SACRE CŒUR DE JESUS :
UN RETOUR AUX SOURCES DE NOTRE ETRE COMBONIEN
P. Elias Sindjalim

Le chemin de la Ratio Missionis nous a fait réaffirmer une fois encore le Sacré Cœur comme un élément non négociable de la spiritualité combonienne, c’est-à-dire un élément significatif faisant parti de notre identité qui marque notre relation avec Dieu. Cette dimension du Cœur transpercé du Bon Pasteur a toujours été au cœur de notre histoire combonienne et aussi de notre spiritualité. Fêter le Sacré Cœur ensemble comme famille combonienne est une forme d’expression forte de ce que nous sommes et de ce que nous voulons être.

Je voudrais saisir l’occasion de cette fête et surtout à travers cette réflexion pour nous inviter à faire un saut dans notre histoire afin de boire vraiment aux sources de notre spiritualité et aux sources de ce Cœur qui est vraiment le reposoir de toutes grâces. Avec Comboni approchons nous de ce Cœur.

Je vais subdiviser cette méditation en quatre parties :

  •  L’expérience forte et charismatique de Marguerite Marie Alacoque
  • Le Sacré Cœur dans l’expérience spirituelle de Daniel Comboni.
  • Le Sacré Cœur dans la tradition de l’institut combonien
  • La situation actuelle et quelques exhortations.

1. L’expérience forte et charismatique de Marguerite Marie Alacoque

Marguerite Marie Alacoque fait une expérience charismatique (ainsi appelé car c’est un don de l’Esprit Saint) qui l’amène à gouter la douceur de l’amour de Dieu pour elle et pour toute l’humanité. Au faite, avoir une dévotion profonde pour le Sacré Cœur n’est autre chose que cette expérience de la découverte de l’amour de Dieu. Cette découverte de fait dans la contemplation de ce Cœur. Trois grands moments ont marqué cette expérience dans la vie de Marguerite Marie Alacoque:

Le 27 décembre 1673 en la fête de Saint Jean l’évangéliste (le disciple que Jésus aimait), ce fut la première grande révélation du Sacré Cœur de Jésus à Marguerite Marie Alacoque (religieuse à 24 ans) à Paray-le-Monial : « il me fit reposer longtemps sur sa divine poitrine, où il me découvrit les merveilles de son amour, et les secrets inexplicables de son Sacré Cœur, qu’il m’avait toujours tenus cachés. »

Un des premiers vendredis du mois de 1674, Jésus manifeste son Cœur une deuxième fois à celle qu’il nomme à présent « sa disciple bien-aimée.» Il lui demande de s’unir à son agonie par une heure sainte dans les nuits du Jeudi au vendredi et, aussi, de le consoler de l’ingratitude de tous. (Prière réparatoire)

Au cours de l’octave de la Fête Dieu de l’année 1675, c’est la grande révélation : « voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes, qui n’a rien épargné jusqu’à s’épuiser et se consumer pour leur témoigner son amour ; et pour reconnaissance, je ne reçois de la plupart que des ingratitudes, par leur irrévérences et leur sacrilèges et par les froideurs et les mépris qu’ils ont pour moi dans ce sacrement d’amour.» Au cours de cette révélation Jésus demande aussi que le vendredi suivant l’octave du Saint Sacrement soit dédié à une fête particulière pour honorer son Cœur.

Les Promesses du Sacré Cœur à tous ceux qui l’honorent

“J’invite tous les fidèles à poursuivre avec piété leur dévotion au culte du Sacré-Cœur de Jésus, en l’adaptant à notre temps, pour qu’ils ne cessent d’accueillir ses insondables richesses, qu’ils y répondent avec joie en aimant Dieu et leurs frères, trouvant ainsi la paix, entrant dans une démarche de réconciliation et affermissant leur espérance de vivre un jour en plénitude auprès de Dieu, dans la compagnie de tous les saints (cf. Litanies du Sacré-Cœur).” Jean-Paul II, extrait de la Lettre adressée aux pèlerins de Paray-le-Monial et envoyée aux évêques de France, le 14 juin 1999.

La Grande Promesse du Sacré Cœur de Jésus

“Je promets, dans l’excès de la miséricorde de mon Cœur, que mon amour tout-puissant accordera à tous ceux qui communieront le premier vendredi du mois, neuf mois de suite, la grâce de la pénitence finale. Ils ne mourront point dans ma disgrâce, ni sans recevoir les Sacrements, et mon Cœur se rendra leur asile assuré à cette dernière heure”.

Les 12 Promesses de Notre Seigneur aux dévots de son Sacré Cœur

1) Je leur donnerai toutes les grâces nécessaires à leur état.

2) Je mettrai la paix dans leurs familles.

3) Je les consolerai dans toutes leurs peines.

4) Je serai leur refuge assuré pendant la vie et surtout à la mort.

5) Je répandrai d’abondantes bénédictions sur toutes leurs entreprises.

6) Les pécheurs trouveront dans mon Cœur la source et l’océan infini de la miséricorde.

7) Les âmes tièdes deviendront ferventes.

8) Les âmes ferventes s’élèveront à une grande perfection.

9) Je bénirai les maisons où l’image de mon Sacré Cœur sera exposée et honorée.

10) Je donnerai aux prêtres le talent de toucher les cœurs les plus endurcis.

11) Les personnes qui propageront cette dévotion auront leur nom écrit dans mon Cœur, où il ne sera jamais effacé.

12) Je promets, dans l’excès de la miséricorde de mon Cœur, que mon amour tout-puissant accordera à tous ceux qui communieront le premier vendredi du mois, neuf mois de suite, la grâce de la pénitence finale. Ils ne mourront point dans ma disgrâce, ni sans recevoir les Sacrements, et mon Cœur se rendra leur asile assuré à cette dernière heure.

2. Le Sacré Cœur dans l’expérience spirituelle de Daniel Comboni

Comboni découvre la dévotion du Sacré Cœur à l’institut de Don Mazza qui l’avait introduite à Vérone en 1833. En 1834 à l’institut Don Mazza on célébrait déjà la fête liturgique du Sacré Cœur même si elle n’était pas encore étendue à l’Eglise universelle. Cette pratique à l’institut eu un effet indélébile dans le cœur de Comboni. La preuve de cette marque indélébile se retrouve dans le fait que Comboni signe parfois ses lettres « je me dis dans les Cœurs de Jésus et de Marie». En 1877 quand Comboni devint Vicaire Apostolique de l’Afrique Centrale il voulut dans ses armoiries épiscopales les Cœurs de Jésus et de Marie. En 1864 au cours de son expérience charismatique sur la tombe de St. Pierre dans les préparatifs de la béatification de Marguerite Marie Alacoque, sa relation avec ce Cœur connaît un saut qualitatif. Par une grâce venant de ce Cœur, il obtint l’illumination du plan.

Cette expérience du Cœur de Jésus et la dévotion profonde que Comboni a pour ce Cœur ne se limite pas seulement à l’aspect de récitations de formules, de prières, de neuvaines etc.… Comboni fait une expérience spirituelle profonde du Cœur de Jésus qui l’apporte à chercher toujours à faire siens les sentiments du Christ au Cœur transpercé, ce Bon Pasteur. On peut dire que le Cœur transpercé du Christ est sa source d’amour et de zèle missionnaire pour l’Afrique. Comboni ressent ce que le Christ Bon Pasteur ressent pour le peuple Africain et donc il répond à ces sentiments par un engagement apostolique plein de zèle. C’est de cette expérience que nait pour Comboni ce lien intime entre le Cœur du Christ et le Bon Pasteur. Pour Comboni ce Cœur du Christ n’est autre chose que le Cœur du Bon Pasteur : Cœur du Christ Bon Pasteur. Il y a ici une dimension pastorale profonde. Le Divin Cœur ramène au bercail du salut toutes les brebis égarées. (10 Octobre 1872)

Comboni reçoit le Cœur transpercé comme une spéciale révélation de l’amour de Dieu le Père. C’est dans la contemplation de ce Cœur qu’il découvre qu’il a reçu un appel, un don de l’Esprit qui le configure au Christ selon une modalité particulière et qui l’envoie pour un type particulier de service de l’Eglise et du monde. Autrement dit, le Christ s’est révélé et communiqué à Comboni à travers la médiation de son Cœur de Bon Pasteur, transpercé pour les plus pauvres et les plus abandonnés.

3. Le Sacré Cœur dans la tradition de l’institut des missionnaires comboniens.

Le mystère du Christ, tout en restant au delà de notre intelligence, nous est révélé et communiqué à travers le symbole de son Cœur. Le Sacré Cœur est donc une icône, un symbole fort du mystère du Christ.

Dans l’expérience spirituelle de Comboni, le Christ a été perçu et intériorisé à travers son Cœur. Le Cœur transpercé du Bon Pasteur a servi de médiation au mystère du Christ. C’est à travers cette icône que Comboni entre, se plonge dans le mystère du Christ. Les comboniens dans la tradition de l’institut ont toujours donné de l’importance à ce trésor et pour preuve je prends seulement deux éléments pour illustrer un peu ce que le Sacré Cœur a été pour les comboniens. Deux expériences fortes :

Le chapitre de la réunification des deux branches de 1979 : les comboniens se sont explicitement engagés à continuer et à rénover la tradition; ainsi un signe clair a été donné dans le choix de conserver la référence du Sacré Cœur dans le nom de l’institut. Le choix est un signe clair et fort que cet élément spirituel fait parti de l’identité spirituelle du combonien.

Témoignage d’un confrère âgé  (le témoignage est plus vivant et plus parlant que tout autre chose): “Durant notre formation, on ne développait pas une théologie du Sacré Cœur à proprement parler. On lisait Sainte Marguerite-Marie, les révélations de Paray-le-Monial, le Bienheureux de la Colombière, des livres édifiants sur la bonté et la miséricorde de Jésus. On méditait beaucoup l’Evangile et on arrivait ainsi à découvrir l’immense amour de Dieu pour nous, dont le sommet se trouve sur la croix dans le côté déchiré de Jésus. Nous étions aidés par les instructions en commun et en privé du Père Maître et du Père Spirituel et par l’étude des Règles qui invitaient à la pratique de la charité, du zèle et du sacrifice, vertus propres du Sacré Cœur “.

” A la dévotion du Sacré Cœur, nous étions stimulés aussi par la lecture de la vie de Comboni qui en avait été le héraut et le maître.”

” Mais ce qui nous faisait approfondir la dévotion et l’augmentait, c’étaient les pratiques qui se multipliaient dans notre vie, que ce soit par règle ou par l’initiative individuelle.”

” C’était une dévotion faite d’adoration, mais surtout de réparation selon les visions de Sainte Marguerite-Marie et suivant la liturgie de la fête duSacré Cœur.”

” Adoration et réparation occupaient la fête solennelle du Sacré Cœur, dont le sommet était la procession eucharistique. La fête était précédée d’une neuvaine solennelle. Tout le mois du Sacré Cœur était basé sur la méditation et sur les lectures pieuses qui incitaient l’âme à l’amour et à la réconciliation. Le premier vendredi du mois était consacré à l’adoration, précédée la veille au soir de l’heure sainte. Tous les vendredis, il y a avait une célébration sur le Sacré Cœur avec le chapelet et les litanies que’on répétait chaque jour dans les visites privées. Tous les jours, on récitait le petit office du Sacré Cœur et l’offrande de la journée avec la formule de l’Apostolat de la Prière.”

” En mission, c’est surtout la pratique du premier vendredi qui a aiguillonné la dévotion au Sacré Cœur de Jésus. C’était un des piliers de notre pastorale et l’occasion de grands rassemblements de fidèles qui venaient même de très loin.”

” Je suis heureux de donner l’exemple de la chapelle de Warr, quand elle n’était pas encore paroisse et n’avait pas de prêtres à demeure. On a commencé à expliquer et à exhorter. Les premiers mois, le prêtre venait le jeudi et avait beaucoup à confesser. Au bout de quelque temps il devint nécessaire de commencer les confessions dès le lundi matin et, avec huit ou neuf heures de confessionnal chaque jour, on n’arrivait pas à satisfaire aux exigences de tout le monde. On est arrivé jusqu’à 900-1000 communions chaque premier vendredi. Et ce n’est pas seulement la foule des bons qui venait ; il eut aussi des conversions retentissantes de polygames, de gens éloignés depuis des années…”

” L’autre initiative était la consécration des familles au Sacré Cœur; pour les nouveaux mariés elle se faisait le jour du mariage, pour les autres qui la demandaient, c’était durant le safari ou la visite aux villages. Elle était toujours accompagnée d’une catéchèse et du cadeau d’une image du Sacré Cœur qu’ils accrochaient au mur de leur cabane et qui les aidait à prier”.

4. La situation actuelle et quelques exhortations.

Cette richesse spirituelle de l’institut n’a pas eu la même résonnance dans les cœurs des futures générations. Il semble que la tradition du Sacré Cœur, cette riche et profonde tradition, est en train de se perdre par manque de transmission aux générations successives. Voici l’évaluation qui a été faite en 1982.

Assemblée Intercapitulaire de 1982

Durant l’Assemblée Intercapitulaire de 1982 les Pères Provinciaux et les membres de la Direction Générale ont été invités à évaluer l’influence de la spiritualité du Cœur du Christ dans leurs provinces respectives, à en décrire les difficultés et à offrir des suggestions. Les réponses peuvent être synthétisées :

Difficultés

En général le culte du Cœur du Christ est décliné et certaines pratiques de dévotion sont quasi disparues, tant sur le plan de l’église locale que sur celui de la congrégation. La référence explicite au Cœur de Jésus dans notre nom officiel se trouve interprétée par certains comme un « compromis » plutôt qu’un signe de fidélité au Fondateur et à l’histoire de la congrégation.

Objections

Les objections les plus fréquentes ont été : dans certaines provinces, la dévotion au Cœur du Christ est le drapeau de groupes fortement conservateurs. Certaines pratiques, comme les premiers vendredis du mois, sont liées à une conception de l’Eucharistie qui, après Vatican II, est maintenant dépassée. La communion eucharistique est aujourd’hui un usage très répandu : le rythme mensuel n’a plus de sens et l’insistance sur le nombre neuf a saveur de superstition. L’adoration eucharistique, vécue pendant un temps comme dévotion au Cœur de Jésus, est pratiquée aujourd’hui avec des motivations diverses, comme partie intégrante du rapport personnel avec le Christ et comme prolongement de la Messe.

Il semble à certains que le culte du Cœur du Christ est lié à une période historique (du Jansénisme) maintenant dépassée et à un langage théologico-dévotionnel qui aujourd’hui non seulement ne dit plus rien, mais qui finit bel et bien par irriter, surtout les jeunes.

Pour d’autres, cette dévotion est dépassée, c’est une pratique de l’Eglise d’Occident ; tenter de la reprendre dans les jeunes Eglises, cela apparaîtrait comme un colonialisme spirituel. Enfin, surtout les jeunes doutent qu’il soit nécessaire de se lier au symbolisme du Cœur pour arriver au Christ ; ils ont même l’impression que ce symbolisme engendre une vision très réductrice de la personnalité du Christ : elle serait donc nocive pour la rencontre avec lui.

Pour résumer, nous pouvons réduire toutes ces difficultés à quatre éléments : évolution du langage, changement culturel, conceptions théologiques dépassées ou insuffisantes, malaise devant une activité missionnaire qui répand les dévotions particulières à une Eglise.

Suggestions

Les participants à l’Assemblée intercapitulaire, ont fait preuve d’une grande convergence de vues sur quelques lignes directrices. Avant tout, il faut approfondir et établir dans la vérité la manière dont Comboni a vécu la spiritualité du Cœur de Jésus et quel type d’influence celle-ci a exercé sur son expérience spirituelle et missionnaire. Il est aussi nécessaire de faire clairement le lien entre Cœur du Christ Bon Pasteur et expérience de la Croix.

Comme le suggère la Règle de Vie (no 3.1), il faut tenir compte de l’identité culturelle, spirituelle, théologique et liturgique de chacune des Eglises locales ; prévoir par conséquent un certain pluralisme d’expression.

Une sensibilité et une ouverture plus grandes à la richesse qui s’exprime dans la religiosité populaire peuvent favoriser une réappropriation du culte du Cœur de Jésus. Toujours dans la ligne de la Règle de Vie (no 3.2), il nous faut être plus attentifs aux « attitudes » du Cœur du Christ qu’aux « pratiques » de dévotion, même s’il est vrai que sans quelque « pratique » la communauté combonienne n’a pas l’occasion de conserver vivante et d’actualiser la « mémoire ». En effet, l’abandon des pratiques traditionnelles sans formes de substitution a laissé un vide dont les effets négatifs ne peuvent être sous-évalués. Il faut donc multiplier les occasions de prière, de réflexion et de contemplation.

Avec cette évaluation on peut dire que si on ne trouve pas de nouvelles façons de transmission de cette riche tradition et de cette partie de notre identité spirituelle, on risque de se retrouver dans quelques décennies seulement avec l’enveloppe, ayant perdu la lettre d’amour qui s’y trouvait. On portera toujours dans notre nom la référence au Sacré Cœur sans que cela affecte notre vie de tous les jours, sans que cela fasse partie de notre identité spirituelle.

Acte de consécration au Sacré-Cœur de Jésus
par sainte Marguerite-Marie

Je N… N… me donne et consacre au Sacré-Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ, en ma personne et ma vie, mes actions, peines et souffrances, pour ne plus vouloir me servir d’aucune partie de mon être que pour l’honorer, aimer et glorifier.
C’est ici ma volonté irrévocable que d’être tout à lui et de faire tout pour son amour, en renonçant de tout mon cœur à tout ce qui lui pourrait déplaire. Je vous prends donc, ô Sacré-Cœur, pour l’unique objet de mon amour, le protecteur de ma vie, l’assurance de mon salut, le remède de ma fragilité et de mon inconstance, le réparateur de tous les défauts de ma vie, et mon asile assuré à l’heure de ma mort.
Soyez donc, ô Cœur de bonté, ma justification envers Dieu votre Père, et détournez de moi les traits de sa juste colère. O Cœur d’amour je mets toute ma confiance en vous, car je crains tout de ma malice et de ma faiblesse, mais j’espère tout de votre bonté. Consommez donc en moi tout ce qui vous peut déplaire ou résister, que votre pur amour vous imprime si avant dans mon cœur que jamais je ne vous puisse oublier, ni être séparé de vous, que je conjure, par toutes vos bontés, que mon nom soit écrit en vous, puisque je veux faire consister tout mon bonheur et toute ma gloire à vivre et à mourir en qualité de votre esclave.