20ème Dimanche du Temps Ordinaire – Année B
Jean 6, 51-58


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Références bibliques:

Première lecture « Venez, mangez de mon pain, buvez le vin que j’ai préparé » Pr 9, 1-6
Psaume Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur ! Ps 33 (34), 2-3, 10-…
Deuxième lecture « Comprenez bien quelle est la volonté du Seigneur » Ep 5, 15-20
Évangile « Ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson » Jn 6, 51-58


En ce temps-là, Jésus disait à la foule : « Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde. »
Les Juifs se querellaient entre eux : « Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ? »
Jésus leur dit alors : « Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous.
Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour.
En effet, ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson.
Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui.
De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même celui qui me mange, lui aussi vivra par moi.
Tel est le pain qui est descendu du ciel : il n’est pas comme celui que les pères ont mangé. Eux, ils sont morts ; celui qui mange ce pain vivra éternellement. »

«Heureux les invités à la Cène du Seigneur», dit le prêtre en montrant le pain eucharistique à tout le peuple avant d’en commencer la distribution. Quel écho ces paroles ont-elles aujourd’hui chez ceux qui les entendent ?

Beaucoup, sans doute, se sentent heureux de pouvoir communier pour rencontrer le Christ et en nourrir leur vie et leur foi. Quelques-uns se lèvent automatiquement pour accomplir un autre geste routinier et vide de vie. Un nombre important de personnes ne se sentent pas appelées à participer et n’en éprouvent aucune insatisfaction.

Et pourtant, pour le chrétien, la communion peut être le geste le plus important et le plus central de toute la semaine, si elle est vécue avec toute son expressivité et son dynamisme.

La préparation commence par le chant ou la récitation du Notre Père. Nous ne nous préparons pas chacun de notre côté pour communier individuellement. Nous allons à la communion comme une famille qui, au-delà des tensions et des différences, veut vivre fraternellement en invoquant le même Père et en se retrouvant tous dans le même Christ.

Il ne s’agit pas de prier le «Notre Père» durant la Messe. Cette prière acquiert une profondeur particulière à ce moment. Le geste du prêtre, les mains ouvertes et levées, est une invitation à adopter une attitude confiante d’invocation. Les demandes résonnent différemment au moment de la communion: «donne-nous le pain» et nourris notre vie dans cette communion; «que ton règne vienne» et que le Christ vienne dans cette communauté; «pardonne-nous nos offenses» et prépare-nous à recevoir ton Fils…

La préparation se poursuit par l’accolade de la paix, un geste évocateur et puissant qui nous invite à briser l’isolement, la distance et le manque de solidarité égoïste. Ce rite, précédé d’une double prière demandant la paix, n’est pas simplement un geste d’amitié. Il exprime l’engagement à vivre en diffusant «la paix du Seigneur», en guérissant les blessures, en éliminant la haine, en ravivant le sens de la fraternité, en réveillant la solidarité.

L’invocation «Seigneur, je ne suis pas digne…», prononcée avec une foi humble et avec le désir de vivre plus fidèlement à Jésus, est le dernier geste avant de s’avancer en chantant pour recevoir le Seigneur. La main tendue et ouverte exprime l’attitude de celui qui, pauvre et démuni, est ouvert pour recevoir le pain de la vie.

Le silence reconnaissant et confiant qui nous fait prendre conscience de la proximité du Christ et de sa présence vivante en nous, la prière de toute la communauté chrétienne et la bénédiction finale clôturent la communion. Notre foi ne serait-elle pas réaffirmée si nous recevions la communion avec plus de profondeur?

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Se nourrir de la Parole
Marcel Domergue, sj

Après avoir parlé de la foi en la Parole du Père, de l’accueil de son attraction, de l’ouverture à son enseignement, Jésus change de vocabulaire. Là où il parlait de « croire » il va parler maintenant de manger et de boire. Tel est le thème du second discours, qui commence au verset 45 et dont les premières phrases terminent la lecture de dimanche dernier. Ne pensons pas tout de suite à l’Eucharistie, nous sommes bien en deçà ! Les deux discours s’interprètent l’un par l’autre. Pour dire « croire », « faire sien » l’Écriture parle souvent de manger et de boire. Même le Livre, porteur de la Parole, doit être dévoré (Ézéchiel 3,1-3. Apocalypse 10,8-11). Ainsi, dans notre langage courant, nous parlons de boire des paroles ou de dévorer un livre. Toutes ces expressions, y compris manger du regard et boire des yeux, signalent une communication exceptionnelle, une volonté de s’approprier ce que l’on « dévore », ou du moins de faire un avec lui. Manger et boire sont donc en relation étroite avec le désir. On voit que les deux discours de Jésus ne parlent pas de réalités foncièrement différentes. Avec manger et boire, nourriture et boisson, on souligne le rapport étroit qui existe entre l’accueil de la Parole (la foi) et la vie : il faut manger pour vivre, dit la sagesse populaire sans crainte de lapalissade. Il ressort de tout cela que faire un avec le Christ est d’une nécessité vitale.

La chair et le sang

Si « croire, aller vers » sont étroitement liés à « manger, boire », il ne s’ensuit pas que le second discours n’ajoute rien au premier. Croire en Jésus, aller vers lui, ces expressions ne disent pas jusqu’où va notre lien au Christ. Chair et sang désignent souvent l’homme tout entier et l’homme seulement, à l’intérieur, si l’on peut dire, de la nature humaine. Ainsi, en Matthieu 16,17, Jésus dit à Simon que ce n’est pas « la chair et le sang » qui lui ont révélé son origine divine mais son Père lui-même.
« Chair » dit plutôt l’homme tout entier mais en tant qu’il est matériel, lié à la nature. « Sang », probablement en raison de la fluidité de cet élément liquide, a le plus souvent des connotations spirituelles ; il peut désigner la vie elle-même ou même ce que nous appelons l’âme. On remarquera que, dans ces discours, Jésus ne parle pas de manger son corps : le mot « soma » (corps) est absent du texte. Soma ne s’applique pas en effet à l’homme tout entier mais isole son côté organique. En nous parlant de manger sa chair et de boire son sang, Jésus nous invite à faire nôtre, à devenir, tout ce qu’il est. Le Christ devient ce que nous sommes et nous devenons ce qu’il est. Les mots manger et boire signifient cette identification, mais s’il faut faire la « démarche » de manger et de boire, c’est que cette identification ne va pas de soi, qu’elle nécessite de notre part un choix et un déplacement.

Manger, ne pas manger

Manger et boire sont présentés comme absolument nécessaires à la « vie éternelle ». Remarquons l’insistance de Jésus, qui utilise tour à tour les verbes (manger, ne pas manger ; boire, ne pas boire) et les substantifs (« ma chair est vraie nourriture, mon sang est vrai breuvage »). Le couple manger / ne pas manger nous rappelle évidemment Genèse 2, mais les termes se trouvent ici inversés : en Genèse, celui qui mange du fruit de l’arbre meurt, celui qui n’en mange pas conserve la vie. Le fruit de l’arbre ? La tradition chrétienne insistera sur « l’arbre de la croix », dont le fruit est le Christ crucifié. Que Jean 6 nous parle ici de la Pâque ne peut nous surprendre. Les autres évangélistes parleront de corps donné et de sang versé (Matthieu 26,26-27 ; Marc 14,22-25 ; Luc 22,19-20). Au fond, ce chapitre 6 de Jean, avec la multiplication des pains qui annonce l’Eucharistie, la marche sur les eaux qui renvoie au thème de la marche sur la mort, l’invitation à manger et boire, suit le déroulement de la Passion, avec la promesse de Vie éternelle qui parle de la Résurrection. Jean 6 nous fait prendre conscience de l’enjeu de la vie humaine, question de vie ou de mort. Le corps livré et le sang versé sont bien des figures de mort. Le paradoxe, pour ne pas dire le mystère, est qu’en faisant nôtres ces fruits de la mort, nous la surmontons pour accéder à une vie sur laquelle les forces de destruction n’ont plus de pouvoir.

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Au beau milieu de l’été, nos marchés publics déploient leurs étals remplis des produits magnifiques de la saison. On aime bien y faire provision et en mettre toute la saveur, la variété et l’abondance sur la table.

Comme chacun chez nous au temps des premières récoltes, nous sommes venus à l’église aujourd’hui partager une nourriture cueillie dans le plus beau jardin de notre terre. Nous sommes ensemble en appétit du Christ, désireux de célébrer la Sainte Cène qu’il nous a laissée pour faire mémoire de lui. Une démarche qui se prolonge pour certains dans l’adoration, ou dans l’apport de la communion à quelque proche retenu à la maison par la maladie ou un handicap.

L’invitation du Seigneur nous rejoint de dimanche en dimanche, de jour en jour. Pour y répondre nous laissons nos occupations et nos tâches, nous venons malgré notre indignité et nos pauvretés prendre part à ce que le Seigneur a de meilleur à nous offrir, sa chair à manger, son sang à boire. Lui, le premier-né d’entre les morts, il nous rejoint dans les simples gestes qui commémorent l’offrande de sa vie par amour pour nous.

Nous sommes pauvres de mots pour en parler. L’Eucharistie, c’est le grand mystère de notre foi, qui nous dépasse infiniment. Mystère porteur du plus grand amour, puissant de la vie même de Dieu. Il nous signifie chaque fois la présence réelle de notre Seigneur, devenu dans le mystère de sa Pâque, source intarissable de vie et de paix pour le monde.  L’Eucharistie porte en elle tout l’Évangile.  Sous les dehors les plus humbles et les plus simples et les plus quotidiens, elle traduit pour nous un paradoxe étonnant : la folie de la Croix plus sage que l’homme; la faiblesse de Dieu plus forte que les hommes.

Le pape Jean-Paul II soulignait que l’institution ecclésiale, l’Église, n’avait pas d’autre but que de préserver et transmettre l’institution eucharistique. Une telle affirmation nous étonne peut-être. Elle nous pose de rudes questions : nos vies de croyants et de croyantes sont-elles suffisamment nourries du Mystère de l’Eucharistie ? « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi je demeure en lui », dit le Seigneur.

Pourrions-nous espérer porter du fruit pour le Royaume sans demeurer en Jésus et sans qu’il demeure en nous, sans qu’il nous alimente de sa chair et de son sang ? Approchons-nous donc avec confiance de la table où il se donne gracieusement, amoureusement, pour que, recevant en nous sa vie de ressuscité, nous en devenions les témoins authentiques.

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