P. Manuel João, Combonien
Réflexion dominicale
du ventre de ma baleine, la SLA
Notre croix est la chaire de la Parole

32e Dimanche du Temps Ordinaire (B)
Marc 12,38-44 : La pauvre veuve a donné tout ce qu’elle avait
Une veuve en chaire

L’Évangile de ce dimanche se situe dans le même contexte que celui de dimanche dernier. Nous sommes à Jérusalem, dans le Temple, où Jésus enseigne à “une foule nombreuse qui l’écoutait avec plaisir” (Mc 12,37), suscitant la colère des autorités religieuses, qui avaient déjà décidé de le tuer. Nous sommes toujours au troisième jour de son arrivée à Jérusalem, l’un des jours les plus longs, intenses et décisifs de son ministère, selon l’Évangile de Marc. C’est la dernière fois que Jésus visite le Temple et s’adresse à la foule ; trois jours plus tard, il sera tué.

Le contexte de cet enseignement est donc très particulier et donne un poids exceptionnel aux paroles de Jésus. Ce qu’il dit et fait à ce moment a la saveur d’un testament spirituel.

Le passage se divise en deux parties. Dans la première, Jésus s’adresse à la foule en la mettant en garde contre le comportement des scribes (versets 38-40). Dans la seconde, il s’adresse aux disciples pour attirer leur attention sur une pauvre veuve qui donne au trésor du Temple tout ce qu’elle possède (versets 41-44).

Prenez garde à…”

“Prenez garde aux scribes !” Les scribes étaient les experts de la Torah, les maîtres de la Loi, les théologiens et les juristes de l’époque. Mais que leur reproche Jésus ? “Ils aiment se promener en longues robes, recevoir des salutations sur les places publiques, occuper les premiers sièges dans les synagogues et les places d’honneur dans les banquets.” C’est une critique très forte adressée à une catégorie de personnes généralement respectées.

Jésus dénonce le type de personnes qui vivent uniquement d’apparences : extérieurement elles semblent parfaites, mais intérieurement elles sont fausses. Si cette attitude est condamnable dans la société, elle l’est encore plus dans l’Église. Au lieu de servir Dieu, ils se servent de Dieu : “ils prient longuement pour être vus”; et au lieu de servir le prochain, ils l’exploitent : “ils dévorer les maisons des veuves”. C’est exactement le contraire de ce que Jésus nous a enseigné dimanche dernier : aimer Dieu et aimer son prochain.

Cependant, ne pensons pas aux scribes d’autrefois, mais à ceux d’aujourd’hui. Ne regardons pas les scribes extérieurs, mais ceux en nous. Car ce que les scribes aimaient, nous l’aimons aussi : paraître, donner une belle image de nous-mêmes, occuper les premières places, être respectés et honorés, être d’une certaine manière sous les projecteurs. De ces scribes, maîtres ou modèles, il y en a en abondance, tant dans la société, diffusés par les médias, que dans l’Église. Le chemin des apparences est glissant et peut facilement mener de la fiction à la fausseté et de la fausseté à la corruption. “Pécheurs, oui, mais jamais corrompus”, dirait le Pape François.

Regardez…”

Dans la deuxième partie du texte, le décor change. “[Jésus], assis en face du trésor, observait comment la foule y mettait de l’argent. Beaucoup de riches mettaient de grandes sommes.” Dans le Temple, il y avait treize boîtes destinées à recueillir les offrandes, chacune ayant un but précis, sauf la dernière, la treizième. Devant chaque boîte, un serviteur contrôlait et annonçait à haute voix le montant donné. À l’approche de la Pâque, le nombre de pèlerins augmentait, et un flot de pièces d’or et d’argent, tintant, s’écoulait dans les caisses du Temple, la plus grande banque du Moyen-Orient !

“Mais une pauvre veuve s’approcha et y mit deux petites pièces, soit un sou.” La veuve faisait partie des catégories de personnes vulnérables à protéger, selon les Écritures Saintes : l’orphelin, la veuve et l’étranger. Cette femme, veuve et pauvre, met dans la treizième boîte tout ce qu’elle possède : deux centimes. C’est presque rien, mais c’est tout pour elle. C’était peu, mais cela représentait tout ce qu’elle avait pour vivre.

“Alors, appelant ses disciples, il leur dit : ‘En vérité, je vous le dis : cette veuve, si pauvre, a mis dans le trésor plus que tous les autres.’” Le Maître “appelle” ses disciples pour la dernière fois et place cette veuve en chaire pour son dernier enseignement : – Regardez-la ! Voici ce que je voulais dire quand je disais : “Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force.”

Une autre veuve, protagoniste de la première lecture, est la pauvre veuve de Sarepta, une femme païenne, qui offre à l’étranger, le prophète Élie, la dernière poignée de farine qu’elle gardait pour elle et son fils avant de mourir. Voici ce que signifie “Tu aimeras ton prochain comme toi-même.”

– La veuve de l’Évangile anticipe de manière prophétique ce que Jésus fera trois jours plus tard, en remettant sa vie au Père pour nous. Lui, qui était riche, s’est fait pauvre pour nous enrichir (2 Corinthiens 8,9) et s’est dépouillé jusqu’à mourir comme un esclave sur la croix (Philippiens 2,7-8).

– La générosité de cette veuve représente aussi celle de la Vierge Marie qui, au pied de la croix, offrira son unique fils. Elle annonce également la condition actuelle de l’Église, à qui l’Époux a été enlevé (Marc 2,18-19).

– La pauvre veuve, enfin, nous rappelle notre pauvreté radicale. Veuf/veuve, étymologiquement, signifie être privé, manquant, démuni. En ce sens, nous vivons tous dans une condition de “veuvage”. Au-delà de la satisfaction des besoins quotidiens, nous ressentons souvent qu’il nous manque quelque chose d’essentiel pour réaliser pleinement notre existence. Il est important de prendre conscience de ce manque profond. Saint Augustin l’exprime avec sa célèbre prière : “Tu nous as faits pour toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne repose pas en toi.” Paradoxalement, pour combler ce vide, Jésus et son Évangile nous proposent d’offrir notre vie en don : “Qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile, la sauvera” (Marc 8,35).

P. Manuel João Pereira Correia, mccj