
P. Manuel João, Combonien
Réflexion dominicale
du ventre de ma baleine, la SLA
Notre croix est la chaire de la Parole
Nous entrons dans la Grande Semaine !
Année B – Dimanche des Rameaux et Passion du Seigneur
Marc 11,1-10 (bénédiction des rameaux)
Marc 14,1-15,47 (la passion du Seigneur)
Avec le Dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur, nous commençons la Semaine Sainte, également appelée la Grande Semaine. Après les quarante jours de préparation, nous nous apprêtons à célébrer le mystère de la passion, de la mort et de la résurrection de Jésus (Triduum pascal). Un mystère immense et ineffable, sombre et lumineux, devant lequel nous restons étonnés, stupéfaits et incrédules : “Qui aurait cru à notre révélation ?” (Isaïe 53, 1). L’Église et ses enfants vivent cette semaine comme une retraite spirituelle, en communion intime avec leur Seigneur.
Ce dimanche a deux visages, deux parties distinctes. La première : le rite des rameaux, suivi de la procession, caractérisée par la joie et l’enthousiasme. La seconde : l’Eucharistie, avec l’annonce de la passion, marquée par la tristesse, l’échec et la mort.
A) Le dimanche des Rameaux et la loi de l’âne
Dans l’évangile de la bénédiction des rameaux (Marc 11,1-10), je voudrais attirer l’attention sur deux des protagonistes : la foule et l’âne. Tout d’abord, la foule qui accompagne Jésus lors de son entrée à Jérusalem, l’acclamant comme le Messie. On identifie généralement cette foule, vraisemblablement composée en majorité de Galiléens, à celle qui, quelques jours plus tard, réclamera la crucifixion de Jésus. Cette identification semble assez improbable et quelque peu injuste. Jérusalem était une ville de plusieurs dizaines de milliers d’habitants et, à Pâques, elle doublait sa population avec l’arrivée des pèlerins. Cette foule de Galiléens, par ailleurs considérés comme exaltés, ne pouvait que finir par se disperser, peut-être même déçue dans ses attentes messianiques à l’égard de Jésus. La foule qui réclame la mort de Jésus, en revanche, est attisée par les autorités religieuses de la ville et certainement composée de citoyens juifs. Le risque pour le disciple de Jésus n’est pas d’être une girouette ou un renégat, mais de se laisser submerger par les masses, de se laisser conditionner par ce que pensent les autres, de pécher par lâcheté lorsqu’on doit se déclarer disciple de Jésus !
La nature messianique de Jésus exige un profond changement de mentalité. C’est pourquoi Jésus revient sur une prophétie oubliée, qui présente un messie humble et doux, préférant l’âne, bête de somme (portant le poids des autres) au cheval : “Voici que vient à toi ton roi, doux, assis sur une ânesse et sur un ânon, fils d’une bête de somme” (Zacharie 9,9). Jésus est le Messie qui porte nos fardeaux sur la croix : “Il a porté nos souffrances, il s’est chargé de nos douleurs” (Isaïe 53,4). Par conséquent, le chrétien doit faire de même : “Portez les fardeaux les uns des autres : vous accomplirez ainsi la loi du Christ” (Galates 6:2). “Car toute la loi du Christ est la loi de l’âne” (Silvano Fausti).
“Lorsque le christianisme, l’Église, chacun de nous, sachant que le seul mode d’existence est de vivre comme l’âne, commencera à faire des clins d’œil au “monde”, aux rois et aux puissants de la terre, souhaitant vivre et être comme eux grâce au pouvoir, à la richesse et au succès, il se produira une sorte d’hybridation tragique. Nous, faits pour vivre comme des ânes, nous rejoindrons le cheval, symbole du pouvoir mondain, et le résultat sera de nous retrouver comme des mules, des animaux stupides mais surtout stériles.” (Paolo Scquizzato).
B) Le caractère sacré du récit de la passion
Le récit de la passion est la partie la plus ancienne, la plus développée et la plus sacrée des évangiles. On pense que la rédaction essentielle, reprise dans l’évangile de Marc, a eu lieu quelques années après la mort de Jésus en l’an 30, peut-être avant l’an 36 où Caïphe a cessé d’être grand prêtre, puisque son nom n’est pas mentionné dans le récit de Marc, ce qui laisse supposer que Caïphe était encore en fonction. Ce récit circulait dans les communautés et était vraisemblablement lu lors de la célébration eucharistique.
Les apôtres étaient les “témoins de la résurrection”. Pourquoi donc les chrétiens de la première génération ont-ils attaché tant d’importance au souvenir de la passion ? Parce qu’ils voyaient que le danger d’ignorer la croix du Christ était très grand et que cela aurait été une trahison du message chrétien. Ce danger est encore une grande tentation pour pas mal de chrétiens. Le kérygme, c’est-à-dire l’annonce, est un triptyque qui unit indissolublement la passion, la mort et la résurrection du Seigneur !
C) Propositions pour l’intériorisation du récit de la passion
– Une manière d’aborder la longue histoire pourrait être de fixer notre attention sur chaque personnage qui intervient dans ce drame et de nous demander en qui nous nous voyons reflétés. Chacun d’entre nous joue un rôle dans ce drame. Chaque personne qui intervient joue un rôle dans l’accomplissement de l’Écriture. Quelle parole s’accomplit en moi ?
– Une deuxième voie pourrait consister à s’arrêter sur quelques éléments caractéristiques du récit de Marc. J’en citerai cinq.
1) L’angoisse de Jésus. Une note déconcertante du récit est la peur et l’angoisse de Jésus : “ Il commença à éprouver de la peur et de l’angoisse. Il leur dit : Mon âme est triste jusqu’à la mort”. Jésus n’est pas un super-héros, mais l’un d’entre nous : il aime la vie et craint la mort !
2) La solitude. Jésus semble abandonné de tous, même de ses amis les plus proches et même de son Père : “Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?” La solitude fait partie de l’expérience du chrétien. C’est le temps de l’épreuve et de la purification de la foi !
3) Abba ! En cette heure d’épreuve, Jésus prie avec une extrême confiance : “Abba, Père, tout t’est possible : éloigne de moi cette coupe ! Non pas ce que je veux, mais ce que tu veux”. “Abba” est le nom affectueux que l’enfant donne à son père : papa, papy. C’est la seule fois dans tous les évangiles que nous trouvons ce mot et, par coïncidence, au moment le plus tragique de sa vie !
4) Le silence. Nous sommes étonnés par le silence de Jésus, souligné à plusieurs reprises. Ce silence nous interroge. Nous avons tendance à réagir à tout prix, incapables de supporter l’humiliation !
5) La profession de foi du centurion romain. Quelle étrangeté ! Jésus n’est pas reconnu comme Fils de Dieu dans l’accomplissement de miracles, mais par la manière dont il a souffert et dont il est mort sur la croix ! C’est un païen qui, le premier dans l’évangile de Marc, fait la profession de foi en Jésus comme Fils de Dieu, vers laquelle Marc voulait conduire ses lecteurs !
Bonne entrée dans la Semaine Sainte !
P. Manuel João Pereira Correia mccj
Vérone, 21 mars 2024
Pour la réflexion complète, voir : https://comboni2000.org/2024/03/21/la-mia-riflessione-domenicale-entriamo-nella-grande-settimana/