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Je vous le dis, à vous qui m’écoutez :
Aimez vos ennemis,
faites du bien à ceux qui vous haïssent.
Souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent,
priez pour ceux qui vous calomnient.
À celui qui te frappe sur une joue,
présente l’autre joue.
À celui qui te prend ton manteau,
ne refuse pas ta tunique.
Donne à quiconque te demande,
et à qui prend ton bien, ne le réclame pas.
Ce que vous voulez que les autres fassent pour vous,
faites-le aussi pour eux…

Nous en sommes, pour quelques dimanches encore, à réfléchir sur le genre de vie que nous devons mener si nous voulons demeurer dans l’esprit de l’Évangile. Quelle est la proposition du Christ à ses disciples?

Nous sommes peut-être étonnés du ton et de la netteté avec lesquels Jésus nous parle des attitudes que nous devons mettre en place dans nos vies. Ce n’est pas pour mettre une pression indue sur nous. Il s’agit d’une invitation, d’un appel qu’il nous fait. Il voudrait tellement que nous ayons les mœurs de Dieu, les attitudes divines, celles qui sont aussi les siennes.

Notre monde est souvent un lieu de luttes et d’affrontements. Nous sommes tous en quête de possession et d’autorité. Nous cherchons à nous imposer aux autres, à les dominer, à posséder au-delà de ce dont nous avons besoin. Cette tendance ne concerne pas seulement les autres, nos gouvernants municipaux, provinciaux et fédéraux. C’est une affaire éminemment personnelle que de prendre option pour la douceur, la miséricorde, le pardon, les valeurs de paix et d’amour.

Bien sûr, il y a en chacun de nous un instinct de vengeance. « Nous sommes vite sur la gâchette » Nous avons tous une réaction vive devant les affronts et la douleur. Comment résister à l’envie de riposter et de rendre à la pareille à qui nous fait du mal et du tort? Et pourtant, comment désamorcer autrement la violence, l’escalade de la violence? Une vengeance immédiate ne risque-t-elle pas de nous engager dans quelque guerre interminable?

« À cochon, cochon et demi », disons-nous. Et nous sommes dès lors convaincus que notre guerre est juste, que c’est là la meilleure façon de prendre notre place dans la vie et de nous faire respecter. Mais où est donc la vraie grandeur? N’est-elle pas dans l’humilité et le service? N’y a-t-il pas de la petitesse à vouloir absolument être meilleur que les autres, à chercher la grandeur comme si elle n’était pas déjà cachée en dedans de nous? Grandeur de l’humilité, du service, de l’amour fraternel… Il y a là quelque chose de divin, de béni et de sanctifié par Jésus lui-même qui a voulu vivre au milieu de nous comme un pauvre, un petit, le serviteur de tous. Comme une graine jetée en terre dans un champ.

Savons-nous bien que nous sommes riches et comblés en dedans de nous? Nous n’avons pas à envier les autres, à être jaloux, prétentieux, en compétition et rivalité avec tous et chacun. C’est que d’abord nous devons prendre conscience de notre monde intérieur et de sa richesse, de la vie qui palpite en nous; de cette force divine qui nous habite, qui nous est prêtée.

Nous sommes faits à l’image et à la ressemblance de Dieu. Cette ressemblance, nous l’avons hélas abimée et perdue. N’ayons donc de cesse que d’accepter d’être restaurés par le Christ en cette image. Et misons sur cette restauration spirituelle en nous pour croire davantage en notre jardin intérieur. Dieu est amour. Le premier, il nous a aimés.

Nous avons en nous tout ce qu’il faut pour avoir confiance, pour aller vers les autres avec assurance. Prenons donc l’initiative de donner, d’être en service, de respecter les autres. Comment ne pas les voir, eux aussi, comme aimés de Dieu, voulus par lui. Ils me sont confiés pour que je les aime et les aide au nom de notre Dieu et Père.

Résistons donc absolument à la tentation de la méfiance envers les autres, du jugement à leur égard, de la condamnation qui les stigmatise. Soyons plutôt proactifs en travaillant pour construire un monde meilleur, de justice et de paix pour autant qu’il dépende de nous. Nous ferons alors advenir le Royaume de Dieu. Toute cette bonté, cet amour, cette miséricorde investie par nous pour les autres débordera sur nous en retour à la fin. Dieu nous l’a promis en son Fils bien-aimé Jésus. Que son mystère pascal nous en soi la preuve et nous en rappelle la promesse infaillible!

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La subversion évangélique
Marcel Domergue

Voilà un des textes les plus dérangeants de l’Évangile. Il invite à une subversion radicale de tous nos réflexes spontanés et de toutes nos idées reçues. D’où les réactions de rejet : on a beaucoup ironisé sur « tendre l’autre joue ». N’y a-t-il pas là démission, culte de la faiblesse, voire maso­chisme ? Ne faut-il pas empêcher le méchant de nuire ? Certes, mais comment ? Est-ce en ajoutant de la violence à la violence ? De la haine à la haine ? Le message du Christ est clair : il s’agit de supprimer la haine non en supprimant celui qui hait, mais en la remplaçant par l’amour, en mettant de l’amour dans le monde. Il n’y a pas la faiblesse mais la plus grande force, car il faut plus de force pour pardonner que pour punir. Et pardonner ne suffit même pas : il s’agit de « faire du bien » à ceux qui nous outragent. Mais si nous recevons cela comme une règle morale, une consigne de comportement, nous n’arriverons jamais à l’observer. Notre but n’est pas d’observer des consignes mais de nous faire « fils du Très Haut », fils ressemblants au Père.

L’amour et la haine
La vraie victoire sur la haine n’est pas un surcroît de haine mais l’amour. La vraie victoire sur l’ennemi n’est pas de le neutraliser mais d’instaurer avec lui un lien d’amitié. La victoire sur le « mal », c’est le « bien ». Ainsi Dieu, dans le Christ, l’amour s’il ne vaut pas, s’il ne rebondit pas, même là, en ce lieu où la haine se déchaîne, où la haine parvient à tuer l’amour. Une autre face de la même vérité : l’espérance en la vie n’est pas vraie si elle ne se manifeste pas même là où règne la mort, notre propre mort. Il n’y a pas de situation où le message évangélique cesserait de valoir. Et il est « Bonne Nouvelle », nouvelle de la victoire totale, définitive, universelle, de l’amour. Cette victoire, d’un côté nous la recevons « toute faite » de la Passion du Christ, qui est le pardon donné. à toutes nos haines. Mais d’un autre côté, elle ne nous atteint pas, ne devient pas nôtre, si nous n’entrons pas dans la logique de l’amour des ennemis.

La récompense
Notre texte pose un problème : il nous parle d’attendre une « récompense ». Or il nous parle aussi d’un amour gratuit, sans espoir de retour ; et aussi d’un amour sans cause, puisque par hypothèse l’ennemi nous engage dans une relation d’inimitié. De quelle récompensc peut-il bien s’agir ? Deux réponses. D’abord traduisons ré-compense par compensation. Quand l’amour répond à la haine, il se produit un déséquilibre dans l’ordre de la justice, qui voudrait que toute peine mérite salaire et que tout dommage causé soit compensé par un dommage équiva­lent. Il y a donc, avec l’amour des ennemis, une « dette d’amour », un amour qui ne reçoit pas la réponse qu’il devrait recevoir. Jésus nous dit que Dieu lui-même vient compenser ce manque et nous arrivons ainsi à la seule réponse : la ré-compense est de sortir de l’ordre de la justice pour entrer dans l’ordre de la grâce et par là être faits « fils du Très Haut », qui est « miséricordieux ». La règle d’or : faites aux autres ce que vous voulez qu’ils fassent pour vous.

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Un message totalement déroutant, inimaginable, au-delà de toute logique humaine! Mais c’est ce que Jésus nous propose aujourd’hui –il en fait même un commandement!-(Evangile): “Aimez vos ennemis… faites du bien… Bénissez…. Priez pour ceux qui vous haïssent” (v. 27-28). Le commandement est un seul –aimer et pardonner à l’ennemi- et Jésus le martèle à l’aide de quatre verbes synonymes. Ces commandements de Jésus dans son discours d’ouverture ne trouvent pas leur origine dans des théories, mais ils sont des éléments autobiographiques qu’on constate dans la vie de Jésus: il a fait lui même l’expérience de l’amour pour l’ennemi. Voilà donc qu’il nous en donne d’abord l’exemple, en y ajoutant le commandement de l’imiter. Il suffit de repenser à Lui qui, sur la Croix, implore le Père pour ses persécuteurs: “Père, pardonne-leur…” (Lc 23,34). Jésus continue de nous tracer son autoportrait. Il avait justement commencé par le discours-programme des Béatitudes (L’Evangile de dimanche dernier), où il parlait justement de lui-même: pauvre, persécuté… Aujourd’hui il reprend le même sujet, pour nous dire jusqu’à quel point il a aimé –et nous devons aimer- nos ennemis.

Message impossible, inaudible? Oui, absolument, s’il n’y avait pas l’exemple du Christ et le témoignage de nombreux chrétiens, plus nombreux qu’on ne le pense, qui ont su répondre au mal par le bien. On est affronté ici à une nouveauté qualitative de l’Evangile, qui dépasse les enseignements des autres religions. En effet l’amour de l’ennemi et le pardon n’existent pas dans les cultures des peuples de la terre: il s’agit de vraies nouveautés missionnaires liées à l’Evangile. L’exemple de David qui accorde la vie sauve au roi Saül (I lecture) est un geste sûrement majestueux, mais il se limite à ne pas faire du mal à l’ennemi. Tandis que Jésus nous invite à faire plus: aimez… faites du bien à ceux qui vous haïssent (v. 27). La raison qui pousse David à son geste de clémence est à souligner: il respecte “celui qui est consacré par le Seigneur” (v. 9.23). Toute personne humaine est une image de Dieu, même si celle-ci est une image dégradée. Elle a donc droit au respect!

Le message de Jésus sur l’amour et le pardon à l’égard de l’ennemi nous révèle le vrai visage de Dieu: “Soyez miséricordieux, comme est miséricordieux votre Père des Cieux” (v. 36). Des paroles qui demandent à être lues en parallèle avec une autre expression que nous devons à Matthieu: “Soyez parfaits, comme votre Père…” (Mt 5,48). A une différence près quand même, et à une nouveauté importante: Matthieu s’adresse à un auditoire de judéo-chrétiens qui vivaient l’expérience d’un enracinement dans la Loi, accompagné d’un idéal de pratique ‘parfaite’. Tandis que Luc parle à des gens qui sont issus du monde païen: pour eux il choisit le terme ‘miséricorde’ pour désigner le visage de Dieu: un Père “riche en miséricorde” (Eph 2,4).

Jésus a opposé un refus total et énergique à la violence! De toute sorte! Il nous apprend à rechercher toujours des solutions pacifiques, ou en tout cas non-violentes, aux conflits de la vie. Jésus étant toujours pour la vie et pour la paix. Il ne demande pas qu’on ait de la ‘sympathie’ pour celui qui opère le mal, et il ne demande pas davantage à ‘oublier’: ces deux exigences ne dépendant pas psychologiquement de notre volonté. Son message va plus loin. Il suggère le dialogue à différents niveaux, sans exclure la possibilité de sanctions légitimes (Mt 18,15-17). Il propose surtout de nouveaux chemins, tels que le pardon et la prière: “priez pour ceux qui vous calomnient” (v. 28-30).

Par la prière l’homme entre dans le monde de Dieu, il se met sur la longueur d’onde et acquière la manière de penser et d’agir qui sont celles de Dieu: il finit par comprendre que le Père miséricordieux ne refuse personne, jamais, et accorde son pardon à tous, toujours. “Pardonner” veut dire “iper-donner”, donner de plus, en surabondance: ce qui n’est propre qu’à Dieu et à qui vit comme Lui. L’homme apprend de Dieu à pardonner et reçoit de lui la force pour le faire. L’amour et le pardon de l’ennemi seraient des valeurs impensables, si nous en restions à notre seul niveau. Il nous faut un surplus d’énergie, qui ne peut nous venir que de Dieu. Pardonner est un don qui purifie le cœur et libère de l’agressivité. C’est aussi une grâce que Dieu donne à celui qui la lui demande, et qui est possible uniquement à celui qui a fait l’expérience de l’amour gratuit de Dieu. (*) La vie de tant de personnages liés à l’histoire de la Mission en est la preuve.

– Tout d’abord le premier martyr de l’Eglise: le diacre St. Etienne, lapidé à Jérusalem, qui priait à genoux pour ses assassins sous la grêle de pierres. (Ac 7,60).

– Aux débuts de l’évangélisation du Japon le jésuite P. Paul Miki, trouvant la mort sur la croix avec 25 compagnons sur la colline de Nagasaki (1597), déclara: “Je pardonne volontiers à l’empereur ainsi qu’à tous ceux qui se sont rendus coupables de ma mort, et les supplie de bien vouloir s’instruire au sujet du Baptême chrétien”.

– S. Joséphine Bakhita, africaine née au Soudan, vendue comme esclave à cinq reprises, à la fin de sa vie (1947) elle déclarait n’avoir jamais nourri de sentiments de rancune à l’égard de tous ceux qui lui avaient fait du mal.

– La Bse. Clémentine Anuarite, jeune religieuse congolaise (24 ans), eut la force de dire au chef des ‘simba’, qui allait la tuer, (Isiro, 1964): “Je te pardonne”.

– Depuis quelques mois tout juste (septembre 2006), Soeur Leonella Sgorbati, italienne de 66 ans, Missionnaire de la Consolata, fut frappée à mort à Mogadiscio (Somalie), sur la route de l’hôpital où elle accomplissait son service. Avant de mourir elle dit trois fois: “pardon, pardon, pardon”.

– Nous avons tous le souvenir du geste de pardon que Jean Paul II adressa à son agresseur, Ali Agcà (1981).

Tous ces témoins –mais aussi beaucoup d’autres, moins connus- ont atteint le sommet des Béatitudes: la force et la joie de pardonner!

Notre Maître
Maurice Zundel

En 1914, à Neuchâtel. Le Père Bernard de Boissière nous précise qu’à cette époque, Maurice Zundel avait 17 ans et qu’il vivait deux années fondamentales de sa vie, quant à son orientation future, à l’Abbaye de Einsiedeln où il apprenait l’allemand. Cette abbaye Bénédictine Suisse abritait de nombreux moines qui au moment de la guerre, en 1915, ont renvoyé leurs élèves de langue française préférant se rattacher à l’Allemagne. Maurice Zundel y a passé deux ans et le texte que nous publions a du être rédigé lors d’un passage dans sa famille puisqu’il est écrit en français. Plus tard Maurice Zundel a fondé une oblature à Genève en souvenir de ces oblats.

Non : Criton, il est défendu de rendre le mal pour le mal et il ne faut pas tant souhaiter de vivre que de bien vivre. C’est ainsi que Socrate répondait aux instances de son ami qui cherchait à le persuader de prendre la fuite pour éviter la mort prochaine. Non, je ne saurais commettre d’injustice et fouler aux pieds les lois saintes de la patrie ; tu t’affliges de ce que je meure innocent, aimerais-tu mieux me voir coupable ? Restons-en donc là, cher Criton, et suivons le chemin par où le Dieu nous conduit. Et là-dessus, le plus sage des hommes avale intrépidement le breuvage mortel auquel il est condamné et se recouche tranquillement en discutant avec ses amis sur l’immortalité de nos Ames.

Quel esprit Messieurs, élevé au-dessus du sensua­lisme qui consume notre temps, restera froid à ce tableau sublime ? Quel jeune homme épris d’idéal, ne sera pas saisi d’un enthousiasme sincère pour le philosophe athénien ? Et cependant qu’a-t-il fait, sinon que d’être fidèle à son principe : il ne faut pas commettre d’injustices ? Comment Socrate, dira-t-on, toi qui te vantais de voir venir la mort avec indifférence, mai tenant, sans respect pour ces belles paroles, sans respect pour les lois, puisque tu veux les renverser, tu fais ce que ferait le plus vil esclave, en tâchant de te sauver contre les condi­tions du traité qui t’oblige à vivre selon les règles.

Il est vrai que tant de gens n’ont, des principes que pour ne pas les mettre en pratique, que la gloire de Socrate en a été démesurément grandie et qu’elle a souvent fait oublier une figure plus grande, plus sage, plus noble, plus sublime mille fois que lui : Jésus de Nazareth.

Le Christ, en effet, ne vécut pas pour prouver aux hommes qu’ils étaient de parfaits ignorants et il ne mourut pas pour affirmer un principe philosophique, il fit mieux. Vous le savez sans doute, Messieurs, et vous jugerez peut-être inutile d’insister sur cette affirmation et, cependant, si comme à Pierre on vous demandait : Et toi, que penses-tu de Jésus-Christ ? Sauriez-vous que répondre ? Pour Socrate, cela vous serait aisé et vous déploieriez bien vite des trésors d’éloquence pour exalter le penseur antique et son sublime désintéressement ; mais pour Jésus-Christ, quelle idée vous faites-vous de lui et en quels rapports êtes-vous avec lui ? C’est cela la question capitale dont dépendra l’orientation de votre vie.

Combien, dans toutes les classes de la société, ont sombré parce qu’ils n’avaient pas du Christ une idée arrêtée et parce qu’ils n’avaient jamais examiné le lien qui les unissait à lui ? Combien d’étudiants qui avaient reçu une formation chré­tienne dans des écoles de couvent, ont ruiné leur foi et ont ruiné leurs corps et leurs âmes dans des plaisirs honteux ? C’est que la religion était restée chez eux à l’état de surface. Ils avaient connu les dogmes, mais ils ne connaissaient pas l’esprit qui les vivifie ; ils savaient des formules, mais ils en ignoraient les principes et c’est pourquoi à l’heure de la tempête, l’édifice s’est écroulé et leurs ruines ont été grandes.

Mais comment connaître le Christ ? Vous avez ouvert Platon pour connaître Socrate, l’Evangile vous révèlera au mieux Jésus-Christ. Mat. 19, 36. Ouvrons le donc, considérons son héros sous un jour purement humain et dites-moi si un enseigne­ment présente un tel tissu de lumière et d’amour ? Socrate, le plus noble philosophe du paganisme avait dit déjà cette parole incompréhensible : il ne faut pas faire d’injustices, même à ceux qui nous en font. Mais Jésus, s’élevant mille fois plus haut qu le philosophe antique, s’écrie : » Vous avez appris qu’il a été dit : oeil pour oeil, dent pour dent, et moi je vous dis de ne point résister au mal, mais si quelqu’un vous a frappé sur la joue droite, présentez-lui encore l’autre, si quelqu’un veut plaider contre vous pour vous prendre votre robe, abandonnez-lui encore votre manteau. Vous avez appris qu’il a été dit : vous aimerez votre prochain et vous haïrez votre ennemi, mais moi je vous dis : aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent et priez pour ceux qui vous persécutent et vous calomnient. Aimez-vous les un les autres. Pardonnez jusqu’à 70 fois 7 fois « . Matth.5,44 et 18,21. Plusieurs fois, sans doute, vous avez entendu ces paroles, mais en avez-vous saisi la profondeur insondable ? Avez-vous compris combien elles témoignaient de la supériorité de ce génie dont les enseignements contredisaient à un tel degré les penchants mauvais de notre pauvre nature… Bienheureux les cœurs purs, bienheureux les pauvres, bienheureux les persécutés… Est-ce là l’enseignement que l’on donne à la jeunesse ? Est-ce ­là celui qu’on accorde aux pauvres et aux persécutés ?

Niez maintenant que la doctrine du Maître fut la plus belle, la plus noble et la plus géniale de toutes les doc­trines : mais sa vie, plus encore que son enseignement, abonde en contrastes merveilleux. Il s’affirmait roi et il naquit pauvre. Il voulait perpétuer sa doctrine et, à cet effet, quels disci­ples choisit-il ? Des savants comme lui, Messieurs, des philo­sophes au courant de tous les systèmes, des orateurs pleins d’éloquence ?

Non, des pécheurs ignorants et timides. Il était le Maître et il lavait les pieds de ses apôtres. Quand on lui amène la femme adultère, il ne peut que lui dire : » Puisqu’ils ne vous ont pas condamnée, je ne vous condamnerai pas non plus allez en paix et ne péchez plus « . Et quand Marie-Madeleine arrose ses «pieds de larmes, il lui pardonne parce qu’elle l’a beaucoup aimé. Et quand il a enduré toutes les souffrances du Calvaire et quand il a essuyé les outrages les plus ignobles, il n’a que des mots de pardon et d’amour : » Mon Père, pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font « . Je n’ai pas besoin de vous nommer son amour pour les pécheurs. C’est pour eux qu’il venait : » Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs, je suis le Bon Pasteur et le Bon Pasteur donne sa vie pour ses brebis « .

Mais le mal du péché n’était pas seul à exciter pitié. Son cœur vibrait à toutes les souffrances humaines et il parcourait la Palestine, guérissant, exhortant, consolant, appelant à lui toutes les infortunes : » Venez à moi vous tous qui êtes travaillés et chargés et je vous soulagerai, prenez mon joug sur vous et apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur, car mon joug est doux et mon fardeau est léger « .

Et lorsqu’il rencontrait une âme blessée et travaillée, il lui disait ces mots bénis : » Je vous donne ma paix, mais non pas comme le monde la donne ; demeurez dans mon amour « . Et quand il rencontrait un jeune homme en proie à la tentation, il murmurait cette parole mystérieuse : » Bienheureux les cœurs purs « .

N’avais-je pas raison, Messieurs, d’affirmer que nulle vie ne présentait un tel tissu de lumière et d’amour Et si vous vous êtes enthousiasmés pour Socrate, que penserez-­vous de Jésus-Christ ? Et si vous avez beaucoup estimé Socrate, comment estimerez-vous Jésus-Christ ? Vous l’estimerez sans doute, par-dessus tout, comme le génie le plus pur qui soit jamais apparu et quand vous irez dans le monde et que vous entendrez prôner des maîtres et des systèmes nouveaux, vous répondrez avec honneur : « Mon Maître et sa doctrine sont plus grands que tout cela « .

Mais vous n’en resterez pas là. Examinant le lien miséricorde et d’amour qui vous unit à lui, vous ferez plus que de l’admirer, vous l’aimerez par-dessus tout. D’ailleurs, comment pourriez-vous l’estimer à son prix sans, qu’aussitôt vos nobles cœurs ne soient épris de son amour ? Et cet amour planera sur votre vie, comme une étoile conductrice et mieux que toutes les considérations intéressées sur votre salut, préservera vos pas de la chute, vos cœurs de la corruption et transfigurera votre carrière, quelle qu’elle soit, comme un soleil printanier…

Et alors, le cœur rempli d’une douce paix, de cette paix que le monde ne donne pas, mais que le Christianisme accorde à tous ceux qui sont de bonne volonté, vous sentirez réaliser en vous la vérité ineffable de cette parole de Jésus : “Celui qui me suit ne marche point dans les ténèbres “.

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