
P. Manuel João, Combonien
Réflexion dominicale
du ventre de ma baleine, la SLA
Notre croix est la chaire de la Parole
Du Mont Thabor au Mont du Temple
Année B – Carême – 3ème dimanche
Jean 2,13-25 : “ Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce !”
Nous voici au troisième dimanche de Carême. Du désert (pour une rencontre profonde avec nous-mêmes), nous sommes montés au Thabor avec Jésus (pour une rencontre transfigurante avec Dieu). Aujourd’hui, nous montons à Jérusalem, au Temple du Seigneur, pour revoir et purifier notre relation avec Dieu. Nous partons en pèlerinage avec Jésus parce que Pâques, la fête par excellence, la fête de notre libération, approche.
La première Pâques, le point de départ
L’évangile qui nous guide dans cette visite au Temple n’est plus Marc, mais Jean. Curieusement, l’évangéliste Jean situe cette Pâque au début de la vie publique de Jésus, alors que les synoptiques (Matthieu, Marc et Luc) la placent à la fin de son ministère, quelques jours avant sa condamnation et sa crucifixion. Pour Jean, c’est le point de départ, pour les autres évangélistes, c’est le point d’arrivée. Ce fait ne doit pas nous surprendre, si nous tenons compte du fait que les récits sont alignés en fonction de l’objectif catéchétique que chaque évangile se propose. Il convient également de noter que seul Jean nous parle de trois Pâques au cours de la vie publique de Jésus (cf. Jn 2,13 ; 6,4 ; 11,55), alors que les synoptiques n’en parlent que d’une seule, la dernière. Le récit de Jean est plus articulé et nous fournit des données historiques précieuses, tandis que les synoptiques racontent l’évangile de manière plus linéaire, comme si tout le ministère de Jésus était orienté et se déroulait en fonction de cette seule Pâque de sa passion, de sa mort et de sa résurrection.
Cette Pâque est celle que l’on appelle de la “purification du Temple”. Jésus, “ dans le Temple, il trouva installés les marchands de bœufs, de brebis et de colombes, et les changeurs ”. A cette vue, Jésus entre colère: “ Il fit un fouet avec des cordes, et les chassa tous du Temple, ainsi que les brebis et les bœufs ; il jeta par terre la monnaie des changeurs, renversa leurs comptoirs ”. Une telle chose ne s’était jamais vue depuis le temps des prophètes! Le geste de Jésus est un acte provocateur, un geste prophétique d’indignation. Le prophète Malachie (3,1-6) avait dit que le Messie, “ comme le feu du fondeur et comme la lessive des lavandières ”, purifierait le Temple et le culte. C’est pourquoi les chefs religieux lui demandent la signification de ce geste : “ Quel signe peux-tu nous donner pour agir ainsi ?”
La purification du Temple de notre cœur
Quelle est la signification profonde de cet épisode pour nous aujourd’hui ? En quoi nous interpelle-t-il ? Je me limiterai à en présenter quatre aspects.
1) La colère du “Lion de Juda”. Habitués à voir un Jésus “ doux et humble de cœur ”, nous sommes étonnés et déconcertés par sa réaction. Ne nous empressons pas de qualifier cette colère de “ sainte ”, mais plutôt de… saine ! Jésus, le Fils de Dieu, est un véritable homme et connaît tous nos sentiments et nos réactions face aux événements. Comment interpréter ce geste? L’évangéliste nous en donne la clé : “ Ses disciples se rappelèrent qu’il est écrit : ‘ L’amour de ta maison fera mon tourment. ’” (Psaume 69,10). Cette colère de Jésus remet en cause une certaine attitude des personnes pieuses “ au cou tordu ”, qui est la nôtre maintes fois. Oui, il est “ l’Agneau de Dieu ”, mais il est aussi “ le Lion de Juda ” (Apocalypse 5,5), et ses disciples doivent l’être aussi. Notre problème est que lorsque nous devrions être des “lions”, nous nous comportons comme des “agneaux”, par peur et par lâcheté. Quand nous devrions être des “agneaux”, nous agissons comme des “lions”, poussés par la violence et l’agressivité !
2) La combinaison de Dieu et de l’argent ! “ Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce ”. Voici la dénonciation prophétique de Jésus : le dieu Mammon avait pris possession du Temple de Dieu! Pâques était la grande occasion du commerce, de la vente des animaux pour les sacrifices, du change de monnaie, pour ceux qui venaient de la diaspora, et de l’argent qui circulait dans le Temple, où l’on ne pouvait pas introduire de monnaie “profane” avec l’effigie du César. C’est d’ailleurs à Pâques que la taxe du Temple était perçue. Un fleuve d’argent coulait à cette époque, géré par la classe sacerdotale, en particulier la famille des grands prêtres, Anne et Caïphe. Pour vous donner une idée, le Temple de Jérusalem était considéré comme la plus grande “banque” de l’ancien Moyen-Orient. Ne rejetons pas trop vite cette interpellation en pensant qu’elle ne nous concerne pas ou qu’elle concerne tout au plus l’église institutionnelle. En réalité, nous sommes tous en danger de servir le dieu argent et que cette idole occupe la place de Dieu dans nos cœurs !
3) L’ère des “sacrifices” est révolue! “ Enlevez ces choses d’ici ”, dit Jésus aux vendeurs, chassant les animaux du Temple pour les sacrifices. Mais s’il n’y a pas d’animaux, comment fera-t-on les sacrifices ? S’il n’y a pas d’agneau, comment célébrer la Pâque ? L’ère des sacrifices est révolue, il est temps de faire un pas en avant dans cette religiosité païenne qui prétend plaire à Dieu par des sacrifices ! Dieu est libre dans son amour, il ne veut pas de sacrifices, mais de la justice, de l’amour et de la compassion! Ne considérons pas ce pas comme acquis. Nous sommes tous tentés de penser que Dieu nous aime si… nous sommes bons, si nous remplissons certains devoirs, si nous allons à la messe le dimanche !… Certaines pratiques risquent d’être faites avec une véritable mentalité mercantile, une forme d’achat de la faveur de Dieu. Nous sommes facilement “religieux”, mais lents à croire!
4) Jésus, le nouveau Sanctuaire. “ Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai. ”, répond énigmatiquement Jésus aux chefs religieux. Ses disciples ne le comprendront qu’après la résurrection : “ Mais lui parlait du sanctuaire de son corps ” Jésus dira à la Samaritaine : “ L’heure vient – et c’est celle-ci – où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ” (Jn 4,23). Jésus est le Temple nouveau et définitif. Il n’y a plus de “ temps saints ” ni d’ “ espaces saints ” qui puissent circonscrire la présence de Dieu. Dans le Nouveau Testament, il y a la conviction que le chrétien est associé à ce nouveau Temple et à la nouvelle liturgie. Saint Pierre dit : “ Comme des pierres vivantes, vous êtes aussi construits comme un édifice spirituel, pour un saint sacerdoce et pour offrir des sacrifices spirituels agréables à Dieu par Jésus-Christ ” (1 Pierre 2,5). Et saint Paul dit : “ Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? Si quelqu’un détruit le temple de Dieu, Dieu le détruira. ” (1 Corinthiens 3, 16-17). Aujourd’hui, on prend de plus en plus conscience que non seulement le chrétien, mais tout homme et toute femme est un temple de Dieu à respecter !
Réflexion pour la semaine
1) Confrontez-vous aux quatre aspects mentionnés ci-dessus pour procéder à la purification du Temple de votre cœur. Si nécessaire, demandez au Seigneur d’intervenir avec le “fouet” de sa Parole.
2) Demandez-vous dans quelle mesure la conscience que chaque homme/femme est le Temple de Dieu a grandi en vous.
P. Manuel João Pereira Correia, mccj
Vérone, 28 février 2024
NB. Pour la réflexion complète, voir : https://comboni2000.org/2024/02/28/la-mia-riflessione-domenicale-dal-monte-tabor-al-monte-del-tempio/