Natale 6

Isaïe 9,1-3.5-6; 52,7-10
Psaume 95, 96, 97
Tite 2,11-14; 3.4-7 — Hébreux 1,1-6
Luc 2,1-14; 2,15-20 — Jean 1,1-18

Toutes les premières lectures sont d’Isaïe. Elles focalisent l’attention sur le destinataire de l’intervention de Dieu: Jérusalem, le peuple. Plongé dans les ténèbres de l’exil babylonien, le peuple va voir surgir la lumière de la libération. Après l’épreuve du silence et de l’absence de Dieu, Jérusalem va prendre le statut « d’épousée », de « préférée ». Mais ce qui arrive là à Israël concerne l’univers entier : « Les nations verront ta justice, tous les rois verront ta gloire ». « D’un bout de la terre à l’autre, les nations verront le salut de notre Dieu ». Par Israël, quelque chose arrive donc au monde entier. Mais la logique de l’Écriture comme celle de la foi chrétienne nous invitent à voir, dans l’événement du retour de l’exil et de la réconciliation nuptiale de Dieu avec son peuple, une « figure ». Une figure « ouverte », en ce sens que ces événements signifient plus qu’eux-mêmes: le retour de l’exil est bien libération mais ne réalise pas tout ce qu’il.y a dans « libération »; il n’est pas libération absolue. La reprise de l’alliance nuptiale entre Dieu et Israël ne donne pas non plus tout ce qu’il y a dans « alliance » et « mariage ». C’est la venue du Christ en la chair qui remplit ces réalités de tout leur sens. L’enfant qui nous est donné au chapitre 7 d’Isaïe est un commencement, comme tout enfant qui naît; Jésus est l’accomplissement. Jésus « tout entier ». Ce Jésus que nous contemplons dans la crèche se dépasse de toutes parts. C’est par ce dépassement qu’il accomplit toute l’Écriture et toute l’histoire humaine. Dépassement en amont : « Est apparue la bonté de Dieu, notre sauveur et son amour pour les hommes » (2e lecture du matin). Est apparu ce qui était déjà là, et travaillait l’histoire au temps d’Isaïe et depuis le commencement. C’était là, mais non encore manifesté. « Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et ce que nos mains ont touché du Verbe de Vie, car la vie s’est manifestée ( … ) de cela nous rendons témoignage» (1 Jean 1,1-2).

La messe du jour

Il faut relire ici l’Évangile de la messe du jour. Mais il y a aussi dépassement en aval. D’abord, cette démonstration de la pauvreté de Dieu, de sa faiblesse, est préfiguration de la plongée du Christ au plus profond de la détresse humaine. On le sait, les textes de la naissance et de l’enfance de Jésus sont pleins d’allusions pascales. La seconde lecture de la messe du jour (Hébreux 1,1-6) nous décrit toute la courbe. « Dieu nous a parlé par un Fils » : cette façon de naître est déjà parole, annonce. Mais e dépassement va plus loin, dans la mesure même où la Pâque dépasse les événements qui la composent: toute l’histoire qui précède Jésus était bien pascale, mais celle qui suit Jésus est à la fois pascale et révélée comme telle. Tout est Pâque, tout est passage. C’est donc Jésus «tout entier», avec le corps qu’il se donne en l’humanité et qui durera jusqu’à la fin, qui accomplit toute chose.

Enfance du Christ, enfance de l’homme.

Ce qui apparaît d’abord du salut, de la grâce, de l’accomplissement est un enfant, cet enfant dans la crèche. Par là, nous apprenons que nous sommes toujours au seuil d’une croissance. Jésus est en route vers sa taille d’homme mais cette taille adulte du Jésus individuel ne lui suffit pas: elle s’avère finalement être taille de l’humanité entière parvenue à sa plénitude. Ainsi la croissance du Christ épouse la croissance de l’humanité et se confond avec elle. Nous vivons et travaillons « en vue de la construction du corps du Christ, jusqu’à ce que nous parvenions tous ensemble à l’unité dans la foi et la connaissance du Fils de Dieu, à l’état de l’homme parfait, dans la force de l’âge, qui réalise la plénitude du Christ » (Éphésiens 4,13). Cet enfant qui commence est promesse de cet accomplissement. Or nous vivons toujours, tant que tout n’est pas réalisé, sous le régime de cette enfance, en gestation et en croissance. C’est pour cela qu’il nous est demandé de « redevenir comme des enfants ».

RETOURNER À BETHLÉEM

Au milieu des félicitations et des cadeaux, entre dîners et agitation, presque caché par les lumières, les arbres et les étoiles, il est encore possible d’apercevoir au coeur des fêtes de Noël «un enfant couché dans une mangeoire». C’est ce qui arrive dans le récit de Bethléem. Nous y trouvons des lumières, des anges et des chants, mais le coeur de cette scène grandiose est occupé par un enfant couché dans une mangeoire.

L’évangéliste raconte la naissance du Messie avec une sobriété surprenante. «Le temps où Marie devait enfanter fut accompli. Et elle mit au monde son fils premier-né». Pas un mot de plus. Ce qui semble vraiment l’intéresser, c’est la façon dont l’enfant est accueilli. Alors qu’à Bethléem «il n’y a pas de place», pas même dans l’auberge, il trouve en Marie un accueil émouvant. La mère n’a pas de moyens, mais elle a un coeur: «Elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire».

Le lecteur ne peut pas continuer le récit sans exprimer sa première surprise: c’est en cet enfant que Dieu s’est incarné? Nous ne l’aurions jamais imaginé ainsi. Nous pensons à un Dieu majestueux et tout-puissant, alors qu’il se présente à nous dans la fragilité d’un enfant faible et vulnérable. Nous l’imaginons grand et distant, et il s’offre à nous dans la tendresse d’un nouveau-né. Comment pourrions-nous avoir peur de ce Dieu? Thérèse de Lisieux, déclarée docteur de l’Eglise en 1997, dit ceci: «Je ne peux craindre un Dieu qui est devenu si petit pour moi. Je l’aime!».

Le récit nous offre une clé pour aborder le mystère de ce Dieu. Luc insiste jusqu’à trois fois sur l’importance de la «crèche». C’est comme une obsession. Marie le couche dans une mangeoire. Les bergers n’ont pas d’autre signe: ils le trouveront couché dans une mangeoire. Effectivement, c’est ainsi qu’ils le trouvent dans la crèche à leur arrivée à Bethléem. Cette crèche est le premier endroit sur terre où repose ce Dieu fait enfant. Cette crèche est le signe pour le reconnaître, le lieu où il faut le trouver. Qu’est-ce qui se cache derrière cette énigme?

Luc fait allusion aux paroles du prophète Isaïe dans lesquelles Dieu se plaint: «Le boeuf connaît son maître, l’âne connaît la mangeoire de son maître. Mais Israël ne me connaît pas, ne pense pas à moi» (Isaïe 1,3). Il ne faut pas chercher Dieu dans l’admirable et le merveilleux, mais dans l’ordinaire et le quotidien. Il n’est pas nécessaire de chercher dans ce qui est grand, mais de fouiller dans ce qui est petit.

Ce sont les bergers qui nous indiquent dans quelle direction nous devons chercher le mystère de Noël: «Allons à Bethléem». Changeons notre conception de Dieu. Revoyons notre christianisme. Revenons au commencement et découvrons un Dieu proche et pauvre. Accueillons sa tendresse. Pour le chrétien, célébrer Noël, c’est «retourner à Bethléem».

Par José Antonio Pagola
Traducteur: Carlos Orduna
https://www.feadulta.com

Joseph, avec Marie son épouse, monta jusqu’à « la ville de David appelée Bethléem » (Lc 2, 4). Cette nuit, nous aussi, nous montons jusqu’à Bethléem pour y découvrir le mystère de Noël.

1. Bethléem : le nom signifie maison du pain. Dans cette ‘‘maison’’, le Seigneur donne aujourd’hui rendez-vous à l’humanité. Il sait que nous avons besoin de nourriture pour vivre. Mais il sait aussi que les aliments du monde ne rassasient pas le cœur. Dans l’Écriture, le péché originel de l’humanité est associé précisément au manger : « elle prit de son fruit, et en mangea » dit le livre de la Genèse (3, 6). Elle prit et elle mangea. L’homme est devenu avide et vorace. Avoir, amasser des choses semble pour beaucoup de personnes le sens de la vie. Une insatiable voracité traverse l’histoire humaine, jusqu’aux paradoxes d’aujourd’hui ; ainsi quelques-uns se livrent à des banquets tandis que beaucoup d’autres n’ont pas de pain pour vivre.

Bethléem, c’est le tournant pour changer le cours de l’histoire. Là, Dieu, dans la maison du pain, naît dans une mangeoire. Comme pour nous dire : me voici tout à vous, comme votre nourriture. Il ne prend pas, il offre à manger : il ne donne pas quelque chose mais lui-même. À Bethléem, nous découvrons que Dieu n’est pas quelqu’un qui prend la vie mais celui qui donne la vie. À l’homme, habitué depuis les origines à prendre et à manger, Jésus commence à dire : « Prenez, mangez : ceci est mon corps » (Mt 26, 26). Le petit corps de l’Enfant de Bethléem lance un nouveau modèle de vie : non pas dévorer ni accaparer, mais partager et donner. Dieu se fait petit pour être notre nourriture. En nous nourrissant de lui, Pain de vie, nous pouvons renaître dans l’amour et rompre la spirale de l’avidité et de la voracité. De la ‘‘maison du pain’’, Jésus ramène l’homme à la maison, pour qu’il devienne un familier de son Dieu et frère de son prochain. Devant la mangeoire, nous comprenons que ce ne sont pas les biens qui entretiennent la vie, mais l’amour ; non pas la voracité, mais la charité ; non pas l’abondance à exhiber, mais la simplicité à préserver.

Le Seigneur sait que nous avons besoin chaque jour de nous nourrir. C’est pourquoi il s’est offert à nous chaque jour de sa vie, depuis la mangeoire de Bethléem jusqu’au cénacle de Jérusalem. Et aujourd’hui encore sur l’autel, il se fait Pain rompu pour nous : il frappe à notre porte pour entrer et prendre son repas avec nous (cf. Ap 3, 20). À Noël, nous recevons sur terre Jésus, Pain du ciel : c’est une nourriture qui ne périme jamais, mais qui nous fait savourer déjà la vie éternelle.

À Bethléem, nous découvrons que la vie de Dieu court dans les veines de l’humanité. Si nous l’accueillons, l’histoire change à commencer par chacun d’entre nous. En effet, quand Jésus change le cœur, le centre de la vie n’est plus mon moi affamé et égoïste, mais lui qui naît et vit par amour. Appelés cette nuit à sortir de Bethléem, maison du pain, demandons-nous : quelle est la nourriture de ma vie, dont je ne peux me passer ? Est-ce le Seigneur ou quelque chose d’autre ? Puis, en entrant dans la grotte, flairant dans la tendre pauvreté de l’Enfant un nouveau parfum de vie, celle de la simplicité, demandons-nous : ai-je vraiment besoin de beaucoup de choses, de recettes compliquées pour vivre ? Est-ce j’arrive à me passer de tant de garnitures superflues, pour mener une vie plus simple ? À Bethléem, à côté de Jésus, nous voyons des gens qui ont marché, comme Marie, Joseph et les pasteurs. Jésus est le Pain de la route. Il n’aime pas des digestions paresseuses, longues et sédentaires, mais il demande qu’on se lève en hâte de table pour servir, comme des pains rompus pour les autres. Demandons-nous : à Noël, est-ce je partage mon pain avec celui qui n’en a pas ?

2. Après Bethléem maison du pain, réfléchissons sur Bethléem maison de David. Là, David, jeune garçon, faisait le pasteur et à ce titre il a été choisi par Dieu, pour être pasteur et guide de son peuple. À Noël, dans la ville de David, pour accueillir Jésus, il y a précisément les pasteurs. Dans cette nuit « ils furent saisis d’une grande crainte, nous dit l’Évangile » (Lc 2, 9), mais l’ange leur dit : « Ne craignez pas » (v. 10). Dans l’Évangile revient tant de fois ce ne craignez pas : c’est comme un refrain de Dieu à la recherche de l’homme. En effet, l’homme depuis les origines, encore à cause du péché, a peur de Dieu : « j’ai eu peur […], et je me suis caché » (Gn 3, 10), a dit Adam après le péché. Bethléem est le remède à la peur, parce que malgré les ‘‘non’’ de l’homme, là Dieu dit pour toujours ‘‘oui’’ : pour toujours il sera Dieu-avec-nous. Et pour que sa présence n’inspire pas la peur, il s’est fait un tendre enfant. Ne craignez pas : cela n’est pas dit à des saints, mais à des pasteurs, des gens simples qui en même temps ne se distinguent pas par la finesse ni par la dévotion. Le Fils de David naît parmi les pasteurs pour nous dire que personne n’est jamais seul ; nous avons un Pasteur qui surmonte nos peurs et nous aime tous, sans exceptions.

Les pasteurs de Bethléem nous disent aussi comment aller à la rencontre du Seigneur. Ils veillent dans la nuit : ils ne dorment pas, mais font ce que Jésus demandera à plusieurs reprises : veiller (cf. Mt 25, 13 ; Mc 13, 35 ; Lc 21, 36). Ils restent éveillés, attendent éveillés dans l’obscurité ; et Dieu « les enveloppa de sa lumière » (Lc 2, 9). Cela vaut aussi pour nous. Notre vie peut être une attente, qui également dans les nuits des problèmes s’en remet au Seigneur et le désire ; alors elle recevra sa lumière. Ou bien une prétention, où ne comptent que les forces et les moyens propres : mais dans ce cas, le cœur reste fermé à la lumière de Dieu. Le Seigneur aime être attendu et on ne peut pas l’attendre dans le divan, en dormant. En effet, les pasteurs se déplacent : « ils se hâtèrent » dit le texte (v. 16). Ils ne restent pas sur place comme celui qui sent qu’il est arrivé et n’a besoin de rien, mais ils s’en vont ; laissant le troupeau sans surveillance, ils prennent des risques pour Dieu. Et après avoir vu Jésus, sans même être des experts de discours, ils vont l’annoncer, à telle enseigne que « tous ceux qui entendirent s’étonnaient de ce que leurs racontaient les bergers » (v. 18).

Attendre éveillé, aller, risquer, raconter la beauté : ce sont des gestes d’amour. Le bon Pasteur, qui à Noël vient donner la vie aux brebis, à Pâques adressera à Pierre et, à travers lui à nous tous, la question finale : « M’aimes-tu » (Jn 21, 15). C’est de la réponse que dépendra l’avenir du troupeau. Cette nuit, nous sommes appelés à répondre, à lui dire nous aussi : ‘‘Je t’aime’’. La réponse de chacun est essentielle pour le troupeau tout entier.

« Allons jusqu’à Bethléem » (Lc 2, 15) : c’est ce qu’ont dit et fait les pasteurs. Nous aussi, Seigneur, nous voulons venir à Bethléem. Aujourd’hui également la route est ascendante : on doit dépasser le sommet de l’égoïsme, il ne faut pas glisser dans les ravins de la mondanité et du consumérisme. Je veux arriver à Bethléem, Seigneur, parce que c’est là que tu m’attends. Et me rendre compte que toi, déposé dans une mangeoire, tu es le pain de ma vie. J’ai besoin du parfum tendre de ton amour pour être, à mon tour, pain rompu pour le monde. Prends-moi sur tes épaules, bon Pasteur : aimé par toi, je pourrai moi aussi aimer et prendre mes frères par la main. Alors, ce sera Noël quand je pourrai te dire : ‘‘Seigneur, tu sais tout, tu sais que je t’aime’’ (cf. Jn 21, 17).

Pape François
Noel 2018

Réflexions – Notes

Un sujet si familier à nous tous comme Noël, peut se regarder à partir de différents points de vue ou plusieurs expériences. Sachant quand même que l’on n’épuisera jamais le mystère. Au contraire, il faut dire qu’il offre à tout homme, à toute époque de la vie ou de l’histoire, des richesses autrement impensables, des trésors toujours nouveaux à découvrir. Dans notre contexte habituel de commentaires à la fois bibliques et missionnaires, je préfère pour une fois m’ouvrir à des réflexions plus libres, venant de contextes culturels et géographiques différents de ceux qui nous sont habituels. Elles nous aideront dans une contemplation missionnaire du mystère du Christ, et nous ouvriront peut-être à des réflexions qu’on pourrait partager avec d’autres, proches ou non, sur la joie de la naissance du Fils de Dieu qui a pris visage d’homme. Cette ouverture d’horizons nous permettra de lire Noël en clé missionnaire, ce qui nous la rendra aussi plus proche de l’évènement historique de Bethléem.

Dieu sous un visage d’homme: pour tous

Noël est incarnation, ce qui veut dire Dieu en chair d’homme. “Caro salutis est cardo” (le salut ne peut passer que par notre réalité humaine de chair et d’os), selon l’expression qui nous vient des Pères de l’Église. Nous sommes donc affrontés à un fait historique: le salut se réalise dans la réalité corporelle du Christ, donc dans sa naissance, dans sa passion, sa mort, sa résurrection, son ascension, et son Eucharistie… C’est la chair de Dieu, celle de Marie. Il ne s’agit pas d’une apparence, comme le croyaient les premiers hérétiques, les docétiens, mais réalité physique, matérielle, composante essentielle de la personne humaine. Le salut de Dieu nous arrive donc à un moment précis de l’histoire, dans l’existence humaine, physique du Christ Rédempteur. Sans oublier que, en même temps, ce salut passe également par notre propre réalité humaine: notre chair humaine qui nécessite une rédemption. Il ne faut pas avoir peur ici du langage nécessairement réaliste et cru, qui parle de notre réalité de chair dans tous ses passages: la chair forte de la jeunesse ou de l’âge adulte (travail, pleine activité, voyages…); la chair comme principe de beauté (la recherche de la beauté physique, la mode, le luxe, la vanité…); mais aussi la chair fragile (faible, malade, souffrante, mourante…); il y a encore la chair destinée à la résurrection, selon l’expression du Credo. Sans aucune distinction de couleurs: le salut de Dieu est le même pour tous. La liturgie chante en ce temps: “toute chair (donc tout être humain) verra le salut de Dieu“. Voici donc la bonne nouvelle, la grande joie qu’annonçaient les anges de Bethléem pour tout le peuple et pour tous les peuples (Lc 2,10).

De Bethléem au Calvaire

Aux temps de Hitler, Edith Stein composa l’œuvre Le mystère de Noël, où elle écrit: “Les mystères du christianisme ne forment qu’un tout indivisible. Creuser le sens de l’un de ces mystères veut dire forcément s’élargir sur tous les autres. Ainsi le chemin qui part de Bethléem trouve nécessairement son but au Calvaire, de la crèche à la croix”. Les paroles de Siméon au temple en sont déjà une preuve, ainsi que la fuite en Égypte, la mort des petits innocents… Sr. Thérèse Benoît de la Croix (Edith Stein) finit par consommer son holocauste à Auschwitz. C’était l’année 1942. Et les évènements ne font que se reproduire, aujourd’hui comme hier. Le martyre des chrétiens, et d’autres innocents, continue encore aujourd’hui: en Irak, en Indonésie, au Nigeria, Soudan, Congo, Chine, et ailleurs dans le monde. Mais on sait déjà que l’enfant de la crèche est aussi le ressuscité. Pour terminer, Edith Stein ajoute encore: “Chacun de nous, et l’humanité tout entière!, arrivera à la gloire en passant d’abord par la souffrance et la mort avec le Fils de l’homme”. Ainsi se termine Le Mystère de Noël, oeuvre d’une martyre de nos temps modernes.

Message de Bethléem

“J’aimerais bien rejoindre toute l’humanité à partir de ce lieu-ci, j’aimerais destiner à tous les hommes le message qui surgit de cette pauvre grotte: le mystère de Dieu qui s’adresse à nous dans l’amour est présent dans les plus petites réalités de notre quotidien, même dans les choses qui nous paraissent plus cachées, ou insignifiantes, ou celles mêmes qui nous font souffrir. Je trouve en moi-même un regard nouveau quand je reviens de la célébration de Noël auprès de la grotte. La réalité de Bethléem actuelle, qui nous paraît si désolée et abandonnée par la présence de pèlerins en si petit nombre, nous fait espérer que tout cela ouvrira sur un jour nouveau de joie, de bien être, et de paix”.

(Card. Carlo M. Martini, ancien archevêque de Milan: lettre de Bethléem, 2004)

Les yeux du peintre

Giotto, peintre florentin, créateur de la peinture moderne, a représenté la naissance de Jésus à Bethléem dans une fresque qui se trouve dans la “Chapelle des Scrovegni” à Padoue. L’œuvre met en évidence particulière le moment du premier regard: Marie et l’enfant se regardent dans les yeux. Pour la première fois. Surprise, reconnaissance, étonnement, joie…! Marie découvre son propre visage reproduit sur le visage de l’enfant, Jésus n’appartient qu’à elle. L’enfant se voit sur le visage de sa mère et rend grâce à Dieu son Père. Dans ces yeux qui se contemplent mutuellement nous découvrons un nouveau regard, qui est celui de Dieu sur l’homme, et en même temps celui de l’homme sur Dieu, et sur ses frères. Regard de miséricorde, d’accueil, de confiance. A partir de ce moment les relations avec Dieu, et celles des êtres humains entre eux et avec la création tout entière, subissent l’influence bénéfique de cet échange de regards entre Marie et Jésus. C’est le nouveau style de relations, qui se fonde sur le respect, sur la miséricorde, sur la fraternité…