La voie de l’attente
Henri J.M. Nouwen
Dieu qui nous attend

Toutefois, toute attente n’est pas active comme celle de Zacharie et d’Élizabeth, de Marie, de Siméon et d’Anne, eux qui attendaient Dieu. Dans la passion et la résurrection de Jésus, nous reconnaissons Dieu qui attend. Ce deuxième aspect de l’attente influence profondément notre vie spirituelle. La fin de la vie de Jésus nous présente cette autre forme d’attente : Dieu y est révélé comme un Dieu qui attend. Commençons d’abord par une courte anecdote.

J’avais été invité à rendre visite à un ami très malade. Cet homme de cinquante-trois ans avait été, pendant toute sa vie, actif, utile, fidèle et créatif. De fait, très engagé socialement, il était profondément préoccupé par le bien-être des gens, en particulier des pauvres. À l’âge de cinquante ans, il apprend qu’il est atteint d’un cancer. Pendant les trois années qui suivirent, il est devenu de plus en plus handicapé par la maladie.

Quand je suis allé le rencontrer, il m’a dit : « Henri, me voici couché dans mon lit, et je ne sais même pas quoi penser du fait que je sois malade. Quand je réfléchis à ma vie, à mon identité, c’est toujours au plan de l’action, des choses que je peux faire pour les autres. Ma vie a de la valeur parce que j’ai été en mesure de faire beaucoup de choses pour beaucoup de gens. Et puis soudain, me voici, passif, sans pouvoir quoi que ce soit… S’il te plaît, aide-moi à voir cette situation autrement. S’il te plaît, aide-moi à réfléchir à mon incapacité de faire quoi que ce soit d’une façon qui ne me conduise pas au désespoir. Aide-moi à comprendre ce que signifie le fait que toutes sortes de gens me font des choses sur lesquelles je n’ai pas le moindre contrôle. »

En discutant avec lui, j’ai pris conscience qu’il se demandait sans cesse : « Qu’est-ce que je peux encore faire ? » D’une manière ou d’une autre, mon ami avait appris à se considérer comme un homme dont la valeur dépendait uniquement de ce qu’il faisait. Malade, il conservait l’espoir que son état de santé s’améliorerait, ce qui lui aurait permis de reprendre ses activités. J’ai aussi pris conscience que cette façon de penser était sans issue : il était atteint d’un cancer et son état ne ferait qu’empirer. Bientôt il mourrait. Si l’esprit de mon ami dépendait autant de ce qu’il pourrait encore faire, qu’avais-je donc à lui dire ?

Dans le contexte de ces réflexions, nous avons lu ensemble un livre intitulé The Stature of Waiting de l’auteur britannique V. H. Vanstone. Dans cet ouvrage, Vanstone se penche sur l’agonie de Jésus au jardin de Gethsémani et sur le chemin qui l’a conduit à la croix. Je m’inspirerai de ce livre saisissant pour poursuivre ma réflexion sur l’attente. Il nous a aidés, mon ami et moi, à mieux comprendre ce que signifie passer de l’action à la passion.