4ème dimanche de l’Avent (B)
Luc 1,26-38

Avvento (23)

En ce temps-là, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, à une jeune fille vierge, accordée en mariage à un homme de la maison de David, appelé Joseph ; et le nom de la jeune fille était Marie. L’ange entra chez elle et dit : « Je te salue, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi. » À cette parole, elle fut toute bouleversée, et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation. L’ange lui dit alors : « Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. »
Marie dit à l’ange : « Comment cela va-t-il se faire, puisque je ne connais pas d’homme ? » L’ange lui répondit : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint, il sera appelé Fils de Dieu. Or voici que, dans sa vieillesse, Élisabeth, ta parente, a conçu, elle aussi, un fils et en est à son sixième mois, alors qu’on l’appelait la femme stérile. Car rien n’est impossible à Dieu. » Marie dit alors : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. » Alors l’ange la quitta.


L’Annonciation n’a pas de témoin, et l’idée que Marie ait plus tard raconté l’événement à Luc dans tous ses détails ne tient pas la route. Nous avons affaire à un texte théologique, destiné à nous faire comprendre ce qui est en jeu dans la naissance du Christ. La pointe de ce « récit » est à la fin, quand nous entendons Marie se déclarer servante du Seigneur et accepter ce qui lui est proposé. Nous apprenons ainsi que Dieu ne peut venir faire un avec nous sans notre assentiment. Marie est en quelque sorte la figure de l’humanité ouvrant sa porte à Dieu. Cela vaut pour chacun d’entre nous : il y a en nous cet espace vierge, ce point d’innocence, au-delà et au-dessus de toutes nos perversités, où la Parole de Dieu peut venir se poser, prendre racine, porter tous ses fruits. Il y a en tout être humain quelque chose de la Vierge Marie. Elle manifeste l’aptitude de toute créature à admettre le Créateur, à accepter de provenir d’un autre. Il y a en Dieu un respect inimaginable : il ne s’impose pas, il se propose. C’est sans doute pourquoi le récit de l’Annonciation fait état d’un cheminement de Marie : le « oui » n’est dit qu’à la fin. Au départ, nous sommes dans un monde stable et familier : Marie est fiancée, ce qui n’a rien de singulier ; son futur époux est de la « maison de David », comme tant d’autres. Voici l’irruption du nouveau : l’ange entre chez elle.

De la peur à la foi

Nous ne saurons jamais ce qui se cache sous la figure de la visite de l’ange. Certainement quelque chose d’indicible, de non représentable. En tout cas, bien que l’ange lui apporte une bonne nouvelle, la première réaction de Marie est la peur, si bien que l’ange doit lui dire « mè phobou » : n’aie pas peur. Elle va devoir vivre le passage de la peur à la foi, passage que nous avons tous à accomplir et qui représente la substance même de notre relation à Dieu. Passage à faire et à refaire, même pour Marie : l’ange va la quitter, l’éblouissante lumière va s’éteindre et tout va retomber dans le prosaïque du quotidien. Elle va devoir maintenant croire sans voir. Trente ans de routine, trois ans d’une aventure incompréhensible et inquiétante : ne la voit-on pas, en Matthieu 12, 46 et en Marc 3, 32, chercher à récupérer Jésus ? Enfin, à la Croix, le Glaive de la Parole, glaive de douleur, la transpercera (voir Luc 2,35, à lire en parallèle avec Hébreux 4,12). Alors se trouvera accompli tout ce qui se trouvait enfoui dans le récit de l’Annonciation, et nous retrouverons Marie avec les apôtres pour une nouvelle mise au monde, celle du nouveau Corps du Christ, l’Église. Mais, pour l’instant, restons avec Marie à l’heure de la féconde visite de Dieu et n’oublions pas, toutes proportions gardées, que c’est de nous aussi qu’il est question dans ce passage d’Écriture. Ouvrons-nous à la visite de Dieu et faisons-lui en nous une demeure.

Fils de Dieu, Fils de l’homme

Les paroles de l’ange pour annoncer à Marie la naissance du Christ peuvent nous étonner. Certes, il donne à l’enfant à venir le titre de « Fils de Dieu » mais, à s’en tenir au texte, l’avenir de cet enfant se borne à hériter du trône de David son père, et à régner pour toujours sur la maison de Jacob… On croirait entendre les disciples qui, encore après la Résurrection, demandaient à Jésus : « Seigneur, est-ce en ces temps-ci que tu vas rétablir le royaume en faveur d’Israël ? » (Actes 1,6). Rien n’est dit du salut de l’humanité entière. Peut-être Marie n’était-elle pas encore en mesure de recevoir un tel message. Notons au passage que le nom de David est cité deux fois dans l’Annonciation : une fois au verset 27 pour nous dire que Joseph est « de la maison de David », une fois au verset 32 où nous lisons que Dieu donnera à Jésus « le trône de David son père ». C’est bien parce qu’il est fils de Joseph que Jésus peut être dit Fils de David. Quoi que nous pensions de la paternité de Joseph, gardons-nous de la sous-estimer. Rien ne dit que Marie soit de la maison de David ; cousine d’Élisabeth, elle semble plutôt de souche sacerdotale. Ajoutons que le « Rien n’est impossible à Dieu » du verset 27 est une reprise des paroles adressées à Sara à propos de la naissance naturellement impossible d’Isaac (Genèse 18,14). Marie vient clore et couronner la liste des maternités « miraculeuses » de la Bible.

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Tous les récits des Évangiles concernant la naissance de Jésus ou les événements qui l’ont entourée sont remplis d’une grande humanité, même d’une certaine tendresse, et semblent s’efforcer de nous faire comprendre l’histoire humaine de Dieu.

Quand Jésus est présenté comme le fils de David (comme, par exemple, dans le récit de Luc que nous venons d’entendre), ce qui est souligné c’est l’aspect profondément humain de l’intervention du Sauveur dans l’histoire. Il ne suffit pas de dire que le Fils de Dieu s’est fait homme. Nous devons savoir en terme concrets qui est cet “homme”. Si notre compréhension de l’incarnation est trop abstraite, une dimension essentielle du salut qui nous a été acquis par le Christ Jésus nous échappe.

Le Fils de Dieu ne s’est pas incarné dans l’abstrait. Il né à un moment particulier de l’histoire, dans un peuple déterminé, d’une famille précise. Il est le descendant de David et le Fils de Marie, épouse de Joseph. Tout cet environnement l’a façonné, lui a procuré ses catégories de pensée et de langage, qui lui ont rendu possible de nous parler et de nous expliquer dans une langue humaine le sens de sa mission.

Cette mission s’est réalisée dans une vie humaine somme toute ordinaire: Un enfant est né d’une femme; il a grandi et il est devenu adulte. Il a exercé le métier de son père; puis, un jour, il a ressenti une vocation de prophète et s’est mis à prêcher la bonne nouvelle à travers les villes et les villages de son pays. Les pouvoirs en place l’ont trouvé gênant et se sont débarrassés de lui, tout comme ils s’étaient débarrassé de bien d’autres avant lui (et feraient de même par la suite). Rien d’extraordinaire en tout cela. C’est précisément par cette existence humaine ordinaire que le salut a été réalisé et que le cours de l’histoire a été profondément changé.

Lorsque Marie devint Mère de Dieu, rien ne s’en est trouvé changé visiblement dans la vie du monde. La vie continua son cours, le soleil continua de se lever et de se coucher, les hommes continuèrent de travailler et de s’amuser, de faire le bien et de faire le mal. Il ne semble pas y avoir eu non plus de changement extérieur dans la vie de Marie et de Joseph. Ils étaient promis en mariage l’un à l’autre et le mariage eut lieu tel que prévu. La vieille cousine de Marie était enceinte et Marie partit lui rendre visite.

Tout cela devrait nous mettre en garde contre la tentation de penser les événements du salut comme étant par nature théâtraux et extraordinaires. Ils ne le sont pas. Ils respectent le cours des événements et ne le troublent pas. C’est sans doute la raison pour laquelle il nous arrive souvent de ne pas percevoir leur importance. Tel le récit que nous venons d’entendre. Ce moment de l’Annonciation est un point tournant de l’histoire de l’humanité; et pourtant rien n’en apparaît à la surface. Nous devons donc être soupçonneux devant toutes les manifestations du sacré qui sont dramatiques et extraordinaires.

Notre Dieu est l’Emmanu-El, le Dieu avec nous. Il réalise notre salut et celui du monde entier dans et par nos vies humaines de tous les jours – que ce soit la vie d’une mère ou d’un père de famille, celle d’un moine, d’un ouvrier d’usine ou d’un étudiant.

Toute tentative de rencontrer Dieu “là-haut” et “là-bas”, en dehors des circonstances concrètes de la vie quotidienne, est vouée à l’échec. Dieu n’est pas là-haut ou ailleurs. Notre Dieu est l’Emmanuel, le Dieu qui vient sans cesse nous rencontrer là où nous sommes, à chaque instant. Tout ce que nous avons à faire est de nous préparer à le recevoir.

Marie est le modèle par excellence de la personne qui accueille Dieu en toute simplicité dans sa situation bien concrète de jeune fille d’Israël, de la lignée de David, fiancée à Joseph le charpentier et cousine d’Élizabeth, la femme du prêtre Zacharie. Sa réponse toute simple “qu’il me soit fait selon ta parole”, rend toute parole de Dieu efficace.

Armand VEILLEUX
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Nous connaissons tous de belles représentations de l’Annonce à Marie, les unes très dépouillées comme celles de Fra Angelico ou celle du vitrail de l’Église St-Dominique de Québec, d’autres plus chargées, plus remplies de détails. Ce sujet qui est au cœur du mystère chrétien a passionné nombre d’artistes au cours des âges et il nous a valu des illustrations qui parfois nous distraient de l’essentiel.

En fait, à lire et relire le récit de Saint Luc, on s’étonne de l’immense dépouillement visuel de la scène : pas de détails matériels, rien de spectaculaire, rien qui puisse nous distraire de l’essentiel. Et cet essentiel, c’est, de tout évidence, Dieu qui parle par la voix de son ange Gabriel et Marie qui écoute et qui réagit à cette Parole. Tout est dit. À peu près rien n’est vu. Il y a peu pour l’imagination. Tout suggère la discrétion et l’intériorité, l’intimité d’une relation et d’une action appelées à se concrétiser en secret d’abord dans l’intelligence et le cœur de cette femme avant de devenir par le jeu de sa liberté et de son obéissance une réalité de chair et d’os par la naissance au monde du Verbe de Dieu lui-même.

L’œuvre du Seigneur vient accomplir une prophétie messianique. La première lecture nous l’a rappelé, le roi David un jour s’était mis dans la tête et dans le cœur de construire une maison pour Dieu. Le prophète Nathan l’encourageait en ce sens. Cependant Dieu, lui, avait d’autres plans. Son amitié pour David débordait sur un avenir à plus long terme. David devait comprendre qu’il y a maison et maison… et que le plus important, c’était une maisonnée qui dure, une famille étalée dans le temps, une descendance que Dieu accompagnerait. Le prophète en vient donc à parler à David dans les termes très forts d’une promesse de royauté sans fin : « Ta maison et ta royauté subsisteront toujours devant moi, ton trône sera stable pour toujours ». On a compris qu’il annonçait un projet d’une qualité exceptionnelle : « Je te donnerai un successeur dans ta descendance, qui sera né de toi, et je rendrai stable sa royauté. Je serai pour lui un père, il sera pour moi un fils. »

C’est de cette succession que Marie est informée dans l’annonce que lui fait l’ange Gabriel. La Vierge – bien-aimée de Dieu – représente en l’humilité de sa personne – la pauvreté et l’espérance d’Israël devant la promesse autrefois faite à David. La fidélité du Dieu saint et tout-puissant est au rendez-vous de Nazareth pour un accomplissement prodigieux. Marie – la comblée de grâce – sera fécondée par l’action de l’Esprit Saint de Dieu qui enfin réalisera le projet attendu au long des siècles. Merveille que la parfaite obéissance de cette fille humble et réfléchie, merveilleuse aussi l’obéissance de Joseph, de la Maison de David, qui prend chez lui Marie pour épouse.

Cet heureux compromis est au cœur de notre intelligence du mystère du Christ. Dieu tient sa promesse. C’est une vierge d’Israël qui reçoit la grande demande. Elle accueille aujourd’hui cette annonce avec simplicité, humilité et réalisme. C’est ainsi que le Fils bien-aimé prend chair.

Pour cette œuvre d’amour, de tendresse et de fidélité, rendons grâce au Seigneur en cette eucharistie. Cette mémoire solennelle nous donne d’habiter la maison que Dieu lui-même a voulu bâtir. Il veut qu’elle soit la demeure vaste et durable où ses enfants sont rassemblées comme en un seul Corps, en une seule grande famille, en son Fils, son bien-aimé, l’Emmanuel, lui avec nous et nous tous avec lui.

Jacques Marcotte, o.p. http://www.spiritualite2000.com


En cette ultime étape du chemin d’Avent, je vous invite, avant de lire, de regarder et contempler. Sur Google, demandez : « fra angelico annonciation » et vous re-découvrez des merveilles. Surtout – ma préférée- la fresque du couvent Saint Marc où chaque frère avait sur un mur de sa cellule un chef-d’œuvre estimé aujourd’hui à des millions de dollars !

Contemplons Marie. Dans un lieu nu, sans décoration, mais ouvert vers un jardin (le paradis), une jeune femme simplement vêtue, sans fards ni bijoux. Qui est-elle ? Saint Luc ne dit rien de ses qualités, ses vertus, ses privilèges. Elle habite dans un petit village perdu et dédaigné de Galilée (Jn 1, 46) ; elle doit avoir environ 14-15 ans, l’âge où l’on mariait les filles à l’époque ; on a célébré son mariage avec Joseph, un charpentier, descendant lointain (et désargenté) du grand roi David ; selon la coutume, elle vit encore chez ses parents avant de commencer la vie commune avec son époux.

Que fait-elle ? Elle écoute de tout son être. ELLE EST ECOUTE. Un envoyé de Dieu, légèrement incliné devant elle, lui parle. Le peintre l’a représenté selon l’image habituelle mais Luc ne dit même pas que Marie l’a vu. Seul importe le message : il vient de Dieu. Le plus grand événement de l’histoire n’est pas que l’homme s’envole vers les astres mais que Dieu descende vers l’humanité. Et cet événement est conversation. Échange entre deux libertés. D’emblée offre de la joie : « Réjouis-toi » (et non l’ancienne traduction banale : « Je vous salue »). Tu es « comblée de grâce » : l’amour de Dieu t’a remplie au maximum et te sera conservé à jamais.

À cette parole, elle fut toute bouleversée, et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation.

Comment, nous, écoutons-nous la Parole de Dieu ? Avec impatience (j’ai tant de choses à faire). Avec scepticisme (est-ce que c’est vrai ?). Avec ennui (bof je connais). Avec lassitude (le prédicateur est si long !). Pouvons-nous acclamer une Parole dite « de Dieu » si elle nous laisse froids, impassibles ?

1) CHERCHER À COMPRENDRE LE SENS

Marie, elle, s’ouvre à l’écoute et cette Parole la bouleverse, la chamboule – preuve qu’elle vient bien « de Dieu » et elle se laisse saisir par elle. Elle questionne, elle cherche à la comprendre c.à.d. elle consent à se laisser prendre par elle. La foi commence par une surprise, un étonnement, un choc de tout l’être et elle secoue l’intelligence, suscite des questions, éveille le désir de savoir.

L’ange lui dit alors : « Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. « Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus ». Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. »

Les Écritures d’Israël – ce que nous appelons Ancien Testament – racontent l’histoire d’un peuple qui va d’échec en échec mais qui ne désespère jamais. Dieu a fait une promesse donc il la tiendra ; nous n’avons jamais été capables de constituer une communauté heureuse, bâtie sur le droit et la justice donc Dieu, un jour, nous enverra le Roi qui, enfin, achèvera le Dessein de Dieu ; l’oracle du prophète Isaïe au roi Akhas – et qui ne s’était pas réalisé à son époque – n’est plus un événement du passé, il s’accomplira un jour : une jeune femme enfantera le Messie.

Marie connaît bien cette prophétie qui était lue et commentée par le rabbin de la synagogue… mais ce qui la bouleverse, c’est qu’elle s’adresse aujourd’hui à elle. On sort d’une leçon d’histoire (« en ce temps-là ») et d’une promesse projetée dans un avenir lointain. CETTE FEMME C’EST TOI MAINTENANT. La foi c’est l’actualité de l’Écriture. Une flèche qui perce le cœur : IL S’AGIT DE TOI.

Marie pourrait bien s’esquiver, se déclarer indigne, demander un délai de réflexion, renvoyer à une plus grande dame puisqu’elle n’est qu’une petite paysanne, solliciter un moment pour aller demander la permission à ses parents ou à Joseph…. Non, elle entre dans le dialogue, elle accepte.

2) BUTER SUR SES LIMITES : RECONNAITRE L’ŒUVRE DE DIEU

Mais après avoir questionné sur le sens du message, elle bute à présent sur la possibilité de sa réalisation qu’elle comprend immédiate. « Comment… ? » puisque je vis encore chez mes parents et n’ai pas de relations conjugales (sens du verbe « connaître » en ce temps)

Marie dit à l’ange : « Comment cela va-t-il se faire puisque je ne connais pas d’homme ? » L’ange lui répondit : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint, il sera appelé Fils de Dieu.

L’humanité ne peut, d’elle-même, se donner « le sauveur » : tous les essais ont échoué et les plus beaux projets ont basculé dans la barbarie. L’humanité ne peut se « faire » par ses seules ressources : elle doit recevoir de Dieu même.

Jadis les hommes avaient bâti un sanctuaire sur les ordres de Dieu mais il avait fallu que la Gloire de YHWH descende et investisse le lieu le plus saint. (Exode 40, 34 ; 1 Rois 8, 10). Aujourd’hui Marie est appelée à être le Nouveau Temple et son fils, en elle, sera « le Saint des Saints ». Après l’échec répété des lieux sacrés, des idéologies, des tyrans, voici le temps de la femme, docile au Souffle de Dieu et devenant réceptacle de la Vie nouvelle.

C’est pourquoi Marie pourra appeler son enfant « IESHOUAH » (en hébreu : « Dieu sauve ») car le salut n’est ni financier, ni culturel, ni scientifique, ni politique. Il est radicalement œuvre de Dieu : pardon des péchés, libération du mal, communion à la Vie divine. A cette profondeur, il n’est plus question de territoire, d’armée, de faste, de palais, de banques mais d’un peuple nouveau qui, à l’exemple et à la suite de Marie, se laisse bousculer et pénétrer par la Parole pour être la communauté pauvre, pacifique, heureuse. Avec Marie et Joseph, l’Eglise ne se fait pas elle-même, elle ne se construit pas. Perdant tout orgueil et toute morgue, elle jubile de reconnaissance et de gratitude. « Réjouis-toi, Eglise ».

Or voici que, dans sa vieillesse, Élisabeth, ta parente, a conçu, elle aussi, un fils et elle en est à son sixième mois, alors qu’on l’appelait la femme stérile. « Car rien n’est impossible à Dieu ». »

Marie n’a demandé aucun prodige pour contrôler la vérité du message : celui-ci porte sa propre authenticité et elle fait confiance. Mais « un signe » lui est révélé : sa cousine, demeurée stérile après plusieurs années de mariage, est enceinte – ce que Luc a raconté peu avant. Marie apprend, dans la joie, qu’elle est précédée. Car on ne vit sa vocation qu’ensemble. L’indice de la réalité du message reçu et accepté, c’est la vie chez l’autre.

Marie dit alors : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. »

Marie, silencieuse, a d’abord ÉCOUTÉ une Parole venue d’ailleurs. Interloquée, ébahie, intriguée, elle a QUESTIONNÉ, elle a cherché à comprendre la signification. Butant sur ses limites, elle a demandé COMMENT cet oracle était possible. Par l’Esprit, force de Dieu. Enfin éclairée, et sans demander davantage, elle ACCEPTE.

Être la servante n’est pas aveu d’humilité et de pauvreté mais engagement. J’accueille cette Parole pour moi, ce projet qui doit s’accomplir en moi et par moi. Je décide de me donner de tout mon être afin de laisser s’accomplir ce dessein extraordinaire. Car la foi n’est pas un oui des lèvres, un acquiescement intellectuel, une émotion factice, un rayon religieux perdu dans une vie qui reste païenne mais un don de sa personne afin que la Parole prononcée aille à sa fin. Le Verbe doit devenir chair – et d’abord en Marie. La démarche de foi est celle de la femme qui s’engage dans la maternité : âme, esprit et corps.

« Que tout m’advienne ». Croire, c’est se mettre au service d’un projet qui nous dépasse mais qui ne peut s’effectuer qu’en nous, par nous. Il s’agit d’humaniser Dieu.

« Alors l’ange la quitta »….Et il ne reviendra plus ! Ni à la crèche ni au Golgotha. C’est la mémoire de l’annonce initiale qui conduit le croyant à persévérer, à travers joies et souffrances, jusqu’à la nouvelle naissance de la Résurrection. Car peut-on avoir un enfant si la mort peut vous l’enlever à jamais ?

Rien n’est plus propice que cette Annonciation pour nous préparer à Noël. Que Dieu cesse enfin d’être rejeté dans les marges de notre existence. Parle, Seigneur, me voici pour te servir.

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Noël est à nos portes, déjà! Dans les familles chrétiennes et dans les églises la crèche se prépare. C’est l’un des signes les plus représentatifs de Noël, parce qu’elle marque l’effort de reconstruire à notre manière les lieux et le contexte de la naissance de Jésus. Les textes bibliques de la liturgie de ce Dimanche nous proposent le thème des lieux où Dieu naît et prend sa demeure. Où pouvons-nous trouver une maison pour Dieu? Quelles sont ses préférences?

Le roi David (I lecture), qui avait fini par trouver un accord de paix avec ses ennemis et s’était construit une belle demeure en bois de cèdre (v. 1-2), se décide finalement à bâtir un temple pour y accueillir l’Arche de son Dieu. Il pensait sans doute à un temple immense, à la mesure des grands sanctuaires qui faisaient la fierté des peuples voisins. Mais le Prophète Natan s’oppose à son projet: l’essentiel est de faire bien comprendre à David qu’il a été objet d’un choix de Dieu, même du temps où il ne faisait que suivre son troupeau (v.8) et que la paix qu’il a obtenue n’est que l’œuvre de Dieu qui lui a promis une présence efficace à son côté: ‘J’ai été auprès de toi partout où tu as été’ (v.9). De même pour sa dynastie et sa descendance, qui tiennent tant à cœur au roi, elle sera stable pour toujours, mais comme un don qui lui vient de Dieu-même, fruit d’un projet qu’Il a voulu et qu’Il s’est engagé à mener à bon terme.

Maintenant Dieu a pris sa demeure au sein de la famille humaine en habitant dans le corps de Jésus, le Fils qui s’est vêtu de chair humaine (Evangile). Le corps de la Vierge Marie est choisi par l’Esprit de Dieu, comme lieu où Dieu a choisi de demeurer dans sa nature d’homme. Pour cette mission Dieu s’est préparé une personne particulière, la ‘pleine de grâce’ (v.28). Plusieurs Pères de l’Eglise nous disent que Marie a conçu le Fils de Dieu tout d’abord dans son cœur, avant de le concevoir dans son corps. Elle est donc devenue demeure de Dieu par la foi et l’amour avant même sa maternité physique. Ce que la pleine disponibilité de Marie a rendu possible, ayant elle-même accueilli pleinement cette proposition, si surprenante, qui lui venait de Dieu-même par la bouche de l’Ange: ‘Me voici, je suis la servante du Seigneur, que cela se fasse…’ (v.38). Le fiat de Marie est bien autre chose qu’un consentement résigné: le texte grec sous-jacent, nous laisse pressentir un désir, une disponibilité joyeuse pour que cela advienne. La famille des adorateurs de Dieu en esprit et vérité (Jn 4,23) en est déjà à sa naissance. Logiquement Marie chantera les prodiges que le Tout-puissant vient d’accomplir en Elle (Lc 1,49). *

L’accomplissement de la promesse de Dieu à David sera parmi ses oeuvres prodigieuses: le Fils du Très-haut, qui est aussi le Fils de Marie, héritera du trône, pour un royaume qui n’aura pas de fin (v. 32-33). St. Paul (II lecture) nous parle de ce mystère de salut ‘caché pendant des siècles’ (v. 25), mais ‘pleinement révélé maintenant et annoncé… à tous les peuples, afin qu’ils obéissent à la foi’(v. 26). Dieu veut être connu et accueilli dans le cœur de toute personne humaine, puisqu’il nous a tous créés à son image. Donc toute personne, toute culture, est lieu où Dieu a fait sa demeure. Dans toute personne existent des signes de Dieu-même, dans sa beauté et sa bonté. Dans les cultures des peuples existent des signes de vérité, qu’on appelle ‘les semences du Verbe de Dieu’, qui nous transmettent une réalité plus grande et ont besoin de rencontrer le Verbe pour atteindre leur pleine maturité.

Tout cœur d’homme est déjà demeure de Dieu dans la réalité, mais est appelé aussi à le devenir plus pleinement dans l’avenir. L’activité missionnaire de l’Eglise doit découvrir les signes de cette présence dans le cœur de toute personne humaine et dans les événements qui forment l’histoire quotidienne des peuples. Son rôle après est de les accompagner tous vers la plénitude de vie en Jésus Christ, notre seul Sauveur. Marie est le modèle de cette plénitude, Elle la première croyante et première missionnaire du Christ: déjà, juste après l’Annonciation, elle l’amène avec elle à la rencontre d’Elisabeth, et ensuite elle l’offrira aux pasteurs et aux mages. Marie, modèle de demeure de Dieu, nous apprend qu’Il veut renouveler les personnes à partir de leur intime conscience, que le cœur de l’homme est la première et la meilleure crèche où il veut naître. Ce qui veut dire: dans le cœur de toute personne humaine!