XXII Dimanche du Temps Ordinaire – Année B
Marc 7, 1-23


XXIIB

L’Evangile de la liturgie d’aujourd’hui présente certains scribes et pharisiens étonnés par l’attitude de Jésus. Ils sont scandalisés parce que ses disciples prennent de la nourriture sans accomplir d’abord les ablutions rituelles traditionnelles. Ils pensent: «Cette façon de faire est contraire à la pratique religieuse» (cf. Mc 7, 2-5).

Nous aussi, nous pourrions nous demander: pourquoi Jésus et ses disciples négligent-ils ces traditions? Au fond, ce ne sont pas de mauvaises choses, mais de bonnes habitudes rituelles, de simples lavages avant de prendre de la nourriture. Pourquoi Jésus n’y  prête-t-il pas attention? Parce que pour Lui, il est important  de ramener la foi au centre. Dans l’Evangile, nous le voyons constamment: ramener la foi au centre. Et éviter un risque, qui vaut pour ces scribes comme pour nous: observer des formalités extérieures en mettant au second plan le cœur de la foi. Nous aussi souvent, nous «maquillons» notre âme. La formalité extérieure et non le cœur de la foi: c’est un risque. C’est le risque d’une religiosité de l’apparence: paraître bon à l’extérieur, en négligeant de purifier le cœur. Il y a toujours la tentation de «contenter Dieu» par une dévotion extérieure, mais Jésus ne se contente pas de ce culte. Jésus ne veut pas de choses extérieures, il veut une foi qui touche le cœur.

En effet, immédiatement après, il rappelle la foule pour lui dire une grande vérité: «Il n’est rien d’extérieur à l’homme qui, pénétrant en lui, puisse le souiller» (v. 15). Au contraire, c’est «du dedans, du cœur» (v. 21) que naissent les choses mauvaises. Ces paroles sont révolutionnaires, car dans la mentalité de l’époque, on pensait que certains aliments ou contacts extérieurs rendaient impurs. Jésus renverse la perspective: ce n’est pas ce qui vient de l’extérieur qui est mauvais, mais ce qui naît de l’intérieur.

Chers frères et sœurs, cela nous concerne nous aussi. Souvent, nous pensons que le mal provient surtout de l’extérieur: des comportements des autres, de ceux qui pensent du mal de nous, de la société. Combien de fois accusons-nous les autres, la société, le monde, pour tout ce qui nous arrive! C’est toujours la faute des «autres»: c’est la faute des gens, des gouvernants, de la malchance, et ainsi de suite. Il semble que les problèmes arrivent toujours de l’extérieur, et nous passons notre temps à distribuer des blâmes, mais passer le temps à blâmer les autres, c’est perdre du temps. On se met en colère, on devient amer et on éloigne Dieu de son cœur.  Comme ces personnes de l’Evangile, qui se plaignent, se scandalisent, sont polémiques et n’accueillent pas Jésus. On ne peut être vraiment religieux en se plaignant: les plaintes empoisonnent, conduisent à la colère, au ressentiment et à la tristesse, celle du cœur, qui ferme les portes à Dieu.

Demandons aujourd’hui au Seigneur de nous libérer de cette façon de blâmer les autres — comme les enfants: «Non, ce n’est pas moi! C’est l’autre, c’est l’autre…» —. Demandons dans la prière la grâce de ne pas perdre de temps à polluer le monde avec des plaintes, car ce n’est pas chrétien. Au contraire,  Jésus nous invite à regarder la vie et le monde depuis notre cœur. Si nous regardons  en nous, nous trouverons presque tout ce que nous détestons à l’extérieur. Et si nous demandons avec sincérité  à Dieu de purifier notre cœur, c’est alors que nous commencerons à rendre le monde plus pur. Par ce qu’il existe un moyen infaillible de vaincre le mal: commencer par le vaincre en soi. Quand on demandait aux premiers Pères de l’Eglise, aux moines: «Quel est le chemin de la sainteté? Par où dois-je commencer?», ils répondaient que le premier pas consistait à s’accuser soi-même: accuse-toi toi-même. Nous accuser nous-mêmes. Combien d’entre nous, dans la journée, ou à un moment de la semaine, sont-ils capables de s’accuser eux-mêmes? «Oui, celui-ci m’a fait cela, cet autre… un acte barbare». Mais moi? Moi je fais la même chose, ou encore moi je fais cela… C’est une sagesse: apprendre à s’accuser. Essayez de le faire, cela vous fera du bien. Cela me fait du bien à moi, quand je réussis à le faire, mais cela fait du bien, cela fera du bien à tous.   

 Que la Vierge Marie, qui a changé l’histoire à travers la pureté de son cœur, nous aide à purifier le nôtre, en surmontant avant tout le vice de blâmer les autres et de se plaindre de tout.

Angelus 29/08/2021

Que signifie “être pur” ?
Qu’est-ce qui est pur, qu’est-ce qui ne l’est pas ?
Marcel Domergue

Rien de ce qui vient à l’homme de l’extérieur ne peut le rendre “impur”, c’est-à-dire l’empêcher de marcher vers l’achèvement de sa création à l’image de Dieu. Est “pur” ce qui n’est pas partagé, altéré par un mélange de buts et d’intentions. Ainsi, dans le langage courant nous parlons de “vin pur”. L’homme impur est l’homme “assis entre deux chaises”, l’homme du “oui-non”, du “oui mais”. C’est pourquoi le psaume 86 nous fait dire au verset 11 : “Unifie mon coeur pour qu’il craigne (révère) ton nom”. La pureté légale est tout autre chose : elle consiste à se mettre en règle avec un certain nombre de rites qui ne sont d’ailleurs pas sans signification. Problème de tout rite : on peut en rester au geste sans aller jusqu’à sa signification. L’ablution extérieure, le bain, signifie que l’on choisit la pureté intérieure telle qu’on vient de la décrire. En deçà, la pratique hygiénique, qui se trouve ainsi gratifiée d’un sens religieux. Pour que ce sens ne soit pas oublié, les gestes rituels sont le plus souvent accompagnés de paroles pour expliciter ce que nous cherchons par nos pratiques. Le coeur est partagé, impur, quand on se tourne à la fois vers Dieu et vers les idoles. L’énumération que Jésus propose à ses disciples (fin de la lecture) correspond à des pratiques idolâtriques : culte de l’argent, du sexe, de la volonté de dominer, etc. Ce sont là les “puissances et dominations” que le Christ, nous dit Paul, a mises sous ses pieds.

À la fois meurtris et “purs”

Il va de soi que ces puissances et dominations peuvent nous agresser de l’extérieur avec beaucoup de violence. À vrai dire, elles ne nous laissent pas indemnes. Or, Jésus ne dit-il pas que ce qui nous vient du dehors ne peut vraiment nous nuire ? Pas tout à fait. En réalité, les idoles peuvent nous faire très mal, et le Christ lui-même en a été victime, quand la jalousie et la peur de perdre leur pouvoir a conduit les chefs de son peuple à le faire crucifier. Quand Jésus nous dit que ce qui vient en nous et sur nous depuis l’extérieur ne peut nous altérer, il nous explique exactement ce qui va se passer à la croix : rien ne pourra l’amener à se départir de l’amour qui est sa nature propre. Au contraire, plus la perversité humaine se déploie, plus cet amour révèle la gloire de son absolue gratuité. Là, nous découvrons ce qu’est l’amour “à l’état pur”. Dans l’ensemble, beaucoup d’entre nous sont capables d’admettre cela “intellectuellement”, mais tout se complique quand il s’agit de pardonner concrètement un affront ou un acte de malveillance : la volonté de vengeance s’affiche couramment quand nous nous trouvons affrontés à l’injustifié. Alors “l’impur” prend en nous la parole. À côté du disciple du Christ se révèle en nous un personnage différent, un autre nous-même jusque-là occulté, sournoisement “tapi à notre porte” comme le péché dont parle Genèse 4,7 à propos de la pulsion homicide de Caïn.

L’unique commandement

Jésus reproche aux scribes de laisser de côté le commandement de Dieu pour s’attacher à la tradition des hommes. Consciemment ou non, ces notables exercent donc un jugement, choisissant ceci plutôt que cela. L’exercice de la liberté est donc à la source de cette dégradation de la relation à Dieu. Il ne peut y avoir d’impureté sans liberté. Je crois que c’est Malraux qui disait que nous avons à choisir une part de nous-mêmes, pour la privilégier. Tout ce qui monte du coeur de l’homme n’a pas la même valeur. Il y a en nous des personnages auxquels nous ne sommes pas forcés de donner la parole, quoi qu’en pensent certains idéologues de la spontanéité. Une spontanéité qui n’est pas forcément vérité. Notre texte se termine par une énumération de conduites perverses qui retrouve les interdits du Décalogue. Tous ces interdits concernent en fin de compte diverses formes du meurtre. Meurtre de Dieu, du Fils de l’homme, de n’importe quel homme. En face, le commandement unique (remarquons le singulier du verset 8), évidemment le commandement de l’amour de Dieu, qui ne peut être observé qu’à travers l’amour des hommes et s’inscrit contre toutes les figures de l’homicide. Les rites, les célébrations diverses, les cérémonies, les jeûnes et abstinences perdent toute valeur s’ils ne sont pas expression de ce choix fondamental et encouragement à le pratiquer.

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« C’est du dedans, du cœur de l’homme que sortent les pensées perverses.» Le dedans, le cœur. Jésus revient souvent sur ce thème. Les apparences sont trompeuses, il se plaît à le répéter. On ne voit bien qu’avec le cœur, disait le Petit Prince. C’est ce qu’on est dans le fond du cœur qui compte le plus; et tant mieux si on y trouve de l’amour et de l’humilité. « Heureux les pauvres de cœur, le Royaume de Dieu est à eux ! … Heureux les cœurs purs, ils verront Dieu. » La pureté du cœur, le cœur simple et droit, le cœur sincère. Avoir un cœur d’enfant. Avoir du cœur, avoir le cœur sur la main. Un cœur dont Dieu est proche. Un cœur qu’il habite et remplit de sa présence d’amour, contrairement à ce que disait le prophète Isaïe : « Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. »

La prière d’ouverture de la messe portait déjà cette préoccupation et cet appel, anticipant la parole proclamée en ce dimanche : « Dieu puissant de qui vient tout don parfait, enracine en nos cœursl’amour de ton nom. » Un thème que reprendra la prière de conclusion : « Rassasiés par le pain de la vie, nous te prions, Seigneur : que cette nourriture fortifie l’amour en nos cœurs, et nous incite à te servir dans nos frères et nos sœurs. »

C’est tout un programme de vie qui nous attend donc au tournant de la saison d’automne qui s’amène, où chacun / chacune reprend une vie plus régulière. Aurons-nous à cœur de faire de notre vie quelque chose de beau et de grand pour Dieu et pour nos frères et nos sœurs? C’est le moment de nous replacer, de nous recentrer sur l’essentiel. Le temps de ré-enligner notre vie, nos manières et nos pratiques, de retrouver de bonnes habitudes, d’évaluer notre cœur et de revisiter le sens profond de notre vie.

La Parole de Dieu nous interpelle à ce sujet. Elle nous redit d’abord combien nous sommes privilégiés et chanceux d’appartenir au peuple de Dieu. « Il n’y a pas un peuple sage et intelligent comme cette grande nation! » lisions-nous dans le Deutéronome. Nous sommes instruits par Dieu lui-même; il nous donne de son Esprit; il nous donne d’appartenir au Christ, d’être configurés à lui par le baptême, purifiés, sanctifiés par les sacrements. « Dieu a voulu nous donner la vie par sa parole de vérité, pour faire de nous les premiers appelés de toutes ses créatures. »

La liturgie nous invite en ce dimanche à prendre conscience de cette vocation qui est la nôtre, à nous en montrer dignes. À faire que la parole dans notre vie ne soit pas lettre morte, mais que son enseignement passe dans nos pratiques. « Accueillez donc humblement la parole de Dieu semée en vous; mettez la Parole en application, ne vous contentez pas de l’écouter », lisions-nous en 2electure.

Nous sommes des êtres libres et responsables, confiés à nous-mêmes… et non pas des êtres déterminés par les règles extérieures et les consignes héritées d’une tradition qui ne seraient qu’humaine. Nous sommes reliés à notre Dieu par des liens intimes et personnels, des liens d’amour. Offrons-lui donc la prière de notre cœur, de notre fidélité. Nous sommes en alliance et communion avec lui, et lui avec nous. Sa bienveillance nous tient par le dedans, par le cœur : pour être notre force et notre paix, notre liberté et notre amour, notre justice et notre joie!

Soyons attentifs à cette présence de Dieu en nous. Vivons dans la lumière et la joie de notre foi ! Et nous serons propres en dedans pour lui, et nos actions, nos gestes et notre service seront propres pour le prochain, empreints de la beauté de notre Dieu, de sa douce charité, de Celui qui est notre paix, notre joie.

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