Méditations pour le temps de l’Avent
Anselm Grün
Anselm Grün, moine bénédictin, est abbé du monastère de Münsterschwarzach en Allemagne. Docteur en théologie et psychologue, il est accompagnateur spirituel. Ses livres connaissent un grand succès en Europe. Plusieurs ont été traduits en français.
La veille
L’un de nos cantiques préférés, au temps de l’Avent, nous y invite : « Éveillez-vous, nous dit la voix. » L’éveil, c’est l’esprit même de l’Avent. Nous ne pouvons accueillir la venue de Dieu que si nous sortons du sommeil, si nous nous dépouillons des illusions que nous nous sommes faites sur la vie. L’Avent, ce n’est pas la fuite dans un beau rêve éveillé; c’est au contraire l’éveil à la réalité. La réalité authentique, c’est Dieu. Mais, parce que la plupart du temps nous dormons et nous errons dans quelque rêve éveillé, nous ne sentons pas que Dieu vient à nous, jour après jour, et que nous baignons entièrement dans sa présence aimante et secourable.
Cependant, il ne s’agit pas seulement de nous éveiller, mais d’adopter la veille comme attitude fondamentale. Le sens propre du verbe « veiller », c’est : rester en état d’éveil, de vigilance, pendant le temps où l’on est censé dormir. Veiller, c’est vivre consciemment chaque instant qui passe, être pleinement présent, vraiment vivant. La vigilance requiert la sobriété. Est vigilant celui qui ne s’étourdit pas, ni par des drogues, ni par l’esprit de consommation, ni par le divertissement. Pendant l’Avent, bien des gens s’étourdissent par une activité fébrile, qu’ils propagent autour d’eux. Ils pensent devoir alors expédier toute la correspondance qu’ils ont ajournée l’année durant. Contre cette anesthésie, l’on peut tenter de s’exercer, pendant l’Avent, à une autre attitude : celle de la sobriété et de la vigilance. Si l’on traverse en état de vigilance les zones piétonnières d’une ville, on comprendra combien superflue est l’agitation fébrile par laquelle tant de gens sont poussés à fuir la réalité authentique. L’état de veille et de vigilance nous apprend quel est le véritable enjeu des fêtes de Noël.
Au temps de l’Avent, nous nous entendons rappeler sans cesse les exhortations de l’Écriture : nous devons veiller, comme les « vierges sages » ou comme le serviteur fidèle, car nous ne savons pas quand le Seigneur va venir. Le Seigneur peut venir la nuit comme un fiancé qui nous invite à la fête. Si nous dormons, nous manquerons la fête de notre incarnation, de notre accession à la véritable humanité, à l’unité avec Dieu. Mais le Seigneur peut aussi venir la nuit comme un voleur : « Si le maître de maison avait su à quelle heure de la nuit le voleur devait venir, il aurait veillé et n’aurait pas permis qu’on perçât le mur de sa demeure. » (Matthieu, 24, 43). Pendant la nuit nous devons veiller, parce que le Seigneur n’annoncera pas sa venue. Il viendra à la dérobée, comme un voleur. Et c’est seulement si nous sommes éveillés, comptant heure après heure sur sa venue, que nous pourrons l’accueillir dans notre maison.
La veille, la vigilance, ce n’est pas l’attitude fondamentale qu’il nous faudrait adopter seulement pendant l’Avent. À Noël aussi nous entendons parler de ces bergers qui montaient la garde durant la nuit. C’est parce qu’ils veillaient qu’ils entendirent proclamer la Bonne Nouvelle de la naissance du Messie. Même la vigilance imprévue, involontaire, est bonne : si nous nous réveillons la nuit et ne pouvons plus nous rendormir, ne nous en défendons pas, mais saisissons cette occasion de veiller en toute conscience. Tendons l’oreille dans la nuit, dans le silence, vers notre cœur ! Que veut te dire Dieu ? Quel ange t’envoie-t-il pour t’annoncer une bonne nouvelle ? Peut-être commenceras-tu à comprendre pourquoi les moines ont toujours tellement aimé la veille de nuit. En effet, c’est précisément la nuit, quand nous veillons, que nous sommes sensibilisés au mystère de Dieu, qui cherche à nous empoigner.