4ème dimanche de Pâques – Année A
Jean 10,1-10
le Bon Pasteur

Références bibliques
- Lecture des Actes des Apôtres : 2. 14 à 41 : “C’est pour vous que Dieu a fait cette promesse.”
- Psaume 22 : “Je ne crains aucun mal car tu es avec moi.”
- Première lettre de saint Pierre : 1 Pierre 2. 20 à 25 : “ Il vous a laissé son exemple afin que vous suiviez ses traces.”
- Evangile selon saint Jean : 10. 1 à 10 : “Il marche à leur tête et elles le suivent car elles connaissent sa voix.”
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Jésus parlait ainsi aux pharisiens : ” Amen, amen, je vous le dis : celui qui entre dans la bergerie sans passer par la porte, mais qui escalade par un autre endroit, celui-là est un voleur et un bandit.
Celui qui entre par la porte, c’est lui le pasteur, le berger des brebis. Le portier lui ouvre, et les brebis écoutent sa voix. Ses brebis à lui, il les appelle chacune par son nom, et il les fait sortir.
Quand il a conduit dehors toutes ses brebis, il marche à leur tête, et elles le suivent, car elles connaissent sa voix. Jamais elles ne suivront un inconnu, elles s’enfuiront loin de lui, car elles ne reconnaissent pas la voix des inconnus. »
Jésus employa cette parabole en s’adressant aux pharisiens, mais ils ne comprirent pas ce qu’il voulait leur dire.
C’est pourquoi Jésus reprit la parole : « Amen, amen, je vous le dis : je suis la porte des brebis. Ceux qui sont intervenus avant moi sont tous des voleurs et des bandits ; mais les brebis ne les ont pas écoutés.
Moi, je suis la porte. Si quelqu’un entre en passant par moi, il sera sauvé ; il pourra aller et venir, et il trouvera un pâturage.
Le voleur ne vient que pour voler, égorger et détruire. Moi je suis venu pour que les hommes aient la vie, pour qu’ils l’aient en abondance.
PASTEUR ET BREBIS
par Marcel Domergue
Pourquoi proposer le discours de Jésus sur le « bon pasteur » pour nous faire entrer dans le mystère de Pâques ? À première vue, cette opposition des mauvais ou des faux bergers, avec l’unique vrai pasteur n’a pas grand-chose à voir avec la mort et la résurrection de Jésus. L’objection n’est pas sans pertinence si nous nous contentons de voir le Pasteur comme un gourou, un maître de morale qui enseigne ce qu’il faut faire et ne pas faire. L’expression « suivre le Christ », suivre le Berger, peut nous entretenir dans cette interprétation insuffisante. Certes, nous avons à prendre le Christ pour modèle, mais plus encore nous devons le considérer comme celui qui ouvre une route. Les images « entrer et sortir » vont dans ce sens. À force de concentrer notre attention sur ce qui arrive à Jésus en cette Pâque, nous risquons de perdre de vue le fait qu’il n’est pas obligé d’en passer par là : s’il le fait, c’est d’une part parce que c’est le destin que nous lui réservons, d’autre part pour nous ouvrir une route vers la Vie. Il entre dans notre « bergerie » en devenant homme. Il y entre comme chez lui, sans effraction : « Il est venu chez lui et les siens ne l’ont pas reçu », écrit Jean en 1,11. Mais s’il vient dans notre bergerie, c’est pour ouvrir les portes et nous faire sortir (10,3). Les portes de la mort. Derrière ces images, le récit de l’Exode d’Israël, qui trouve son accomplissement dans le « passage » du Christ.
La voix du pasteur
Une voix qui nous appelle chacun par notre nom (verset 3). Voilà qui nous prémunit contre l’idée d’un « salut » abstrait donné à un « genre humain » qui ne l’est pas moins. En Dieu, on l’a répété, le particulier (moi) et l’universel (tous pris globalement) ne sont pas contradictoires. Ce que l’Évangile appelle « Royaume de Dieu », c’est le corps total de l’humanité constitué par l’apport de chacun des membres appelé « par son nom » et nécessaire à l’intégrité du corps unique. Mais l’individu tire sa subsistance et sa valeur de l’ensemble du corps. La voix qui nous appelle, nous la reconnaissons, dit le verset 4. C’est que cette voix est en nous plus qu’ancienne. Elle est la Parole du commencement, celle qui nous a donné l’existence et la vie, celle qui nous maintient dans l’être. Non pas une voix étrangère, mais plus intime en nous que notre intimité, selon les mots de saint Augustin. Nous avons du mal à croire que cette voix nous ouvre la porte, qu’elle nous fait sortir de l’enclos de la mort ; c’est pourquoi l’évangéliste note que les auditeurs de Jésus ne comprennent pas le sens de la parabole du berger. Cependant Jésus annonce la réussite de l’entreprise : en fin de compte les brebis reconnaîtront le vrai pasteur et, dit la suite du texte (verset 16, hors lecture), il n’y aura qu’un seul troupeau, qu’un seul berger. La vie, celle de la renaissance dans la résurrection, sera donnée en abondance (verset 10).
Vrai pasteur, faux pasteurs
N’OUBLIONS PAS que nous sommes dans une parabole : les détails ne sont pas toujours à prendre au pied de la lettre. Quel bon pasteur nous décrit Jésus ? Un pasteur qui n’existe pas dans la réalité de l’élevage.Quel pasteur ne vit pas de l’exercice de son métier, donc de la chair et du sang de son troupeau ? Déjà Ézéchiel 34, dont notre parabole s’inspire et qu’elle accomplit, mettait en scène des bergers irréels qui ne vivaient pas de leur troupeau. C’est que le pasteur dont parle le Christ et qu’Ézéchiel pressentait est un pasteur qui, loin de se nourrir de ses brebis, donne sa vie pour elles (verset 15, hors lecture). Le troupeau vit de la chair et du sang du berger. Comme toujours, l’Évangile opère une subversion, un renversement de nos catégories.Ainsi celui qui est le Seigneur se fait serviteur et c’est en se faisant serviteur qu’il devient vraiment seigneur, mais seigneur au-dessus et au-delà de toute seigneurie. C’est pourquoi il n’y a qu’un seul bon berger ; il est berger d’une manière inouïe, unique. Mais que penser de la condamnation des pasteurs venus avant le Christ (verset 8) ? Je pense que Jésus veut parler de tous ceux qui ont essayé de mettre la main sur le troupeau, de réduire les hommes au statut d’objets utilisables : « force de travail », « gent de production », etc. Le vrai pasteur conduit son troupeau vers les eaux du repos et les verts pâturages. Le repos du septième jour dans l’univers de la résurrection.
Homélie de Maurice Zundel
Homélie de Maurice Zundel à des enfants, donnée à Lausanne en 1955. Publiée dans Ta Parole comme une source, p. 337-340.
Aujourd’hui, nous disons que c’est le dimanche du Bon Pasteur. Nous disons que Jésus est le bon berger qui garde ses brebis et qui donne sa vie pour elles et c’est une chose magnifique. Mais est-ce que vous n’êtes pas, vous aussi, les bergers du Bon Dieu? Est-ce que Jésus n’est pas représenté lui-même comme un agneau, comme une brebis qui cherche son berger, qui cherche son pasteur?
Et c’est cela justement qu’il faut retenir aujourd’hui de cette fête du Bon Pasteur : c’est que, non seulement Jésus est le Bon Pasteur qui garde ses brebis, mais c’est que chacun de vous est le berger, le berger de cet agneau, de cet agneau qui donne la vie au monde, de cet agneau qui est Jésus.
N’oubliez pas que vous êtes aussi, à votre manière, le berger du Seigneur!
Le Bon Pasteur veut naître de votre cœur, il veut avoir son berceau dans votre cœur. Cela veut dire que vous êtes nécessaires à Dieu. Vous pouvez penser parfois : Oh! le Bon Dieu n’a pas besoin de moi. Le Bon Dieu, que j’y pense ou non, il se tire d’affaire tout seul! Ce n’est pas vrai! Le Bon Dieu ne peut pas se passer de vous.
Qu’est-ce que peut faire une maman dans sa maison, quand ses enfants la détestent, quand ses enfants refusent de l’aimer, quand ses enfants l’abandonnent, quand ils la laissent seule toute la journée, qu’est-ce qu’elle peut faire? Est-ce que c’est une maison? Est-ce que c’est un foyer? Mais c’est un enfer!
Et qu’est-ce que peut faire le Bon Dieu qui est tout Amour, qui est infiniment plus maman que toutes les mamans, qu’est-ce qu’il peut faire? Sur la terre? Si nous ne l’aimons pas, si vous ne l’aimez pas, qu’est-ce qu’il peut faire? Il ne peut rien faire! Il ne peut rien faire, parce que tout ce que Dieu peut faire, c’est uniquement de faire rayonner sur nous son Amour.
Vous savez bien que vous, vous qui savez jouer, vous qui savez organiser un match de football, une partie de tennis, vous qui aimez jouer, vous qui suivez avec passion les compétitions sportives… vous savez très bien qu’il y a quelque chose au monde qui est plus important que tout, que tout cela, c’est l’amour qu’on a pour vous. Et vous savez parfaitement bien le prix d’un sourire, d’un
sourire qui s’adresse à vous… et vous savez bien que ce sourire vous est nécessaire, que vous ne pouvez pas vivre sans amour.
Eh bien! Toute la puissance de Dieu est là. La puissance de Dieu, c’est son sourire, c’est son Amour, c’est son cœur. Et, si nous n’acceptons pas ce sourire, si ce cœur ne bat pas dans le nôtre, si nous ne répondons pas à cet Amour, Dieu ne peut rien faire!
Si vous pouviez comprendre cela, si nous voulions comprendre, toute notre vie changerait! Parce que, justement, nous comprendrions que le Bon Dieu nous attend et qu’il a besoin de nous, que, du matin au soir, nous pouvons être son berceau, que, du matin au soir, il peut naître de notre cœur, que, du matin au soir, nous pouvons porter aux autres sa lumière et sa joie.
Des enfants comme vous, c’est quelque chose de merveilleux parce que, justement, vous avez, chacun, en vous, cette puissance extraordinaire, unique, qui est la puissance d’aimer.
Il y a un saint qui a dit ce mot magnifique: ” Il faut aller communier, écoutez bien ce mot, il faut aller communier à cause du grand désir que Jésus-Christ a de nous recevoir et de nous avoir pour membres dans lesquels il soit vivant pour son Père.” Il ne dit pas qu’il faut que nous allions communier parce que nous, nous avons besoin de Dieu. Il dit : “Il faut aller communier parce que Dieu nous attend et qu’il a besoin de nous.”
Et un martyr qui avait compris le cœur de Dieu disait justement qu’aimer Dieu, c’est l’aimer comme un enfant dont on est le berceau. Aimer Dieu, c’est le protéger contre nous-même!
Pendant que nous regardons ce visage du Bon Pasteur, il ne faut pas oublier que, nous aussi, nous sommes le berger de l’Agneau de Dieu et, quand vous chantez l’admirable cantique : Le Seigneur est mon berger, rien ne saurait me manquer (Ps 22, 1), n’oubliez pas que vous êtes aussi, à votre manière, le berger du Seigneur, que Jésus se tourne vers vous, qu’il vous dit le mot qu’il disait à la Samaritaine : Donne-moi à boire! (Jn 4, 7) car, justement, il ne peut pas vivre en vous sans vous. Et, comme il n’est pas autre chose que l’Amour, il ne peut pas vivre en vous sans la réponse de votre amour.
Debout et bras ouverts pour la Vie!
Les images de berger, brebis et bergerie sont fréquemment utilisées dans la Bible. Images rassembleuses et tellement suggestives. Elles nous disent Dieu et nous. Elles sont interactives. Jésus s’est compris lui-même et il nous a expliqué son rôle auprès de nous sur le modèle des rapports dynamiques qui existent entre le pasteur et son troupeau.
Cette allégorie suggère avec force tout le bien que le Seigneur nous veut. Le Christ nous appelle par notre nom, il nous fait sortir de nos enfermements, il marche à notre tête. Il est même la porte par où passer, par où aller et venir. Il est lui-même le passage grand ouvert. Il nous fait aller et venir vers la vie en abondance. Plus loin il nous dira : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. »
Jésus nous invite à nous voir nous-mêmes comme ses brebis chéries, ses disciples bien-aimés, convoqués par sa Parole à le suivre, pour aller et venir en toute liberté et sécurité, pour entrer enfin dans un pâturage généreux.
Oserons vivre une telle convivialité avec le Seigneur? Lui ferons-nous assez confiance pour le suivre? Laisserons-nous la puissance de ces images bucoliques prendre force dans nos vies et nous plonger dans une relation merveilleusement vivante avec le Christ?
Jésus nous révèle aujourd’hui ce qu’il souhaite vivre avec nous. Il se propose pour nous guider, à l’intime de notre existence, avec tendresse et bonté. Il est pour chacun de nous le vrai berger. Il prend de nous un soin jaloux. Il est le meilleur. Il est le seul.
Il ajoute qu’il est lui-même la porte qui permet aux pasteurs – à tous ceux et celles qui auront mission de le représenter dans quelque rôle pastoral – d’aller et de venir, de sortir à leur aise pour gagner les pâturages avec les troupeaux dont ils auront la charge.
Notons la grande insistance : Jésus seul est le vrai pasteur et lui seul est la porte. Les deux figures et les deux réalités sont complémentaires. D’une part elles nous rappellent que le Christ est le seul qui puisse nous guider vers la Vie; d’autre part elles nous disent que ceux qui se voient investis par le Seigneur de la charge de guider les brebis doivent passer par lui, être de lui. C’est dire qu’il est lui-même ouverture et passage. Qu’il est à la fois porte étroite et passage décisif.
Nous pouvons voir dans le symbole de la porte, la croix du Christ, par laquelle il nous faut passer pour accéder à la pleine Vie. L’élan vertical du gibet suggérant l’étroit et difficile passage à franchir. La traverse horizontale et transversale de la croix suggérant l’immensité de l’amour du Christ, l’ampleur du don qu’il nous fait de sa vie. C’est ainsi qu’il a voulu être – dans le mystère de sa mort et de sa résurrection – le don du Père pour la vie du monde.
Quelle chance pour nous d’être avec lui, de pouvoir passer par lui, et qu’il soit notre guide, celui qui nous mène avec amour vers les bons pâturages, les meilleurs
Par Jacques Marcotte, o.p.
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PASSER PAR LA PORTE
par Marcel Domergue
Quelle est cette porte par laquelle le « bon berger » entre dans l’enclos des brebis ? Impossible de ne pas penser à Matthieu 7,13-14, qui nous parle de la porte étroite qui conduit à la vie. Passage obligé, franchissement des portes de la mort. Que s’est-il passé ? Bon berger, le Christ est venu dans l’enclos qui nous retenait prisonniers. Il a franchi la porte étroite pour venir partager nos servitudes. Puis il est sorti le premier, ouvrant la porte de la vie, et nous sommes appelés à le suivre vers les verts pâturages de la liberté. Il n’y a pas d’autre porte que la porte pascale. Toute autre issue est illusoire et ceux qui nous invitent à faire le mur pour l’éviter sont « des voleurs et des bandits », qui cherchent à prendre notre vie en faisant de nous leurs disciples et leurs clients. Une fois sortis de l’enclos de la mort et de la servitude, nous sommes invités à y rentrer. Non pour retrouver nos anciens esclavages, mais pour faire nôtre la démarche du Christ qui, de condition divine, a choisi de venir se faire notre esclave pour nous faire sortir de nos servitudes (voir Philippiens 2,5-11). Ce retour vers la détresse de nos frères est l’acte de liberté le plus achevé qui soit. Il n’est autre que l’amour en acte : l’amour est en effet le sommet de la liberté puisqu’il consiste à disposer de soi-même pour se rendre totalement dépendant de la vie d’un autre.
« Je suis la porte des brebis »
Après nous avoir suggéré qu’il est le berger qui franchit la porte mortelle et nous la fait franchir, Jésus précise qu’il est lui-même la porte. Qu’est-ce à dire? Non seulement qu’il nous fait passer (versets 3 et 4), mais que c’est par lui et en lui que nous passons à la vie. Ainsi se nuance et même se corrige une image de chef autoritaire qui gouverne un « troupeau » qu’il domine. Un berger, aussi bon soit-il, vit de la chair et de la laine de ses brebis. Voici maintenant un berger paradoxal qui donne sa vie à ses brebis et se fera leur nourriture (versets 10 et 11, hors lecture). Et le parcours ne s’arrête pas là : nourries de la chair du berger, porteuses de sa vie et détentrices de son Esprit, ces brebis ne pourront que reproduire son comportement. Normalement, toutes nos actions sont des ouvres d’alliance ; elle sont le fruit de notre unité avec le Christ : « C’est toi-même qui agis en toutes nos actions » (Isaïe 26,12). Nos « actions » : elles sont bien nôtres et pourtant elles sont en même temps actions divines. Quand Pierre écrira que nous devenons « participants de la nature divine » (2 Pierre 1,4), il confirmera cette unité. Certes, cela est toujours à choisir et à recommencer : nous avons sans cesse à passer par cette porte de la vie qui est le Christ.
« Il les appelle chacune par son nom »
L’image du troupeau, comme celle du berger, doit être corrigée pour signifier ce qui se passe dans notre relation à Dieu, à la vie, par le Christ. « Troupeau » fait penser à une collectivité anonyme, obéissante et uniforme. C’est pourquoi notre évangile s’empresse de préciser que le berger dont il s’agit connaît chaque brebis et que, réciproquement, ses brebis le connaissent (verset 3). Les versets 14 et 15 (hors lecture) précisent que cette connaissance mutuelle est calquée sur celle qu’il y a entre le Père et le Fils. Nous voici en participation avec l’Unité du Dieu Père, Fils, Esprit. Rappelons que dans la Bible, le verbe « connaître » dit beaucoup plus que dans nos langues usuelles ; il est même utilisé pour nommer l’acte conjugal. Quand nous disons « Église », gardons-nous de penser « masse », « foule » et même, à la limite « peuple », quand ce mot est pris au sens de collectivité indistincte. « Église » signifie d’abord convocation, appel adressé à chacun « par son nom ». Les brebis, à première vue, se ressemblent toutes. Pas les croyants, d’où la nécessité d’une grande tolérance quant aux manières de croire et de se comporter. Notre unité, pour être vraie, doit être conjugaison de diversités. Cela vaut déjà pour le couple humain et ce n’est pas si facile, puisque Paul éprouve le besoin de l’expliquer longuement : tout le chapitre 12 de la première lettre aux Corinthiens. Dernière remarque : ce qui nous fait exister, c’est justement que le Christ nous appelle chacun par son nom.
Le Bon Pasteur appelle d’autres,
pour qu’ils deviennent des pasteurs à leur tour
Appelé justement “Dimanche du Bon Pasteur”, ce quatrième dimanche du temps de Pâques est centré sur ce passage de l’Evangile à méditer aujourd’hui. Le Bon Pasteur est le premier des symboles que les chrétiens se sont donnés pour représenter Jésus Christ, des siècles avant l’image de la Croix et du Crucifix. Une image donc très ancienne, à cause de la richesse biblique de la tradition du ‘berger’ déjà dans l’Ancien Testament (voir Exode, Ezéchiel, Psaumes…). Jésus s’est identifié lui même avec le ‘berger’, et Jean l’évangéliste n’a pas hésité à lire ce symbole en perspective messianique, en multipliant aussi les expressions qui mettent en lumière le lien vital existant entre lui et les brebis: entrer-sortir, ouvrir, appeler-écouter, accompagner, marcher-suivre, connaître, pâturages… Pour identifier finalement Jésus avec la ‘porte’ (v. 7.9): porte de salut (v. 9), qui signifie ‘vie en abondance’ (v. 10). En effet Jésus se révèle comme le bon berger qui “donne sa vie pour les brebis” (v. 11). Une remarque: le texte grec a recours au synonyme: le pasteur ‘beau’ (v. 11.14), c’est à dire bon, parfait, unissant en lui-même toute perfection, d’ordre esthétique et éthique à la fois.
Il offre sa vie pour tous: il a encore d’autres brebis à attirer à lui, pour ne former qu’un seul troupeau, soumis à un seul berger (v. 16). Il ne renonce à aucune de ses brebis, même pas à celles qui sont lointaines ou ne le connaissent pas: elles doivent passer toutes par la seule porte existante, c’est à dire lui-même, puisque c’est lui le seul Sauveur. Donc là est aussi la mission de l’Eglise, qui est appelée à s’exprimer selon ces mêmes paramètres de don de soi et d’ouverture à l’universel: vie donnée pour tous, le chemin de tous vers une unique bergerie, la vie donné en abondance… Le troupeau aura beau être nombreux, personne ne sera de trop, perdu dans l’anonymat. Bien au contraire, les relations seront intimes et personnelles: le pasteur connaît ses brebis, “il les appelle, chacune par son nom, et les accompagne dehors” (v. 3).
La force de l’amour, qui pousse le bon pasteur à donner sa vie pour ses brebis, est le sujet de la prédication de Pierre le jour même de la Pentecôte (I lecture). Pierre invite à la conversion, au Baptême, à accueillir ouvertement le don de l’Esprit (v. 38). Egalement, dans la lettre du même Pierre (II lecture), rédigée en suivant de près le quatrième chant du Serviteur (Is 53). Le Christ a souffert pour nous, en nous laissant un exemple à suivre (v. 21); il nous a guéris par ses propres plaies. La famille humaine, que le péché avait dispersée la condamnant à la perdition, a trouvé dans le Christ son salut et son unité, lui qui est pasteur et porte le plus grand soin à la vie de tous (v. 25). Suivre les traces du Bon Pasteur (v. 21): c’est aussi l’invitation qui nous est adressée, et l’objectif annoncé, de la Journée Mondiale de Prière pour les Vocations. Aujourd’hui justement. Le Seigneur continue d’appeler aussi les autres à partager son destin et sa mission pour la vie de toute la famille humaine. Au risque de sa propre vie, comme dans les nombreux cas de missionnaires ‘martyrs’. Identifiés toujours avec le Christ, le Bon Pasteur au cœur transpercé, que contemplait aussi S.Daniel Comboni.
La vocation à une consécration explicite (prêtrise, vie consacrée, vie missionnaire, services ecclésiaux des laïcs…) s’enracine et s’épanouit dans l’expérience personnelle de se savoir aimé, et appelé en même temps par Quelqu’un qui existait bien avant toi. Le grand théologien protestant Karl Barth, dépassant l’idéalisme cartésien, définit ainsi cette expérience fondamentale: “Cogitor, ergo sum” (je suis pensé, donc j’existe). Le Psaume 22 exprime, dans un langage hautement poétique, la certitude et la tranquillité intérieure de celui qui fait totalement confiance au Seigneur, le Bon Pasteur. Voilà le chemin indiqué à toute vocation sûre, radicale, définitive, “dans la maison du Seigneur pour de longs jours” (v. 6).
Romeo Ballan