« De nombreuses communautés de base centrent sur la Bible leurs réunions et se proposent un triple objectif : connaître la Bible, construire la communauté et servir le peuple. Ici aussi l’aide des exégètes est utile pour éviter des actualisations mal fondées. Mais il y a lieu de se réjouir de voir la Bible prise en mains par d’humbles gens, des pauvres qui peuvent apporter à son interprétation et à son actualisation une lumière plus pénétrante, du point de vue spirituel et existentiel, que celle qui vient d’une science sûre d’elle-même (cf Mt 11,25) » (Commission Biblique Pontificale, L’interprétation de la Bible dans l’Eglise, IV C 3)

L’itinéraire que nous présentons ici avec le nom d’Étude d’Evangile a été élaboré et est régulièrement utilisé comme instrument de formation interne et d’évangélisation par »les Prêtres du Prado”, fondés par A Chevrier. Malgré son nom, il ne prétend pas être une »étude” au sens strict du mot, mais partage plutôt certaines des caractéristiques d’autres méthodes, en visant une lecture croyante de la Bible. La Lectio divine est l’inspiratrice, plus ou moins directe, de cette Étude d’Evangile, qui, avec les modifications nécessaires, pourrait être appliqué à d’autres passages narratifs de l’Écriture. Cet itinéraire peut être utilisé tant de manière personnelle qu’en groupe. Ainsi on recommande que les deux modes d’utilisations trouvent leur place dans la pratique.

ITINÉRAIRE

Dans ce point nous nous sommes permis, pour des raisons de clarté et pour faciliter son utilisation par les groupes de lecture de la Bible, de simplifier et, d’une certaine manière, adapter, l’itinéraire proposé pour faire l’Étude d’Evangile. Bien qu’il n’existe pas une seule manière de le mener à bien, on peut indiquer une méthode plus commune qui comporte les étapes suivantes :

Préparation préalable

D’abord on doit choisir et formuler un sujet qui répond à une inquiétude du groupe, et qu’il souhaite approfondir et sur lequel il désir réfléchir à la lumière de l’Evangile. On cherche ensuite un texte (ou plusieurs) de l’Evangile (ou d’ un autre livre de la Bible) qui peut nous aider dans notre réflexion. Un membre du groupe peut rendre ce service. Un bon dictionnaire biblique facilitera la tâche. Si, par exemple, le groupe décide de parler de »Jesus et les femmes”, on pourrait étudier des passages comme Jn 4,1-26 et 8,1-11 ; Mc 7,24-30 et 14,3-9 ; Lc 8,1-2 ; etc….

Première étape : Proclamation de la Parole

On commence toujours dans un climat de prière pour demander à Dieu de nous aider à écouter, à comprendre et à accepter sa Parole. À ce moment l’invocation du Saint Esprit doit occuper une place importante, parce que l’Étude d’Evangile part de la conviction que c’est l’Esprit qui guide la lecture, et qui fait découvrir le sens authentique des Écritures. Ensuite, un membre du groupe proclame à haute voix le passage choisi (ou les passages, si on en a choisi plusieurs).

Deuxième étape : Travail personnel

On donne un temps de silence pour que chacun travaille personnellement sur le texte lu, il l’approfondisse, et il prenne note de ce qu’il lui suggère… Pour cette partie du travail et pour le dialogue suivant sur ce texte ils peuvent se servir de l’aide des pistes suivantes :

a) S’arrêter avec attention sur le texte

S’il s’agit d’un passage de l’évangile, nous pouvons nous demander :

  • Quels personnages apparaissent?, que cherchent-ils?, que ressentent-ils ?, pourquoi vont-ils chez Jésus ?, quelles situations présentent-on ?…
  • Quelles transformations se produisent dans le récit?, quels changements significatifs adviennent entre la situation initiale et la situation finale des personnages qui s’approchent de Jésus ?
  • Quel est le comportement de Jésus envers ces personnages ?, comment traite-t-il ceux qui s’approchent de lui ?, est-ce qu’il les accueil, les écoute, leur fait des reproches … ? Quel message transmet-il par ses attitudes, ses gestes et ses Paroles ?
  • Que révèle-t-il de lui-même, de sa personnalité, de son enseignement, de son mystère?, que révèle-t-il du Père ?
  • On peut lire d’autres passages (parallèles) évoqués par celui qui a été lu.

En nous centrant sur l’épisode de la Samaritaine (Jn 4,1-42), et en essayant de découvrir quelle est l’attitude de Jésus envers les femmes, nous découvrons, d’abord comment, au contact avec Jésus, se manifeste la recherche profonde de cette femme, qui s’explicite chaque fois plus clairement, et qui s’exprime symboliquement dans le thème de l’eau vive. Au fonds, l’eau vive dont a besoin la Samaritaine est Jésus lui-même, dont elle découvre progressivement la véritable identité. Au début pour elle c’est un juif, quelqu’un digne de mépris. Ensuite elle le reconnaît comme un prophète et finalement comme le Messie. C’est pourquoi, elle-même peut se transformer en témoin et aller annoncer à ses compatriotes ce qu’elle a découvert. À la fin tous confessent que »c’est le Sauveteur du monde”.

Le comportement de Jésus avec elle est certainement révolutionnaire, parce qu’il passe outre toutes les barrières ethniques et religieuses qui séparaient les juifs et les Samaritains (Jn 4,9) et aussi celles de caractère sexiste qui divisent les hommes et les femmes (Jn 4,27). Si nous prenons au sérieux ce qui est dit dans cette page du quatrième évangile de nombreux schémas de marginalisation sautent en l’air. En définitive, nous sommes face à un récit de révélation. Par ses Paroles et ses gestes, Jésus aide d’abord la Samaritaine à se situer face à sa propre réalité: »il m’a dit tout ce que j’ai fait” (Jn 4,39), mais, surtout, il nous apprend qui Il est et qui est le Père. Jésus se révèle comme le Messie et le Sauveur de tous : soit des Samaritains, que des femmes. S’il agit de cette manière c’est parce que »sa nourriture c’est de faire la volonté du Père” (Jn 4,34).

Il nous rappelle quelque chose d’important sur le Dieu : qu’il est »Esprit”, c’est-à-dire, libre, insaisissable, transcendant ; qui peut seulement être adoré »en esprit et vérité”, et, par conséquent, il n’est pas possible de l’enfermer dans les limites étroites d’un lieu, d’un temple, ou – ce qui est la même chose – d’une mentalité, d’une nation, d’un sexe, d’une manière de faire ou de penser les choses, ou, même, d’une théologie ou d’une spiritualité. Dieu est plus grand que tout cela.

S’il s’agit d’autres passages du NT, nous pouvons nous demander :

  • Où puis-je trouver dans les évangiles, dans la vie ou dans les Paroles du Christ, l’origine de cette doctrine apostolique qu’ils ont voulu transmettre?
  • Comment l’Église vit-elle cela aujourd’hui ?

Si nous étudions l’hymne de la lettre aux Philippiens (Phil. 2,5-11) il ne sera pas difficile de trouver dans les récits évangéliques une grande quantité d’épisodes dans lesquels on peut vérifier comment Jésus a vécu, effectivement, comme »esclave” sa condition de Fils de Dieu. De fait, on pourra difficilement trouver dans l’Écriture des textes qui résument de façon plus claire le sens du chemin de Jésus. Ce qui dans les évangiles est dit de façon narrative, est ici chanté sous forme d’hymne liturgique. A partir d’ici on pourrait entamer une réflexion féconde sur l’Église, pour voir jusqu’à quel point elle s’est identifiée avec le projet et le style de vie de son Seigneur.

S’il s’agit d’un passage de l’AT, nous pouvons nous demander :

  • Quel aspect du mystère de Dieu nous fait connaître ce texte ?
  • Comment a vécu cela le Christ ?

Si, par exemple, nous lisons Ex 3 nous reconnaîtrons immédiatement Dieu comme quelqu’un qui est attentif au cri des opprimés et qui s’intéresse activement à leur libération. L’activité libératrice de Jésus en faveur des plus défavorisés de son temps est une des clés pour comprendre sa vie, et de tout cela les pages évangéliques sont pleines.

b) Mettre en rapport le récit de l’Evangile avec la vie d’aujourd’hui

Dans cette deuxième étape nous essayons de découvrir le message qu’a pour nous le texte que nous lisons. Nous pouvons nous demander :

  • Cette Parole, ce geste, cette attitude… cet aspect de la personne et du mystère de Jésus, comment je le vois maintenant dans la vie des gens, dans la vie de l’Église, dans ma vie propre ?
  • Quelle lumière donne Jésus, par sa personne et son message, pour résoudre ces situations?

En retournant à l’épisode de la Samaritaine et en nous concentrant sur la manière dont Jésus se met en relation avec elle, nous pourrions sûrement trouver une multitude de situations concrètes dans lesquels, aujourd’hui aussi, nous continuons à marginaliser les personnes pour des raisons sexistes, ethniques ou religieuses. Jésus, par sa manière d’agir, nous invite à dépasser ces barrières, et à sortir à la rencontre des personnes pour nous mettre en relation avec elles, là où nous sommes tous égaux : au-delà de ce qui nous différencie, tous nous sommes en recherche et nous tous avons soif de plénitude. Ni notre peau, ni notre sexe, ni notre image de Dieu peuvent être des raisons de marginalisation.

c) Les appels qui nous affectent :

  • En quoi ce texte nous concerne-t-il ? Que nous demande-t-il ?

À ce moment de l’Étude d’Evangile doit être consacrée une partie très importante du temps prévu pour chaque rencontre. Il est très important de signaler que, ceux qui ont élaboré cet itinéraire, considèrent très importante la manière de formuler les questions quand nous serons face à face avec un texte évangélique. Il faut éviter dans la mesure du possible la moralisation, qui se demande d’abord » que dois-je faire?”, et conçoit l’Écriture comme une espèce de »livre de recettes”, plein de solutions déjà prêtes.

Il faut éviter aussi une approche au texte qui lui impose nos propres préjugés, pour le porter sur notre terrain, pour le manipuler en lui faisant dire ce que nous voudrions qu’il dise. Au contraire, il est nécessaire de se mettre en une attitude de disponibilité, pour laisser que la Parole de Dieu nous interpelle et nous questionne, sans vouloir faire taire les questions qu’elle nous pose, en nous protégeant de ses défis par une lecture excessivement rationaliste qui détruit le germe de vie que la Parole porte en elle.

Troisième étape : Mise en commun et synthèse

En mettant en commun les fruits du travail de chacun, il est nécessaire d’éviter les discussions et des débats inutiles. Le plus important c’est d’écouter tous respectueusement. L’Étude d’Evangile n’est pas une réflexion idéologique. La vie ne consiste pas en des idées, mais en des expériences. Ce que l’on veut transmettre avec cette manière de lire l’Écriture c’est la vie.
Le responsable du groupe termine en faisant une brève synthèse et en rassemblant les appels et les défis, qui sont apparus tout au long du processus de lecture.

Quatrième étape : Prière finale

On termine avec une action de grâce pour ce que le Père a fait en nous, ou simplement avec un moment de recueillement en silence.

Évaluation

Il convient que, de temps à autre, le groupe dresse un bilan des étapes franchies ; comment on avance dans la connaissance de Jésus ; comment on met notre vie au service des frères et comment se réalise pour chacun une unité authentique entre la foi et la vie. Pour cela on pourrait utiliser le questionnaire suivant :

  • Avec quelle attitude vais-je à l’ »Étude d’Evangile” ?
  • Qu’est-ce que cherche de connaître de Jésus-Christ dans l’”Étude d’Evangile” ?
  • Quels changements produit en moi la pratique continue de l’”Étude d’Evangile” ?
  • Quels sont les moyens que j’utilise pour respecter l’objectivité du texte en faisant l’”Étude d’Evangile” ?
  • Quelle expérience de foi permet de faire naître l’”Étude d’Evangile” ?
  • Est-ce qu dans l’”Étude d’Evangile”, je tiens compte de la totalité de l’Écriture ?

SCHÉMA DE L’ITINÉRAIRE

Préparation préalable :

  • Choisir le sujet et les passages qui vont être étudiés.

Proclamation de la Parole :

  • Courte prière.
  • Lecture à haute voix.

Travail personnel :

  • Étude du passage.
  • Unir le passage et la vie.
  • Percevoir les appels.

Mise en commun et synthèse :

  • Mise en commun du travail effectué.
  • Synthèse du responsable du groupe.

Prière finale

ÉVALUATION ET SUGGESTIONS

Dans sa simplicité, cette méthode pour lire les Evangiles est assez équilibrée et répond bien à ce qui doit être une lecture croyante de la Parole de Dieu en groupe.
Il est évident que, dans cet itinéraire, la figure de Jésus occupe une place centrale. Ce qui est recherché, en dernier ressort, est de connaître le Christ pour s’identifié à Lui.
L’Étude d’Evangile fournit un moyen pour atteindre cet objectif. Même dans le cas où on étudie des passages de l’AT ou des lettres apostoliques, la référence à la personne, à la vie et au message de Jésus est incontournable. Il n’y a pas de doute qu’une lecture de ce genre part de la conviction profonde que le Christ est le centre des Écritures et, à la fois, sa clé de compréhension.

Il s’agit d’un itinéraire qui, malgré son nom (“étude”), ne cherche pas tellement un approfondissement érudit des récits bibliques (les résultats de cette méthode en ce domaine seraient très insuffisants et partiels), mais plutôt une illumination de la vie elle-même et une transformation efficace de notre manière d’agir à la lumière de l’Evangile, en évitant toujours les tentations de moralisme et du concordisme, qui veulent trouver plutôt des » recettes » déjà établies dans les pages bibliques. Il s’agit, par contre, de la découverte des intuitions les plus profondes des récits, pour pouvoir ensuite faire un discernement sur la vie elle-même. Il faut dire aussi que cet itinéraire paraît spécialement indiqué pour lire des textes narratif, puisqu’il se centre surtout sur l’analyse des personnages. C’est peut-être la principale utilité de la méthode et, à la fois, sa limitation la plus grande. Son application à des textes non narratifs serait certainement problématique.

FICHE DE LECTURE

“Seigneur, que je retrouve la vue !” (Mc 10,46-52)

Proclamation de la Parole

  • Nous commençons l’Étude d’Evangile dans un climat de prière, en invoquant l’Esprit pour qu’il nous assiste dans tout le processus de lecture.
  • Un membre du groupe proclame à haute voix Mc 10,46-52.

Travail personnel

  • Chacun travaille personnellement sur ce récit à partir des questions suivantes :

a) Sur le texte :

  • Quels personnages apparaissent ? Que cherchent-ils ? Pourquoi vont-ils vers Jésus ?
  • Quelles transformations se produisent dans la situation de l’aveugle Bartimée ? Comment change sa vie avant et après avoir approché Jésus ?
  • Quelle attitude a Jésus face à Bartimée ? Que révèle Jésus de lui-même par ses gestes et ses Paroles ? Qui révèle-t-il du Père ?
  • On peut aussi lire les notes de la Bible et d’autres passages parallèles évoqués par ce récit (par exemple, d’autres passages évangéliques qui parlent du la guérison d’aveugles).

b) Pour mettre en rapport ce récit de l’Evangile avec la vie d’aujourd’hui :

  • Est-ce que je rencontre dans la vie des gens, dans ma propre vie ou dans la vie de l’Église des gestes ou des attitudes comme ceux que j’ai lu dans ce passage ?
  • Quand sommes-nous des »aveugles” ou »au bord du chemin” ? De quoi avons-nous besoin pour pouvoir »voir” et nous mettre à la suite de Jésus ?
  • Quelle lumière nous donne Jésus pour nous libérer de nos cécités ?

c) Appels que nous percevons :

  • De quelle manière suis-je impliqué dans ce récit ?
  • Que demande-t-il à ma vie ici et maintenant ?

Mise en commun et synthèse

  • En évitant toute discussion ou rationalisation inutiles, on met en commun le travail de chacun, en cherchant ainsi d’enrichir tout le groupe.
  • À la fin, l’animateur présente une brève synthèse de ce qui a été dit, en rassemblant les appels et les défis qui sont apparus tout au long du processus de lecture.

Prière finale

Nous terminons en rendant grâce au Père pour ce qu’il a fait en nous, ou, si nous le préférons, nous nous recueillons un moment en silence pour prier personnellement.