2ème Dimanche du Temps Ordinaire – Année C
Jean 2,1-11


2ème dimanche du temps ordinaire - année c

Références bibliques :

  • Lecture du livre d’Isaïe : 62. 1 à 5 : “Comme la jeune mariée est la joie de son mari, ainsi tu seras la joie de ton Dieu.”
  • Psaume 95 : “ Rendez au Seigneur, famille des peuples, rendez au Seigneur la gloire de son nom.”
  • Saint Paul. 1ère lettre aux Corinthiens 12. 4 à 11 : “ Les fonctions dans l’Eglise sont variées, mais c’est toujours le même Seigneur.”
  • Evangile selon saint Jean 2. 1 à 12 : “ Les serviteurs le savaient, eux qui avaient puisé l’eau.”

Jésus, dans l’évangile selon saint Jean, produit son premier signe au cours d’un repas de noces. Comme nous l’apprenons par l’épilogue de son évangile, ces signes sont relatés « pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu’en croyant vous ayez la vie en son nom » (20,30-31). Il s’agit donc à Cana, encore une fois, de révélation du Christ, de manifestation, d’épiphanie. Un repas de noces : dans la symbolique de Jean, ce « détail » est significatif. N’oublions pas que l’Apocalypse, dernier écrit du Nouveau Testament, se termine presque par « les noces de l’agneau ». Noces du Christ avec l’humanité : la première lecture est dans le filigrane. Le Nouveau Testament y reviendra souvent. Par exemple, quand on reproche à Jésus et à ses disciples de ne pas jeûner, il répond que les compagnons de l’époux ne peuvent jeûner tant que l’époux est avec eux ; ils jeûneront quand l’époux leur sera enlevé. Justement, à Cana, on va « jeûner » puisque le vin vient à manquer. Les époux de Cana sont symboliques : l’époux n’est pas encore le véritable époux et le repas n’est qu’une figure du banquet eschatologique, des noces de l’agneau. L’heure n’est pas encore venue. C’est peut-être pour cela que le récit n’est pas centré sur les époux : ils y occupent peu de place. Au premier plan, un autre couple, Marie et Jésus.

L’horizon de la Pâque

Françoise Dolto dit que Marie accouche Jésus à sa vie publique comme elle l’a mis au monde à Bethléem. De fait c’est elle qui lui fait produire le premier signe par lequel sa gloire sera manifestée. Les mots « Faites tout ce qu’il vous dira » font penser à ceux prononcés au moment de l’Annonciation :« Qu’il me soit fait selon ta parole ». Mais restons dans saint Jean : il ne sera plus question de Marie au cours de son évangile, sauf au pied de la croix. Là, elle sera muette, mais Jésus parlera. Des paroles mystérieuses qui disent, en quelque sorte, un troisième accouchement, puisque Marie est déclarée mère du disciple et le disciple fils de Marie. Voici déjà, à travers ce disciple, le nouveau corps, corps unique, dont parle la seconde lecture, et qui est comme le fruit de l’épouse de l’Esprit. L’Écriture ne craint pas de mélanger et de superposer les images : l’épouse est bien Marie puisqu’elle est la mère mais l’épouse est aussi l’humanité qui naît de cet engendrement, cette Église pour laquelle Jésus donne sa vie, comme l’explique avec lyrisme Éphésiens 5,25-33. Aux noces figuratives de Cana répond la réalité des noces du calvaire, mais cette fois le lit nuptial est la croix, où est engendrée l’humanité nouvelle. À la fois engendrée et épousée. Cette sorte d’inceste ne doit pas nous surprendre : déjà Isaïe écrivait : « Comme un jeune homme épouse une vierge, celui qui t’a faite t’épousera » (62,5).

Le vin de la fin

À la demande de Marie, Jésus répond : « Que veux-tu de moi ? Mon heure n’est pas encore venue ». De quelle heure s’agit-il ? Évidemment de l’heure pascale. Surtout dans saint Jean, les mentions de « l’heure pour laquelle Jésus est venu dans le monde » abondent. Ne citons que 12,23, qui associe, comme à Cana, le thème de l’heure au thème de la gloire : « Elle est venue, l’heure où le Fils de l’homme doit être glorifié. » Mais comment le fait d’intervenir pour procurer du vin aux convives du repas peut-il anticiper sur l’heure pascale ? C’est que cette « multiplication » du vin renvoie aux multiplications des pains, qui renvoient elles-mêmes aux récits de la dernière Cène. Certes, nous ne lisons pas chez saint Jean « Ceci est ma chair (…), ceci est mon sang », mais son chapitre 6 répète sous diverses formes « ma chair est la vraie nourriture, mon sang est le vrai breuvage ». La mention des cuves destinées aux ablutions rituelles fait penser à la scène du lavement des pieds, qui remplace chez Jean ce que nous appelons l’institution de l’Eucharistie. Le baptême dont Jésus va être baptisé et qui fera de lui le serviteur de Dieu et des hommes est dans le prolongement. Voici donc le vin de la fin, celui qui a été « gardé jusqu’à maintenant » (l’heure !). On ne peut en imaginer de meilleur : il anticipe sur celui du « banquet céleste » (voir Matthieu 26,29).

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MIRACLE, SIGNE ET SYMBOLE

Les circonstances qui entourent les noces de Cana tout autant que le miracle sont typiques du symbolisme habituel de saint Jean. Pour lui, toute réalité humaine peut être évocatrice du Royaume, ou plus exactement de la vie éternelle. Car saint Jean n’emploie jamais le terme de Royaume, il préfère parler de “vie” ou de “vie éternelle”.

Cet événement n’est pas isolé. Saint Jean le place dans un ensemble qui le suive. Par delà Nicodème (Jean 3.3), c’est à la Samaritaine du puis de Jacob qu’est annoncée l’eau qui jaillit en source de vie éternelle (Jean 4. 14). Ce sera, dans le prolongement du miracle du pain multiplié, l’annonce du pain de vie « pour la vie du monde. » (Jean 6)

Cana n’est donc pas seulement une anecdote illustrant la délicatesse d’un Jésus doté de pouvoirs bien utiles pour des amis imprévoyants. C’est un repas de noces évocateur de ces noces éternelles entre Dieu et son Peuple, entre Dieu et l’humanité “Comme la jeune mariée est la joie de son mari, ainsi tu sera la joie de ton Dieu.” (Isaïe 62. 5)

Au travers des événements que nous vivons ou qui se déroulent autour de nous, par delà les situations devant lesquelles la vie nous place, nous avons à déchiffrer, quand cela nous est possible, les signes de Dieu. Souvent difficiles à décrypter dans l’immédiat. Mais nous avons à les replacer dans la perspective globale, à venir et définitive de la vie, de notre vie.

LE BANQUET DE NOCES.

La liturgie de ce dimanche nous donne une des clefs pour l’interprétation des noces de Cana en nous faisant lire ce passage d’Isaïe. Isaïe nous parle de l’insertion de la divinité qui assume notre humanité, pour un partage réciproque, selon les paroles de l’offertoire d’un autre repas, le repas eucharistique. Dans les dernières lignes de ce texte, Dieu se présente comme l’époux heureux de Jérusalem et, au delà de Jérusalem, de tout le pays. Il est à noter que ce Dieu n’est pas un Dieu lointain et froid, c’est un Dieu qui vit la joie de la proximité des hommes. Et cela nous devons nous le rappeler souvent.

L’Eglise, en choisissant ce texte prophétique, nous dit que, par delà le banquet de Cana, le vrai banquet auquel Jésus participe, ce sont les épousailles de Dieu et de l’humanité, la Nouvelle Alliance. A celle-ci, l’eau de la purification ne suffit plus. Les 6 cuves de pierre sont bien utiles, mais elles prennent une autre destination. Pour le banquet des temps nouveaux, il faut du vin. Certes il peut devenir cause de dépravation, mais par nature il est plutôt signe de prospérité et de joie. “Le vin réjouit le coeur de l’homme”, (Livre de l’Ecclésiastique” 32.6) C’est un vin nouveau qui fait craquer les vieilles outres et il est meilleur que ce qui a été donné de boire auparavant comme le constate le responsable du repas de Cana.

Saint Jean nous en fournit la raison :”La Loi fut donnée par l’intermédiaire de Moïse. La grâce et la vérité nous sont venues par Jésus-Christ.” (Jean 1. 17) La grâce nous est donnée à chacun de nous. A chacun de nous de découvrir la vérité réelle que nous apporte le Christ.

L’HEURE OU LE FILS EST GLORIFIE.

Si Jésus accomplit un pareil signe, c’est que l’heure approche. Cana est l’inauguration des signes qui manifestent cette proximité de “l’Heure”… “mon Heure”. Il témoigna ainsi de sa transcendance au moment même où il témoigne de la délicatesse de son amour pour les hommes qui ira jusqu’au don total de sa vie « Ceci est mon Corps livré pour vous, ceci est la coupe de mon sang versé pour vous. »

Dans l’évangile de saint Jean, tout le ministère de Jésus se situe entre deux repas : celui de Cana et celui de la Cène. Il en est beaucoup d’autres. Relevons d’abord la rencontre avec la Samaritaine, qui n’appartient pas au Peuple de la Révélation. Jésus ne mangé pas, mais l’eau du puits de Jacob devient signe de la source jaillissant en vie éternelle. La multiplication des pains prendra signification avec le discours du Pain de Vie dans la synagogue. Lorsqu’il donnera le pain et le vin de l’Alliance nouvelle, il parlera longuement avec ses apôtres car ce repas du Jeudi-Saint se prolonge par delà la mort du Seigneur, jusqu’au banquet éternel.

Au Cénacle, pour les noces de l’Alliance éternelle, la purification et la profusion de la délicatesse divine ne vient pas des cuves de pierre. La purification, c’est le geste du lavement des pieds. Et le rapport entre ce dernier signe et l’Heure de la Passion est affirmé avec insistance par saint Jean au début du chapitre 13 :” Avant la fête de la Pâque, Jésus sachant que son Heure était venue de passer de ce monde à son Père, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’à la fin. Au cours d’un repas …”

Ces deux repas s’interprètent et s’éclairent mutuellement. La nouvelle Alliance, Jésus la conclura dans sa vie donnée, dans son sang versé. Et nous reconnaissons la formule « instituante » de l’Eucharistie.

Mais, inversement, la vie donnée et le sang versé sont la source de la joie et de la gloire. C’est en termes de glorification et d’exaltation que la Passion est exprimée dans saint Jean. Il faut relire tout le “Discours après la Cène” avec ces deux “mots-clés”. Joie et gloire. “Vous serez dans la peine, mais votre peine se changera en joie.” (Jean 15. 20) “Votre joie, personne ne peut vous l’enlever.” (Jean 16. 22) “Afin que votre joie soit complète.” (Jean 16. 24) “Manifeste la gloire de ton Fils.” (Jean 17. 1) “Qu’ils aient en eux ma joie, une joie complète.” (Jean 17. 13)

S’il est ainsi considéré dans toute sa portée, le signe de Cana n’est pas un artifice trouvé par Jésus pour forcer l’admiration initiale des disciples. La gratuité et l’ampleur du geste de Jésus sont significatifs de la promesse à venir.

A nous de découvrir, dans le temps qui est le nôtre et au travers des événements, les signes de cette promesse à venir. S’ils sont vécus dans la foi, ils sont porteurs d’espérance et d’éternité,

“Les apôtres crurent en lui”. Cela ne veut pas dire qu’ils soient désormais à l’abri d’erreurs d’interprétations. Et nous, nous sommes biens aussi comme eux. Cela veut dire qu’ils peuvent voir au delà de l’immédiat. Jésus devra, jusqu’à la dernière minute de la soirée du Jeudi-Saint, corriger leurs erreurs. Mais ils se donnent pleinement à lui. “Ils savent maintenant que tout ce que tu m’as donné vient de toi.” (Jean 17. 7)

MARIE ET LA FOI.

Un point cependant paraît demeurer obscur dans le récit de Cana. C’est le rapport entre Jésus et Marie. Pour en parler, il faut nous rappeler que l’Evangile de Jean a été écrit et les événements qui y sont rapportés ont été choisis par “le disciple bien aimé”, qui a reçu Marie au pied de la Croix et qui l’a accompagnée quotidiennement par fidélité à la demande expresse que lui fit Jésus. Même les simples détails ne sont inutiles. Ils sont porteurs d’une plus grande réalité.

La réponse de Jésus à l’intervention de Marie peut être traduite et ressentie de diverses manières. Une chose est sûre : l’intercession de Marie : « Ils n’ont plus de vin. » Elle ne demande pas, n’implore pas. Elle « informe » son fils en lui laissant sa liberté, espérant en son amour pour les hommes.

Dans sa réponse, Jésus l’appelle : “femme”, comme elle le sera à la Croix quand Jésus la donnera pour mère au disciple bien-aimé représentant le peuple de la Nouvelle Alliance. En choisissant ce terme, il nous est signifié que, par delà la relation de Jésus, fils de Marie et sa mère, l’humanité, prise dans sa globalité, qui est en relation avec la divinité plénière du fils.

Il est également difficile de savoir si la remarque de Marie joue sur la décision de Jésus. Eprouve-t-il ou éclaire-t-il la foi de sa Mère ? Prend-il ses distances comme il l’avait fait à l’âge de douze ans ? N’en faisons pas des commentaires sentimentaux qui ne sont pas suggérés par l’Evangile.

Mais il est manifeste que la foi de Marie influe sur les serviteurs. Celle qui a accepté que s’accomplisse en elle la Parole de Dieu et qui, en cet accomplissement, trouve la plénitude de sa joie, est fondée de dire aux serviteurs de faire tout ce qu’il leur dira. Elle n’est pas médiatrice. Elle est notre intermédiaire. Le médiateur entre l’humanité et Dieu, c’est Jésus qui l’est par sa parole vivifiante. Marie le sait. Le Verbe, la Parole, s’est fait chair en elle et il a habité parmi nous.

Les serviteurs obéiront. Ce qui leur donnera un avantage sur le maître du repas qui ignore d’où vient ce vin. Eux, il savent. Ils ne ne sont donc plus tout-à-fait de simples serviteurs, car celui-ci ignore ce que fait son maître (Jean 15. 15). Il serait prématuré de les appeler “amis”. Mais peut-être tracent-ils déjà aux disciples le chemin qui leur permettra à leur tour de le devenir.

***

Nous n’avons pas évoqué le texte de saint Paul. Même si le dimanche de prière pou l’Unité des chrétiens se situe dans huit jours, saint Paul est d’actualité en ce dimanche où s’ouvre la “Semaine de prière pour l’Unité des chrétiens”.

Nous pouvons aujourd’hui le lire dans le contexte de Cana. Les “diaconies” de chacun concourent à une même et seule manifestation, celle de la Gloire de Dieu. Nous disons « diaconie », parce que le texte grec de l’Evangile parle des serviteurs en utilisant le terme “diaconos”, alors que, dans le discours après la Cène, saint Jean parle d’esclaves “doulos”. (Jean 13.16 – Jean 15.15)

A Cana, la mère et son fils, les serviteurs, le maître du repas, le marié, les convives, les disciples, chacun est défini par un “faire”, par une activité ou une passivité particulière. Les fonctions sont diverses. C’est le même Dieu qui agit.

Il est bon de transposer cela dans l’Eglise comme dans notre vie personnelle et notre “agir”, à la lumière des conseils de saint Paul. Quel don de la grâce, différent les uns des autres, devons-nous manifester pour porter à son accomplissement le signe donné par Jésus ? Ces dons sont différents.

A Cana chacun participe, à sa manière, à la même fête. Comment serons-nous à notre tour la joie de Dieu pour que l’unique Eglise de Jésus-Christ soit dans la fête d’une vraie communion ?

« Pénètre-nous, Seigneur, de ton esprit de charité, afin que soient unis par ton amour ceux que tu as nourris d’un même pain. » (Prière après la communion)

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A la vie ordinaire sa noblesse et sa beauté

Contre toutes prévisions, l’évangile le plus spirituel se concrétise dans un sens très concret. Ce sens culmine dans l’esprit de Jésus et de Marie. Jésus est sensible à la confusion domestique de cette famille, un jour de noce, et qui peut jeter la confusion sur toute une vie. Il est associé à cette catastrophe domestique qui, en cette circonstance, ne permet pas à ces époux de faire honneur à leurs invités.

Il ne faut pas s’évader dans un ciel imaginaire, il faut donner à la vie sa noblesse et sa beauté qui permettront que la bonté de Dieu soit attestée. C’est un indice de l’authenticité de Jésus qu’il commence la glorification de la vie dans ce qui paraît le plus profane : cela commence par cette fête nuptiale, dont l’harmonie doit régner sur toute la vie et l’intervention de Jésus fait suite à la prière de Marie.

L’amour du prochain tend à faire la vie plus belle et les autres plus heureux. Tous les miracles sont dépassés par la charité, cette attention d’amour à la vie, pour que le visage de Dieu puisse resplendir.

Le chrétien est appelé à concourir à la joie des autres et la prière des chrétiens, c’est de rendre heureux les autres. Toutes les prières, les visions, révélations ou miracles vont au-devant de cette exigence de l’amour du prochain qui tend à faire la vie plus belle et les autres plus heureux. Tous les miracles sont dépassés par la charité, cette attention d’amour à la vie, pour que le visage de Dieu puisse resplendir.

Commencer par le plus matériel pour pouvoir y penser autrement

Glorifier l’univers sensible, en délivrant l’esprit du besoin matériel et en assurant à l’homme une aisance suffisante, crée un écart de lumière qui permettra de faire du monde une offrande d’amour.

C’est, justement, dans les choses les plus matérielles qu’il faut commencer, car le manque du nécessaire se faisant sentir, détourne l’homme de Dieu. Il faut être pourvu des biens matériels, pour n’avoir plus à y penser ou, plutôt, pour pouvoir y penser autrement. Quand on a ce qu’il faut pour vivre, on peut, plus facilement, percevoir la bonté de Dieu.

Glorifier l’univers sensible, en délivrant l’esprit du besoin matériel et en assurant à l’homme une aisance suffisante, crée un écart de lumière qui permettra de faire du monde une offrande d’amour.

La liturgie exige notre présence

Si la liturgie ne conduit pas au silence, elle manque son but premier. C’est la solitude avec Dieu qui est au cœur de la communauté chrétienne, quand chacun peut rejoindre la Présence de Dieu.

Plus l’âme est plongée dans la Présence silencieuse de Dieu, plus elle est à même de partager celle de ses frères.

Jésus rassemble toute l’humanité autour de la table eucharistique, cette Cène a pour condition essentielle le rassemblement de toutes les âmes. Nous avons à établir, entre lui et nous, toute l’humanité.

Jésus n’a fait aucun disciple avant sa mort ; il a tenté de les faire entrer dans le drame de la croix, mais ils ont fui et ont dormi dans le jardin de l’agonie. Ils n’ont rien compris au message de Jésus. S’ils sont partis, lorsque tout a semblé perdu, c’est qu’ils ont vu Jésus de l’extérieur et non pas de l’intérieur, cette parole l’atteste : « Il est temps que je m’en aille, car, si je ne m’en vais pas, l’Esprit ne viendra pas en vous ». Au repas du Jeudi Saint, les disciples se disputent encore la première place à table, et Jésus va essayer de les guérir de leur erreur en leur lavant les pieds.

Être, ensemble, le rassemblement de l’humanité

A la condition que l’Eglise rassemble l’humanité, l’univers entier sera déposé dans le cœur de Dieu.

La messe n’est pas un rite magique qui nous sanctifie automatiquement. La liturgie exige notre présence. Jésus est toujours présent, c’est nous qui ne le sommes pas. Les apôtres se sont trompés sur lui. Nous risquons aussi de nous tromper sur lui et d’en faire un Seigneur à notre dimension idéale. Aussi longtemps que nous ne penserons pas aux dimensions de l’univers en devenant le corps mystique de Jésus-Christ, nous n’entendrons pas la réponse infaillible au terme de la consécration. A la condition que l’Eglise rassemble l’humanité, toutes les valeurs du monde ou ses expériences dans notre prière, l’univers entier sera déposé dans le cœur de Dieu.

Toute souffrance doit faire un nouveau départ. Nous avons à être, ensemble, le rassemblement de l’humanité. Que tous ceux qui ont été consumés de peur ou de douleur pour arriver à la mort, sans l’avoir prévue, que ce soit au Pérou, en Algérie, au Congo ou ailleurs, que ceux-là reçoivent leur béatitude à travers nous. Le temps est aboli dans le cœur du Seigneur, nous devons accomplir, dans la réalité intemporelle, la communion de tous ceux qui n’ont pas eu le temps de la faire : nous pouvons suppléer à tout ce qui a été fait ou non fait, il n’y a aucune exclusive.

Homélie de Maurice Zundel au Cénacle de Genève le dimanche 14 janvier 1962

http://www.mauricezundel.com