« De nombreuses communautés de base centrent sur la Bible leurs réunions et se proposent un triple objectif : connaître la Bible, construire la communauté et servir le peuple. Ici aussi l’aide des exégètes est utile pour éviter des actualisations mal fondées. Mais il y a lieu de se réjouir de voir la Bible prise en mains par d’humbles gens, des pauvres qui peuvent apporter à son interprétation et à son actualisation une lumière plus pénétrante, du point de vue spirituel et existentiel, que celle qui vient d’une science sûre d’elle-même (cf Mt 11,25) » (Commission Biblique Pontificale, L’interprétation de la Bible dans l’Eglise, IV C 3)

VOIR – ÉCOUTER – AGIR
(Cardijn)
Comme l’indique son nom, cette méthode est une variante du traditionnel »Voir/Juger/Agir” ou »Révision de vie”, créé par le prêtre belge Joseph Cardijn, durant les années postérieures à la Seconde Guerre Mondiale, pour former des chrétiens militants dans un mouvement qui, avec le temps, se transformera en JOC (Jeunesse Ouvrière Catholique).
Cette méthode a été adoptée et perfectionnée par l’Action Catholique, et s’est diffusée dans le monde entier, plus ou moins modifié et sous d’autres noms (“Programme Amos », »Parole de Dieu pour nos expériences”, etc..). Contrairement à d’autres méthodes de lecture biblique en groupe, cette méthode ne part pas de la Parole de Dieu, mais des expériences personnelles des membres du groupe. Elle cherche, par conséquent, à découvrir quelle est la volonté de Dieu dans une situation concrète, à partir de l’analyse croyante d’un événement réel, vécu par certains des participants ou par quelque (voir) ; cet événement est illuminé par la lumière de la Parole (écouter) ; et l’itinéraire abouti à une action, décidée par tout le groupe (agir).
ITINÉRAIRE
Cet itinéraire se base sur le partage et l’analyse des expériences personnelles (parfois intimes), c’est pourquoi on recommande qu’il soit pratiqué par un groupe déjà consolidé par la connaissance et la confiance mutuelles. Comme pour d’autres méthodes, l’animation d’un des membres du groupe est indispensable, toujours à tour de rôle, en évitant qu’un seul monopolise ce service, qui consiste à animer, inspirer, aider, à partir d’un grand respect de la libre initiative de chaque membre du groupe.
Après chaque réunion on pourra donner tout genre d’explications et faire des commentaires sur les différentes étapes de la méthode. De cette manière tous les participants apprennent comment on rend ce service d’animation et ils sont initiés à cela.
Première étape : Introduction
Pour l’introduction on peut prendre quelques minutes de silence, ou chanter un chant approprié que tous connaissent.
Ensuite, le membre du groupe qui anime la réunion, invite quelqu’un du groupe à exprimer, par une prière spontanée, la foi de tous dans la présence au milieu du groupe du Seigneur Ressuscité. La signification profonde de cette première étape est de créer un espace spirituel, dans lequel le groupe se rassemble autour du Seigneur. Les membres du groupe se sentent partie prenante de l’Eglise, en se réunissant comme disciples de Jésus, auquel ils appartiennent et dont ils veulent être proches. Cette première étape aide aussi à comprendre que le texte biblique ne doit pas être pris comme un sujet pour le débat, ni comme un »manuel d’instructions”, ou on puise des pratiques utiles pour notre vie. Cette introduction et prière doivent nous situer, ici et maintenant, face à la Parole vivante, pour l’écouter et nous laisser saisir par ses exigences.
Deuxième étape : Voir
L’animateur/ice invite (il n’impose jamais !) les membres du groupe à exposer des faits très concrets (joyeux ou pénibles) de la vie en famille, dans le quartier, au travail, etc., qui les ont affectés de manière significative. Après la présentation de plusieurs faits, brièvement rapportés, les membres du groupe décident quel fait choisir pour qu’il soit le sujet central de cette réunion.
Dés que le choix est fait la personne qui anime, aide le groupe, par des questions, à examiner le fait, dans les détails et en profondeur, de sorte que tous aient une compréhension maximale de l’événement.
Il est très important qu’au moment d’exposer les expériences tous se sentent libres et pas obliger à devoir dire quelque chose. Si quelqu’un ne veut et ne peut prendre la parole, ou ne sait quoi dire pendant la réunion, il doit savoir que personne ne le lui reprochera.
Il peut arriver, qu’en racontant une expérience qui a profondément affecté le narrateur ou un auditeur (parce que le récit évoque des événements très intensément vécus à un autre moment), que les sentiments soit tellement forts que celui qui parle commence à bégayer, ou à pleurer. Dans un tel cas, l’animateur/ice et tous les membres du groupe, doivent mettre en œuvre beaucoup de doigté et une grande délicatesse pour que le protagoniste, ou l’auditeur n’aient pas des sentiment de hontes ou se sentent ridicules. Il doit y avoir à tout moment un climat de confiance totale, grâce auquel tous savent qu’ils seront acceptés, compris et aidés. Dans ce climat d’écoute mutuelle ce qui à première vue paraît un problème particulier ou strictement privé peut ouvrir les yeux à tout le groupe en y découvrant une dimension politique ou sociale, qui étaient plus ou moins camouflées et auquel nous devons donner une réponse en tant que chrétiens.
Troisième étape : Écouter
L’animateur/ice propose quelques minutes de silence (il dira combien précisément, p.ex : 15 minutes) pour écouter Dieu, en essayant de voir le problème avec »les yeux de Dieu”, et en essayant de découvrir comment Dieu le jugerait.
Cette »vision de Dieu” est dans la Bible, c’est pourquoi nous devrons chercher en elle la réponse. Ceci implique une connaissance de base des Ecritures, qui augmentera au fur et à mesure que nous pratiquons la méthode.
Après ce temps de silence, l’animateur/ice de la réunion propose au groupe de partager les réflexions faites pendant le silence. Ces réflexions se résument en un verset, une phrase ou un passage de l’Écriture, que chacun a cherché dans sa Bible, et dans lequel il croit sincèrement que se trouve ce que Dieu pense sur ce problème.
Dans cette étape il est trés important de ne pas se précipiter, en choisissant comme réponse au problème une Parole ou une phrase, qui parassent être la réponse appropriée. Un Parole ou une phrase, isolées de son contexte littéraire et spirituel, peuvent arriver à dire précisément le contraire de ce que Dieu veut nous dire.
Il faut avoir une attention particulière pour bien situer tout le problème sous l’esprit du message biblique, pris globalement. Par exemple, s’il a été présenté, comme fait de vie pendant la réunion, les cas d’un drogué, ami d’un membre du groupe, qui lui a demandé de l’aide pour se désintoxiquer, nous ne pouvons pas prendre, en la sortant de son contexte, la phrase de Jésus dans Mc 7,27 : »…ce n’est pas bien de prendre le pain des enfants pour le jeter aux petits chiens.”
Le groupe ne doit pas répondre à des questions théologiques (dans le sens académique ou scientifique du terme), mais avoir un sens affiné et sain pour comprendre comment Dieu souhaite que nous fassions face à un problème donné. Ce que Dieu veut n’est pas nécessairement soumis au critère de la majorité (p.ex : une grande partie du peuple a rejeté Jésus comme Messie) ; c’est pourquoi tous doivent chercher, honnêtement et sincèrement, par une très grande ouverture, la voix de Dieu, qu’il parle dans les événements, et par le biais des frères et des sœurs, en contredisant souvent des idées courantes.
Il peut arriver que, parfois, il y ait différents avis à propos de la Volonté de Dieu dans une situation concrète. C’est le moment d’approfondir dans la prière et de continuer à chercher.
Quatrième étape : Agir
Le groupe est maintenant à mesure de délibérer et décider ce qu’il peut et doit faire à propos du problème posé (par une personne ou par groupe), et auquel nous devons répondre par notre action chrétienne, en syntonie avec ce que nous croyons que Dieu veut.
L’animateur/ice propose au groupe, par des questions concrètes (quoi ? qui ? et quand ?), une activité qui répondra au problème posé et analysé, selon la Volonté de Dieu découverte par tous dans la réflexion et la prière.
Cinquième étape : Prier
A la fin l’animateur/ice du groupe invite tous les membres qui le souhaitent faire une prière spontanée. Cette prière n’est pas simplement une prière conclusive, mais doit présenter à Dieu tout ce qui a été découvert lors de la réunion. Pour cela on doit donner à tous les membres l’occasion de faire cette prière, en insérant entre les différentes prières un petit chant de méditation, qui apaise le climat et peut aider certaines personnes à vaincre leur propre timidité.
Il est très important que chacun se sente uni à ceux qui expriment leur prière, pour construire ainsi la communauté.
SCHÉMA DE L’ITINÉRAIRE
1. Introduction
Silence ou chant pour créé un bon climat spirituel.
Quelqu’un peut improviser une prière simple au nom de tous.
2. Voir
Tous, ou certains, exposent un fait, une expérience (personnelle ou de quelque proche) qui les a affecté positivement ou négativement.
Parmi tous les cas, le groupe en choisi un pour le prendre comme référence de la réunion.
On l’analyse le plus profondément possible.
3. Ecouter
L’animateur/ice propose quelques minutes (il dit combien précisément) pour faire un silence d’écoute.
Il s’agit d’écouter/juger la réalité avec »les yeux”/jugement de Dieu. Chacun énonce les phrases ou les passages qui pour lui illuminent le fait analysé.
4. Agir
Après avoir écouté Dieu, il faut faire ce qui Dieu nous a suggérées. L’animateur/ice aide à concrétiser l’action par des questions : Quoi?, Comment ? et Quand ?
5. Prier
Si possible tous rendent grâce à Dieu par une prière spontanée.
ÉVALUATION ET SUGGESTIONS
Cette méthode est plutôt une méthode de formation chrétienne que de lecture de la Bible, proprement dite. Cependant, si elle est bien mise en pratique, elle peut être un magnifique itinéraire de lecture biblique, qui renforce de façon équilibrée les quatre clés. À première vue il peut paraître qu’elle renforce davantage la lien avec la vie, mais, si la méthode est pratiqué avec rigueur, il n’y aura pas une dimension qui sera plus privilégiée qu’une autre.
Cette méthode exige des destinataires, outre un bon niveau de confiance mutuelle, une bonne connaissance de la Bible, qui s’étend au fur et à mesure qu’on met en pratique la méthode, puisque la nécessité de trouver des réponses oblige à étudier et à approfondir la Parole de Dieu.
Si on part de la vie, de ce qui est concret et réel, il est difficile de faire des théories. En outre la méthode développe les capacités d’observation, non seulement pour apporter des faits à la réunion, mais pour, ensuite les analyser dans les détails. Le fait d’assumer dans chaque réunion des engagements concrets, qui doivent ensuite être évaluées en groupe, évite une attitude désincarnée et spiritualiste.
Il pourrait y avoir certains risques (manipulation du texte, activisme, etc.), mais ce sont des risques qui ne dépendent pas tellement de la méthode elle-même, mais plutôt de son application par des personnes concrètes.
Cette méthode demande à l’animateur/ice, et à chaque membre du groupe, davantage de préparation humaine et biblique que ne le demande d’autres méthodes.
Une solution très utile au début pour acquérir une bonne expérience de l’étape du voir, est de préparer préalablement le cas ; c’est-à-dire, le choisir plusieurs jours avant la réunion, cela facilitera la récolte des données.
Une autre possibilité consiste à faire chaque semaine une étape: la première semaine, Voir, la deuxième, Écouter, la troisième, Agir- Prier, et le quatrièmement, Réviser- Préparer. On couvre ainsi la période d’un mois avec chaque sujet et on peut gagner profondeur. Cette manière pourrait être nécessaire dans des milieux urbains, où on dispose de moins de temps et il est plus difficile de tenir une réunion de deux heures au moins, c’est le temps requis, si on parcourt toutes les étapes en une seule réunion. Une aide efficace pour acquérir une certaine familiarité avec la Bible, et faciliter le repérage des textes appropriés lors d’un échange, pourrait être l’utilisation d’un vocabulaire biblique (peut être très utile le Vocabulaire de théologie biblique de Xavier Léon-Dufour ).
FICHE DE LECTURE
- Introduction
On commence par quelques minutes de silence.
L’animateur/ice invite quelqu’un du groupe à faire une prière spontanée au nom de tous. P.ex : »Seigneur Jésus, qui nous as dit : où deux ou trois sont réunis en ton nom, tu seras avec eux, regardes-nous maintenant, nous sommes disposés à écouter ta Parole. Envois sur nous ton Esprit pour que, unis à Toi, nous agissions comme Toi et donnions gloire au Père ».
- Voir
Invité par l’animateur/ice chacun expose un fait réel le plus concret possible. On choisit entre tous, le cas d’une personne, célibataire et presque aveugle, qui vit seule dans le quartier et qui a uniquement un parent éloigné, qui vit dans une autre ville.
- Ecouter
L’animateur/ice accorde un temps de silence (15 minutes) pour écouter en profondeur ce que Dieu nous dit sur le cas proposé. Après le silence, on dit la phrase ou le passage que chacun a trouvé comme réponse de Dieu au problème. Sont proposés : le récit de la guérison de la belle-mère de Pierre (Mc 1,29-31) ; le paralytique de la piscine (Jn 5,1-9) ; la Samaritaine (Jn 4,1-26) ; le récit de Tobie, etc..
- Agir
Après le partage des textes, le groupe est à mesure de répondre à partir de la lumière que lui a donné la Parole.
L’animateur/ice propose au groupe de prendre un engagement en accord avec ce que Dieu lui a dit. On concrétise au maximum : on décide, par exemple, que chaque membre du groupe, à tour de rôle, se chargera chaque semaine de s’occuper des nécessités de la personne âgée et de l’accompagné pour environs une-deux heures par jour, si elle est d’accord.
- Prier
Pour terminer la réunion l’animateur/ice invite tous et chacun à faire spontanément une prière d’action de grâce et de louange pour exprimer tout ce qu’a été découvert pendant la réunion.
- Révision et programmation
Avant de ses séparé on révise brièvement l’engagement précédent et on programme la prochaine réunion.