II dimanche de l’Avent (B)

giovanni battista - Andrea_Mantegna

Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 1,1-8. 
Commencement de l’Évangile de Jésus, Christ, Fils de Dieu.
Il est écrit dans Isaïe, le prophète : Voici que j’envoie mon messager en avant de toi, pour ouvrir ton chemin. Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers.
Alors Jean, celui qui baptisait, parut dans le désert. Il proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés.
Toute la Judée, tous les habitants de Jérusalem se rendaient auprès de lui, et ils étaient baptisés par lui dans le Jourdain, en reconnaissant publiquement leurs péchés.
Jean était vêtu de poil de chameau, avec une ceinture de cuir autour des reins ; il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage. Il proclamait : « Voici venir derrière moi celui qui est plus fort que moi ; je ne suis pas digne de m’abaisser pour défaire la courroie de ses sandales. Moi, je vous ai baptisés avec de l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint. »

“Préparez le chemin du Seigneur!”

Les trois lectures de ce deuxième dimanche de l’Avent nous invitent à bien nous préparer à la venue du Seigneur. Isaïe souligne le besoin  «d’aplanir le chemin, de combler les ravins, de redresser les passages tortueux», Pierre et Jean Baptiste ajoutent qu’il est important de «convertir notre coeur». Il nous faut «embellir» notre maison pour bien accueillir le Seigneur.

Jean n’est pas allé au désert pour s’assoir en silence. Il a vécu une conversion profonde et il invite les autres à en faire autant. Il sait que le contact avec Dieu peut transformer notre vie et nous redonner la joie et l’espérance.

Le désert peut prendre des formes différentes : un lieu retiré où il devient possible d’entendre ses voix intérieures, une église et sa communauté chrétienne qui nous invitent au recueillement et au partage, un groupe de réflexion où l’on construit avec d’autres notre vision du monde, un site Internet qui ouvre des nouveaux horizons et nous met en contact avec d’autres chercheurs de sens, une oeuvre d’art ou une pièce musicale qui nous amène à aller plus loin au dedans de nous-mêmes, etc.

Le désert est l’endroit qui nous permet de diminuer le volume des bruits discordants qui nous agressent de toutes parts. C’est l’environnement qui nous met en position d’écoute, de veille et d’attente.

Toutes les attentes ne sont pas bénéfiques et certaines ne servent à rien. Dans la très belle pièce de théâtre de Samuel Becket : Waiting for Godot (En attendant Godot) quelques personnes sont assises par terre et parlent, pendant toute la pièce, de la venue prochaine de Godot. Ils soulignent l’importance de sa venue. Vers la fin, quelqu’un entre et leur dit que Godot est arrivé dans le village voisin. L’un des personnages s’exclame : «il faut aller le retrouver…» mais personne ne bouge. Ils restent assis et continuent à parler pendant que le rideau tombe et que la pièce prend fin. Une telle attente passive, remplie de verbiage vide, ne sert absolument à rien, dit Becquet.

Il existe une autre sorte d’attente, qui met les gens sur pied et provoque l’engagement, la planification constructive, l’espérance ouverte sur l’avenir, et la joie communicative. C’est, par exemple, l’attente de parents qui se préparent à la naissance d’un enfant. Ils peinturent la chambre, trouvent un berceau et un petit lit, décorent les murs, achètent des vêtements pour l’enfant qui va naître, se réjouissent avec leurs parents et leurs amis. Ils font tout pour que cette naissance soit célébrée dans la joie. C’est un modèle de l’attente dont parle l’évangile.

Noël, est est la fête de la venue de Dieu parmi nous : «Préparez les chemins du Seigneur, aplanissez sa route». Sans cet effort, nous risquons de nous laisser prendre par le clinquant des grands magasins et de rater complètement la venue du Seigneur. Comme le dit Jean baptiste, Dieu viendra chez-nous si nous lui préparons le chemin. Dans notre pays de froid, de glace et de neige, nous savons que préparer une route demande beaucoup de travail. Pendant toute la période d’été, les programmes de réparation se multiplient à travers le pays, afin de remettre les routes en bonne condition avant que la neige ne recouvre le sol.

Sur la route de notre vie, le temps a multiplié les trous, les bosses, les nids de poule. Il y a des courbes trop raides et des dénivellations trop accentuées. Il s’agit donc de redresser, aplanir, réparer, illuminer, repaver. Nous sommes invités aujourd’hui à regarder notre vie pour voir ce qui doit être amélioré ou refait à neuf, afin de permettre au Seigneur d’arriver jusqu’à nous. Qu’est-ce que nous pourrions changer pour être plus fraternel, plus chrétien, plus humain ?

L’Avent est un temps d’attente, de préparation, de conversion. Il s’agit de tourner le dos au passé et de miser sur le présent et sur l’avenir, de changer la vision que nous avons de nous-mêmes, afin de devenir meilleurs. C’est une affaire de cœur. C’est une invitation à «préparer les chemins du Seigneur».

Yvon-Michel Allard, s.v.d.
http://www.cursillos.ca

Conversion

Face à la frénésie suscitée par l’approche de la fin-d’année, il est bon d’entendre à nouveau la réflexion de saint Pierre qui nous disait au début de la première lecture: “Bien-aimés, il y a une chose que vous ne devez pas oublier : pour le Seigneur, un seul jour est comme mille ans, et mille ans sont comme un seul jour.” Pour Dieu nous en sommes donc à l’aube du troisième jour de l’ère chrétienne. Il n’y a donc pas de quoi s’émouvoir outre mesure!

Pierre, cependant, nous exhorte à attendre avec impatience la venue du jour de Dieu, où les éléments en feu se désagrégeront, alors que nous attendons, selon la promesse, un ciel nouveau et une terre nouvelle. Et que devons-nous faire durant cette attente? “Faites tout, dit Pierre, pour que le Christ vous trouve nets et irréprochables, dans la paix”.

La paix! Elle est bien loin de notre humanité. On ne compte plus les foyers de guerre à travers le monde. Il y a celles autour de laquelle on fait beaucoup de bruit et celles que Jean-Paul II appelait les “guerres oubliées”, c’est-à-dire celles qui durent depuis des années et dont on ne parle plus.

Meurtrie par tant de guerres et par toutes les misères qui s’ensuivent, notre humanité a grand besoin de consolation. Aussi, viennent tout à fait à propose les paroles du Livre de la Consolation en Isaïe (1ère lecture): “Consolez, consolez mon peuple, dit Dieu. Parlez au coeur de Jérusalem et proclamez que… son crime est pardonné.” Le Seigneur, dit encore Isaïe “vient avec puissance et son bras est victorieux”. Que veut dire que “son bras est victorieux” ? Viendrait-il comme un guerrier puissant? — Non, la suite du texte nous dit au contraire qu’il vient comme un berger et que “son bras rassemble les agneaux, il les porte sur son coeur, et il prend soin des brebis qui allaitent leurs petits”.

Encore faut-il que cette venue du Seigneur qui vient consoler son peuple soit préparée. Une voix, dit encore le prophète, proclame: “Préparez à travers le désert le chemin du Seigneur. Tracez dans les terres arides une route aplanie pour notre Dieu. Tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées, les passages tortueux deviendront droites et les escarpements seront changées en plaine. Alors la droite du Seigneur se révélera…

Les montagnes à abaisser et les ravins à combler à l’approche (du Seigneur), ce sont les montagnes de richesses des pays développés et les ravins de pauvreté des autres pays qui ne sont même plus “en voie de développement”. Tant que ces écarts qui ne cessent de s’accroître n’auront pas été comblés, tant que les chemins tortueux que suivent les tractations entre l’un et l’autre groupe n’auront pas été redressés, Dieu restera absent de notre monde, même s’Il continuera toujours d’habiter les coeurs pauvres et pacifiques. Des confrontations, comme celles qui se produisent aujourd’hui entre les intérêts et les philosophies des blocs de nations, ne pourront que progresser dans la voie de la “terre brûlée” et de la “destruction”, dont parlait déjà Isaïe s’il n’y a pas une conversion des coeurs et des habitudes de vie.

Conversion: C’est le premier mot du message de Jean-Baptiste, comme ce sera le premier mot du message de Jésus. Jean “proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés” nous dit Marc. Et nous savons par le texte parallèle de Luc ce que Jean entendait par “conversion”. Aux foules qui lui demandaient: “Que nous faut-il donc faire?” il répondait: “Si quelqu’un a deux tuniques, qu’il partage avec celui qui n’en a pas; si quelqu’un a de quoi manger, qu’il fasse de même.” Aux collecteurs d’impôts il disait: “N’exigez rien de plus que ce qui vous a été fixé” et aux militaires: “Ne faites ni violence ni tort à personne”. Nous avons là tout un programme pour l’Année Jubilaire.

Espérons que les nations riches sauront aplanir les montagnes et combler les ravins en répondant à l’appel venu de tant de côtés d’abolir la dette des pays pauvres. Mais combien de dettes chacun de nous n’a-t-il pas à abolir en son coeur?

Les chemins droits que nous construirons entre nous seront ceux que l’Emmanuel prendra pour venir à nous.

Armand Veilleux
http://www.scourmont.be

Notre expérience spirituelle de l’Avent est liée principalement à trois personnages qui nous préparent à notre rencontre avec le Christ: le Prophète Isaïe, Jean le Baptiste et Marie. Chacun des trois a vécu une relation missionnaire toute particulière avec le Sauveur attendu: Isaïe l’annonce, Jean en indique la présence, et Marie nous en fait le don. D’autres personnages ont vécu un rapport spécial avec Jésus: c’est le cas de St. Joseph, de Zacharie, Elisabeth, Siméon, Anne… En terre d’Israël l’attente d’un Messie était bien grande parmi tous ceux que la Parole de Dieu définit comme étant les ‘pauvres de Yahvé’. Cela malgré toutes les espérances bien trop humaines qui s’y mélangeaient.

Aujourd’hui encore, l’espérance est une valeur qui accuse une forte crise. De nombreuses personnes n’ont pas une idée de ce qui serait leur plus grand bien, en vue d’une vraie croissance spirituelle. Dans une pièce de théâtre, ‘En attendant Godot’, devenue emblématique de notre temps, l’auteur irlandais Samuel Beckett (prix Nobel de Littérature 1969), dénonce l’absurdité de la condition humaine. La pièce est construite entièrement sur la longue attente d’un personnage important, mais inconnu, tout à fait incertain dans son profil. A l’heure où le personnage annoncé semble imminent, la dernière expression dans la bouche des acteurs, ‘eh bien, allons-y’, trahit une conviction plus qu’incertaine. Le texte de la scène dit: ‘personne ne bouge’. Ils ne s’ouvrent pas à la rencontre, ils restent enfermés en eux-mêmes. La longue attente se révèle n’être que pure illusion.

On ne peut pas en dire autant de l’espérance chrétienne, qui est tout un dynamisme nous ouvrant sur une Personne précise. Il s’agit du Sauveur de tous, il porte un nom et un visage bien définis: son nom est Jésus Christ. Il est le centre de toute l’annonce missionnaire de l’Eglise. C’est de Lui que parle l’Evangéliste Marc, dès le “début de l’Evangile de Jésus-Christ, le Fils de Dieu” (Mc 1,1)

LeProphète Isaïe, ou second Isaïe, veut ouvrir le cœur du peuple à l’espérance dans un avenir de liberté par un retour dans le Pays d’origine. Il dit: ‘Notre esclavage à Babylone n’est plus, c’est fini!’ (I lecture). La consolation que le Prophète annonce avec insistance (v. 1) n’est pas que des mots, mais donne des indications pour préparer une nouvelle route pour le Seigneur dans le désert. Non seulement, mais Dieu-même se fait pasteur qui réunit son troupeau et le guide avec amour (v. 11). Message de différentes ‘bonnes nouvelles’ à annoncer à haute voix (v. 9). Jean le Baptiste (Evangile) rend plus concret encore le message d’Isaïe: il prépare lui-même la route pour le Seigneur (v. 3), ‘par l’annonce d’un Baptême de conversion’ (v. 4), la présence de quelqu’un qui est plus fort que lui (v. 7) : il baptisera dans l’Esprit Saint (v. 8).Cette annonce missionnaire, ainsi que la préparation d’une nouvelle route pour le Seigneur ‘dans le désert’, change complètement le panorama spirituel du croyant. C’est ainsi que s’ouvrent les cieux nouveaux et une terre nouvelle’(II lecture, v. 13). Une nouvelle réalité que porte déjà présente en elle la Vierge Marie, parfaitement pure, sans tache’(v. 14): l’Immaculée (8 décembre).

Même St. François Xavier (fêté le 3 décembre), missionnaire en Inde et au Japon voici presque cinq siècles, sentait toute l’urgence d’annoncer Jésus Sauveur. Il écrivait: «Des gens en très grand nombre, ici, ne se convertissent pas pour la seule raison que personne n’est disponible pour faire d’eux des chrétiens. Très souvent j’avais envie de parcourir les Universités d’Europe, celle de Paris particulièrement, et crier partout comme un fou pour secouer tous ceux qui ont beaucoup plus de science que de charité, et leur dire: ‘Combien d’âmes, hélas!, sont exclues du Ciel par votre seule faute, et sont condamnées à l’enfer!’. S’ils voulaient bien se donner de la peine pour cela, autant qu’ils s’occupent de lettres! Ils pourraient rendre mieux compte à Dieu de la science et des talents reçus!»

Si l’on peut avoir en effet quelques réserves sur le langage théologique de l’époque de St. François Xavier, personne ne peut quand-même douter de l’urgence, aujourd’hui encore, de susciter de nouvelles vocations missionnaires. Hommes et femmes dévoués, auprès de tous les peuples, à l’annonce de Jésus Christ, Seigneur et Sauveur. Le monde en a le plus grand besoin. Des tragédies encore récentes, vécues en Italie, en Inde, au Nigeria en sont une preuve de plus. La prière de l’Avent –Viens, Seigneur!– est plus actuelle que jamais. (*) Mais le Christ veut arriver aux autres, à tous, par notre intermédiaire aussi, par notre témoignage, par notre parole.