ses mains la marque des clous » (v. 25) et croire après avoir vu (v. 27).

Malgré son incrédulité, nous devons remercier Thomas car il ne s’est pas contenté d’entendre dire par les autres que Jésus était vivant, ni même de le voir en chair et en os ; mais il a voulu voir dedans, toucher de la main ses plaies, les signes de son amour. L’Evangile appelle Thomas « Didyme » (v. 24), ce qui veut dire jumeau, et, en cela, il est vraiment notre frère jumeau. Car il ne nous suffit pas non plus de savoir que Dieu existe : un Dieu ressuscité mais lointain ne remplit pas notre vie ; un Dieu distant ne nous attire pas, même s’il est juste et saint. Non, nous avons besoin, nous aussi, de “voir Dieu”, de toucher de la main qu’il est ressuscité, et ressuscité pour nous.

Comment pouvons-nous le voir ? Comme les disciples : à travers ses plaies. En regardant ces plaies, ils ont compris qu’il ne les aimait pas pour plaisanter et qu’il les pardonnait même s’il y en avait un parmi eux qui l’avait renié et qui l’avait abandonné. Entrer dans ses plaies, c’est contempler l’amour démesuré qui déborde de son cœur. Voilà le chemin ! C’est comprendre que son cœur bat pour moi, pour toi, pour chacun de nous. Chers frères et sœurs, nous pouvons nous estimer et nous dire chrétiens, et parler de nombreuses belles valeurs de la foi, mais, comme les disciples, nous avons besoin de voir Jésus en touchant son amour. C’est seulement ainsi que nous allons au cœur de la foi et, comme les disciples, nous trouvons une paix et une joie (cf. vv. 19-20) plus fortes que tout doute.

Thomas s’est exclamé après avoir vu les plaies du Seigneur : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » (v. 28). Je voudrais attirer l’attention sur cet adjectif que Thomas répète : mon. C’est un adjectif possessif et, si nous y réfléchissons bien, il pourrait sembler déplacé de le référer à Dieu : Comment Dieu peut-il être à moi ? Comment puis-je faire mien le Tout Puissant ? En réalité, en disant mon nous ne profanons pas Dieu, mais nous honorons sa miséricorde, parce que c’est lui qui a voulu se “faire nôtre”. Et nous lui disons, comme dans une histoire d’amour : “Tu t’es fait homme pour moi, tu es mort et ressuscité pour moi, et donc tu n’es pas seulement Dieu, tu es mon Dieu, tu es ma vie. En toi j’ai trouvé l’amour que je cherchais, et beaucoup plus, comme jamais je ne l’aurais imaginé”.

Dieu ne s’offense pas d’être “nôtre”, car l’amour demande de la familiarité, la miséricorde demande de la confiance. Déjà, au début des dix commandements, Dieu disait : « Je suis le Seigneur ton Dieu » (Ex 20, 2) et il confirmait : « Moi le Seigneur ton Dieu, je suis un Dieu jaloux » (v. 5). Voilà la proposition de Dieu, amoureux jaloux qui se présente comme ton Dieu. Et du cœur ému de Thomas jaillit la réponse : « Mon Seigneur et mon Dieu ! ». En entrant aujourd’hui, à travers les plaies, dans le mystère de Dieu, nous comprenons que la miséricorde n’est pas une de ses qualités parmi les autres, mais le battement de son cœur même. Et alors, comme Thomas, nous ne vivons plus comme des disciples hésitants, dévots mais titubants ; nous devenons, nous aussi, de vrais amoureux du Seigneur ! Nous ne devons pas avoir peur de ce mot : amoureux du Seigneur.

Comment savourer cet amour, comment toucher aujourd’hui de la main la miséricorde de Jésus ? C’est encore l’Evangile qui nous le suggère lorsqu’il souligne que, le soir même de Pâques (cf. v. 19), c’est-à-dire à peine ressuscité, Jésus, avant toute chose, donne l’Esprit pour pardonner les péchés. Pour faire l’expérience de l’amour, il faut passer par là : se laisser pardonner. Se laisser pardonner. Je me demande, ainsi qu’à chacun d’entre vous : est-ce que moi, je me laisse pardonner ? Pour faire l’expérience de cet amour, il faut passer par là. Est-ce que je me laisser pardonner, moi ? ‘‘Mais, mon Père, aller se confesser semble difficile…’’. Face à Dieu, nous sommes tentés de faire comme les disciples dans l’Evangile : nous barricader, les portes fermées. Ils le faisaient par crainte, et, nous aussi, nous avons peur, honte de nous ouvrir et de dire nos péchés. Que le Seigneur nous donne la grâce de comprendre la honte, de la voir non pas comme une porte fermée, mais comme le premier pas de la rencontre. Quand nous éprouvons de la honte, nous devons être reconnaissants : cela veut dire que nous n’acceptons pas le mal, et cela est bon. La honte est une invitation secrète de l’âme qui a besoin du Seigneur pour vaincre le mal. Le drame c’est quand on n’a plus honte de rien. N’ayons pas peur d’éprouver de la honte ! Et passons de la honte au pardon ! N’ayez pas peur d’éprouver de la honte ! N’ayez pas peur !

Il y a, en revanche, une porte fermée face au pardon du Seigneur, celle de la résignation. La résignation est toujours une porte fermée. Les disciples en ont fait l’expérience qui, à Pâques, constataient amèrement que tout était redevenu comme avant : ils étaient encore là, à Jérusalem, découragés ; le “chapitre Jésus” semblait clos, et après tant de temps passé avec lui, rien n’avait changé ; résignons-nous ! Nous aussi nous pouvons penser : “Je suis chrétien depuis si longtemps, et pourtant rien ne change en moi, je commets toujours les mêmes péchés”. Alors, découragés, nous renonçons à la miséricorde. Mais le Seigneur nous interpelle : “Ne crois-tu pas que ma miséricorde est plus grande que ta misère ? Tu récidives en péchant ? Récidive en demandant la miséricorde, et nous verrons qui l’emportera ! ” Et puis – celui qui connaît le Sacrement du pardon le sait – il n’est pas vrai que tout reste comme avant. A chaque pardon nous sommes ragaillardis, encouragés, car nous nous sentons à chaque fois plus aimés, davantage embrassés par le Père. Et quand, aimés, nous retombons, nous éprouvons davantage de souffrance qu’avant. C’est une souffrance bénéfique qui lentement nous éloigne du péché. Nous découvrons alors que la force de la vie, c’est de recevoir le pardon de Dieu et d’aller de l’avant, de pardon en pardon. Ainsi va la vie : de honte en honte, de pardon en pardon. C’est cela la vie chrétienne !

Après la honte et la résignation, il y a une autre porte fermée, blindée parfois : notre péché, le même péché. Quand je commets un gros péché, si moi, en toute honnêteté, je ne veux pas me pardonner, pourquoi Dieu devrait-il le faire ? Mais cette porte est verrouillée seulement d’un côté, le nôtre ; pour Dieu elle n’est jamais infranchissable. Comme nous l’apprend l’Evangile, il aime, justement, entrer “les portes étant fermées” – nous l’avons entendu –, quand tout passage semble barré. Là, Dieu fait des merveilles. Il ne décide jamais de se séparer de nous, c’est nous qui le laissons dehors. Mais quand nous nous confessons il se produit une chose inouïe : nous découvrons que précisément ce péché qui nous tenait à distance du Seigneur devient le lieu de la rencontre avec lui. Là, le Dieu blessé d’amour vient à la rencontre de nos blessures. Et il rend nos misérables plaies semblables à ses plaies glorieuses. Il y a une transformation : ma misérable plaie ressemble à ses plaies glorieuses. Car il est miséricorde et fait des merveilles dans nos misères. Comme Thomas, demandons aujourd’hui la grâce de reconnaître notre Dieu : de trouver dans son pardon notre joie, de trouver dans sa miséricorde notre espérance.

8/4/2018

Dans l’ensemble de la Bible, l’exigence de voir, de constater pour justifier la foi, a très mauvaise presse. C’est la faute des Hébreux au désert : “On verra bien si Dieu est capable de dresser une table au désert”, donc s’il est vraiment avec nous. Comme dit Paul, la foi vient par l’audition, qui implique la relation, et non par la vue, qui “objective”. Or, tout l’Évangile selon Jean fait dépendre la foi de la vue: on voit (Jésus, ses actes, les “signes”) et on croit qu’il vient vraiment de Dieu. La première lettre de Jean parle dès ses premières lignes de “ce que nos yeux ont vu”, de “ce que nos mains ont touché du Verbe de vie” (comparer avec les mots de notre évangile). Avec la venue du Christ, Dieu rend visible ce qui était jusque-là caché. De soi, Dieu est tout à fait hors de nos prises, sensibles ou intellectuelles, mais voici qu’il s’est donné à voir dans le Christ: “Qui m’a vu a vu le Père” (Jean 14,9). Cependant, la foi ne se donne pas tout entière d’un seul coup: elle commence, progresse, va vers un achèvement. Dans notre évangile, ce que Thomas demande à voir, ce n’est plus le Jésus d’avant, ce sont les plaies qui signalent sa victoire sur la mort. Par là, il est bien le “jumeau” des autres disciples, dont l’accès à la foi a bénéficié de la vue des cicatrices que le Fils porte maintenant pour toujours (verset 27). Ce jumeau paradoxalement en retard de huit jours va dépasser les autres dans la foi.

Au bout de la foi pascale

A vrai dire, je ne sais pas si la foi de Thomas a dépassé celle des autres, mais c’est la première fois que le Christ est appelé directement “Dieu”. Paul se contente, comme les évangiles, d’utiliser l’expression “Fils de Dieu”. Quant à l’expression “mon Seigneur et mon Dieu”, elle reconduit plusieurs textes de l’Ancien Testament qui assimilent celui qui intervient dans l’histoire à l’Un, le Tout Autre au-delà de nos prises. Ainsi Thomas voit – et peut-être touche – du sensible et confesse la présence de l’invisible. Irénée: “Ce qui était invisible du Fils était le Père, et le visible du Père était le Fils” (Contre les hérésies 4; 6,6). Désormais, le Seigneur Dieu ne fait qu’un avec “celui qui a été immolé”. Thomas ne se contente donc pas de s ‘émerveiller d’une résurrection qui aurait simplement révélé la puissance du Christ de Dieu, comme celle de Lazare par exemple. Il découvre, au-delà de toute puissance imaginable, la venue à lui d’un Dieu qui n’est comparable à rien de ce que nous appelions Dieu. Un Dieu transpercé par nos clous et nos lances. Une faiblesse divine plus forte que toutes nos violences. C’est en regardant celui que nous avons transpercé que l’évangéliste finira par découvrir et dire que “Dieu est Amour”. Si nous savions ouvrir les yeux pour “voir”, nous découvririons nous aussi, en tout homme blessé, “l‘agneau qui a été mis à mort” (Apocalypse 5,12), le seul capable d’ouvrir les sceaux (5,9) et de dominer toute puissance (17,14).

Croire sans voir

Thomas refuse de croire s’il ne voit pas, et aucune manipulation du texte ne peut infirmer cette évidence. Bien plus que d’un simple doute, il s’agit d’incroyance, et Jésus lui dira: “Ne sois plus incrédule mais croyant”. En tout cas, il ne quitte pas ses compagnons, ceux qui ont vu et qui croient. Cela peut nous aider à réfléchir sur le rôle de la communauté croyante: Thomas n’est pas “excommunié”, il reste le frère, le “jumeau”. L’absence du tombeau vide et ouvert avait suffi “au disciple que Jésus aimait” (Jean 20,8). Thomas veut davantage: pour croire que la mort a perdu son pouvoir et que Jésus est à jamais vivant, il lui faut la présence nouvelle de celui qui a été crucifié. Il accédera alors à la plénitude de la foi. Mais de qui Jésus parle-t-il quand il déclare “heureux ceux qui croient sans voir”? On peut penser qu’il s’agit de nous, qui ne connaissons plus Jésus “selon la chair” (2 Corinthiens 5,16). Nous retrouvons la grande ligne biblique du croire sans voir. L’itinéraire de Thomas nous révèle que la chose est difficile, mais que le Christ ne nous laisse pas sans secours. Pour nous qui vivons notre foi, non pas à la vue des signes “que Jésus a faits en présence de ses disciples” (v. 30), mais au contraire sous le régime de l’absence, du non-voir pour nous, donc, il y a le Livre nouveau où ces signes sont relatés “pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu’en croyant vous ayez la vie en son nom” (v. 31).
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Durant tout le temps pascal de cette année C, la première lecture est tirée du livre des Actes des Apôtres, la seconde du livre de l’Apocalypse, la troisième de l’Evangile selon saint Jean. Ce devrait être pour nous l’occasion de lire en son entier l’un ou l’autre de ces livres, durant les semaines qui suivent la célébration pascale.

Ils ne sont pas destinés à nous livrer des anecdotes ou à nous conter une histoire ancienne. Il nous parlent de l’existence chrétienne, qui est animée par la présence actuelle du Ressuscité, dans l’attente de son retour glorieux :”Ceux-ci ont été mis par écrit afin que vous croyiez que Jésus est le Messie, le Fils de Dieu et afin que, par votre foi, vous ayez la vie en son nom.” (Jean 20. 31)

PAQUES, JOUR DE FETE

L’Apocalypse commence ainsi : “C’était le Jour du Seigneur, je fus inspiré par l’Esprit.” (Apocalypse 1. 9) “Voici le Jour que fit le Seigneur, qu’il soit pour nous jour de fête et de joie.” (Psaume 117)

Pâques est jour de fête, parce que les limites de l’homme se tendent jusqu’au rythme de la vie de Dieu. C’est l’irruption de la nouveauté. « Le Christ n’est pas redescendu parmi les hommes. Il a émigré, pourrait-on dire, en une toute autre région. Cette Pâque que nous célébrons signifie bien passage et non retour. » (Saint Bernard – sermon sur la Pâque)

Fêter ce jour que fit le Seigneur, c’est répéter que l’aujourd’hui n’est pas une dérive et que l’avenir est déverrouillé pour l’éternité. Ce n’est pas survivre, c’est chanter qu’aujourd’hui est la Vie. Nous sommes conduits au-delà des réalités et Pâques nous en fait apparaître le sens ultime « Le Christ est vraiment passé à la Vie nouvelle et nous invite à cette Vie nouvelle. » (Saint Bernard)

L’EGLISE COMME JESUS.

L’une des préoccupations de Luc, l’auteur du Livre des Actes, surtout dans les premiers chapitres, est de montrer la continuité entre Jésus et l’Eglise apostolique, l’Eglise qui est présence et transmission de Sa Vie parmi les hommes.

L’Evangile parle de l’enthousiasme et des oppositions dont Jésus est entouré dès le début de son ministère public :”Il enseignait dans les synagogues, tous disaient sa gloire.” (Luc 4. 15) “Tous ceux qui avaient des malades de toutes sortes les lui amenaient.” (Luc 4. 40) Et dans les Actes il en est de même pour les Apôtres : “Tous faisaient leur éloge… on allait jusqu’à sortir les malades sur les places.” (Actes 5. 13 et 14)

Ce qui se réalise dès les premiers jours de la prédication des apôtres et dans les années qui suivent, tout cela vérifie la promesse de Jésus :”Celui qui croit en moi fera aussi les oeuvres que je fais. Il en fera même de plus grandes parce que je vais au Père. “ (Jean 14. 12) et l’oeuvre de Jésus, c’est qu’ils aient la vie en abondance”.

D’ABORD ENSEIGNER.

Dès les débuts de l’Evangile, enseignement et guérison sont étroitement associés : c’est la même Parole qui dissipe les ténèbres de l’incroyance et donne déjà quelques signes du salut plénier à venir. Au matin de la Pentecôte, les apôtres enseignent. La première guérison qu’ils opèrent est aussi l’occasion d’un enseignement devant tout le peuple. (Actes 3)

Juste après le passage que nous lisons ce dimanche, les apôtres nous sont montrés enseignant dans le Temple. En cela, ils agissent comme leur Maître. “Tenez-vous dans le Temple et, là, annoncez au peuple toutes les paroles de cette vie.” (Actes 5. 20)

LE GROUPE DES APOTRES

La première communauté n’est pas formée de gens extatiques ou fanatiques comme les auditeurs du matin de la Pentecôte croyaient les percevoir.

Les disciples du Christ, au matin comme au soir de Pâques sont des réalistes, habités comme nous de doutes et d’incertitudes. Mais dès leur foi confirmée par les faits, ils témoignent de ce qu’ils ont vu, entendu et touché.

Les disciples d’Emmaüs, dès qu’ils ont reconnu le Seigneur, retournent à Jérusalem. Ils vont trouver les “Onze et leurs compagnons”. (Luc 24. 33) et leur apportent leur témoignage. Les apôtres les confirment :”Le Seigneur s’est réveillé, Simon l’a vu.” Sans l’appui du témoignage apostolique, la vision des deux anonymes ne serait qu’une expérience personnelle, sans autre force que leur conviction. Les premiers chapitres sont ainsi tout centrés sur eux et plus particulièrement sur Simon-Pierre.

LE GROUPE DES FRERES

L’Eglise est le peuple de Dieu, le Corps du Christ. Et si elle est appelée ainsi, c’est parce qu’elle est dotée de fonctions diverses, la première étant celle des apôtres, les “Douze”. Leur place est décisive. Car il ne faut pas isoler les apôtres. Ils se trouvent au milieu de ceux que les Actes aiment appeler “les frères”. Nous les voyons intervenir dans l’élection de Mathias (Actes 1. 16) participer à l’événement de la Pentecôte (Actes 2. 22), prier après la persécution endurée par les apôtres (Actes 4. 23).

Le chapitre 2 dresse un tableau schématique de cette communauté en qui l’Esprit-Saint opère les oeuvres de Dieu. C’est un groupe typé auquel on adhère par la conversion et le baptême (Actes 2. 41). D’où la notation d’un engagement qui fait hésiter certains :”Personne d’autre n’osait se joindre à eux.” (Actes 5. 13)

Ce groupe ne vit pas dans la clandestinité, il est connu, repéré, suscite l’admiration comme ce fut pour le Seigneur Jésus :”Ils étaient frappés de son enseignement.” (Luc 4. 32)

IDENTIFIE JUSQU’A LA PERSECUTION.

Comme pour Jésus, croissance et persécution vont de pair. Le passage biblique de ce dimanche est situé entre deux arrestations des apôtres. Ainsi, dans la communauté apostolique, le Seigneur continue de vivre et, par elle, il continue de témoigner de ce qu’il a vécu au milieu d’eux :”Le serviteur n’est pas plus grand que son maître. S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront vous aussi. S’ils ont observé ma parole, ils observeront aussi la vôtre.” (Jean 15. 20)

L’Apocalypse ne dit rien d’autre :”Moi, Jean, votre frère et compagnon dans la persécution, la royauté et l’endurance avec Jésus, je me trouvais dans l’île de Patmos à cause de la parole de Dieu et du témoignage pour Jésus” (Apocalypse 1. 9).

Jean, sans doute assigné à résidence au large d’Ephèse, à Patmos, célèbre le Jour du Seigneur et c’est à ce moment qu’il est inspiré par l’Esprit-Saint et entend la voix du Vivant. Ce n’est pas une notation secondaire. Le “Jour du Seigneur”, dès le début de l’Eglise, est mémorial de la Résurrection.

LE VIVANT QUI DONNE LA VIE

Sa vision n’est ni un délire ni une auto-suggestion.

Elle est consolidée par l’affirmation d’un Vivant :”Je suis le Premier et le Dernier, je suis le Vivant. J’étais mort mais me voici vivant pour les siècles des siècles.” (Apocalypse 1. 17 et 18)

Les apôtres et les frères ont fait cette expérience, dès le jour même de la Résurrection du Seigneur quand il leur transmet son souffle, c’est-à-dire sa vie. Il a vaincu la mort. Il leur en témoigne non seulement par sa présence, mais aussi par ses mains et son côté qui ont été marqués par cette mort sur la croix. Il leur transmet le pouvoir de vaincre ce pourquoi il a offert sa vie, ce qui l’a conduit à la mort, et ce qu’il a vaincu, c’est-à-dire le péché.

Lorsqu’il était avec eux, il leur disait :”Venez et voyez.” Désormais, à eux qui l’ont suivi et à tous ceux qui le suivent, il demande une autre attitude : “Croyez”. Saint Thomas ne se souvient pas de ce qu’il avait entendu quatre jours avant la Résurrection de la bouche même du Seigneur :”Je ne prie pas seulement pour eux, mais aussi pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi.” (Jean 17. 20)

“Heureux ceux qui croient sans avoir vu… » La réponse de Thomas doit être aussi la nôtre : « Mon Seigneur et mon Dieu !” Et ce n’est pas une simple connaissance qui nous est demandée, c’est une vie qui nous est donnée :”afin que vous croyiez que Jésus est le Messie, le Fils de Dieu et afin que par votre foi vous ayez la vie en son nom.” (Jean 20. 31)

“Je suis le Vivant” dit-il dans l’Apocalypse. La liturgie nous le fait dire : “Augmente en nous ta grâce pour que nous comprenions toujours mieux quel baptême nous a purifiés, quel Esprit nous a fait renaître et quel sang nous a rachetés. (prière d’ouverture de la messe) … “Que le mystère pascal accueilli dans cette communion ne cesse jamais d’agir en nos coeurs.” (prière après la communion)

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La chronologie que nous offre l’Evangile de Jean est significative; elle concerne “ce jour, le premier de la semaine” (v. 19), le jour le plus important de l’histoire. Parce qu’en ce jour le Christ est ressuscité. Ce jour avait commencé avec Marie Madeleine qui se rend au tombeau “de grand matin, alors qu’il fait encore sombre” (Jn 20,1). Dans l’Evangile d’aujourd’hui, nous sommes au “soir de ce jour… les disciples avaient verrouillé les portes du lieu où ils étaient… car ils avaient peur des Juifs” (v. 19). Elle est ainsi complète l’entrée dans l’espace, le temps et la psychologie. Désormais ce qui a commencé est la nouvelle histoire de l’humanité, dans le signe du Christ ressuscité. Se passer de lui serait une perte de valeurs et un risque pour la survie même des hommes.

La fermeture des portes et la peur sont dépassées avec la présence de Jésus, le Vivant, qui trois fois annonce: “Paix à vous! ” (vs. 19.21.26); cela provoque une très grande joie dans le cœur des disciples “qui voient le Seigneur!” (v. 20). La paix et la joie sont parmi les caractéristiques les plus frappantes de la première communauté chrétienne (I lecture): ils prenaient leur repas avec allégresse et simplicité et trouvaient un bon accueil auprès de tout le peuple (v. 46-47). Un accueil justifié, étant donné la solidarité et le rayonnement missionnaire de ce nouveau groupe que soutenaient quatre piliers (v. 42): l’enseignement des Apôtres, la fraction du pain, les prières et la koinonía (l’union fraternelle, le partage des biens). Pierre (II lecture), pour sa part, exhorte les fidèles à “tressaillir de joie, même s’il faut que vous soyez attristés… par toutes sortes d’épreuves” (v. 6). La Pâques de Jésus donne au chrétien et au missionnaire de vaincre ses peurs; la foi, qui conduit à la rencontre avec le Christ ressuscité, aide aussi à dépasser bien des difficultés psychologiques, telles que l’angoisse, les craintes, la dépression…

Les dons que le Christ offre à la communauté des croyants sont principalement trois: l’Esprit Saint, le pardon des péchés et la mission. Le fruit le plus grand de la Pâques est certainement le don de l’Esprit Saint, que Jésus souffle sur ses disciples: “Recevez l’Esprit Saint” (v. 22). Il est l’Esprit de la création rachetée et renouvelée, que Jésus répand au moment de sa mort sur la croix (Jn 19,30), comme un prélude de la Pentecôte (Actes 2ss).

Pour Jean, le don de l’Esprit est étroitement lié au don de la paix et donc au pardon des péchés, ainsi que Jésus le dit: “Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis” (v. 23). La paix véritable a ses racines dans la purification des coeurs, dans la réconciliation avec Dieu, avec les frères et avec la création tout entière. Cette réconciliation est l’œuvre de l’Esprit, car il est “Lui-même la rémission de tous les péchés” (voir la prière sur les offrandes de la messe du samedi avant la Pentecôte; et la nouvelle formule de l’absolution sacramentelle). Pour l’évangéliste Luc, “la conversion et le pardon des péchés” sont le message que les disciples devront prêcher “à tous les peuples” (Lc 24,47). Pour cela, le sacrement de la réconciliation est un don pascal de Jésus qui a une valeur inestimable: il est le sacrement de l’allégresse chrétienne (Bernard Häring).

Il est nécessaire d’annoncer et de partager avec la famille humaine les dons du Ressuscité: pour cela Jésus, ce même soir, annonce une mission universelle, qu’Il confie à ses apôtres et à leurs successeurs: “De même que le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie” (v. 21). Ce sont là des paroles qui relient pour toujours la mission de l’Eglise avec la vie de la Trinité, parce que le Fils est le missionnaire envoyé par le Père pour sauver le monde dans l’amour. “De même que le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie” : ce sont des paroles à lire en parallèle avec ces autres paroles: “Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés” (Jn 15,9), en établissant ainsi un lien indissoluble entre mission-amour, amour-mission. Par ces paroles il est définitivement affirmé que la Mission universelle naît de la Trinité (AG 1-6) et qu’elle est un don–engagement de Jésus ressuscité.

Les trois dons du Ressuscité: l’Esprit, la réconciliation et la mission, sont vécus par nous dans la foi. Même si nous ne voyons pas le Seigneur, nous sommes bienheureux (v. 29) si nous croyons en Lui et nous L’aimons. Nous sommes ainsi reconnaissants à Thomas (v. 25), qui a voulu mettre sa main dans la plaie du Cœur de Christ, qui “cubiculum est Ecclesiae”, est la chambre intime/secrète de l’Eglise (S. Ambroise). Ce Cœur est le sanctuaire de la Miséricorde divine, titre et trésor qui est célébré en ce dimanche avec une dévotion populaire toujours croissante. La miséricorde divine est, depuis toujours, la révélation du mystère chrétien la plus globale et la plus consolatrice: “La terre est remplie de la misère humaine, mais la miséricorde de Dieu la comble bien davantage” (S. Augustin). Voilà la ‘bonne nouvelle’ permanente, que la Mission porte à l’humanité entière.