Veillée Pascale
et Dimanche de Pâques
Année A

VEILLÉE PASCALE
Les quatre temps de la Veillée Pascale
La Veillée pascale se construit en quatre temps essentiels. Les voici. L’invitation est forte pour prendre le temps tout son temps, tout le temps…
Michel Wackenheim
1 LITURGIE DE LA LUMIÈRE
Nous célébrons en Jésus mort et ressuscité celui qui illumine nos ténèbres. Cette liturgie ne prendra tout son sens que si l’on attend la nuit tombante, si le feu est un vrai et grand feu, si l’on allume à ce feu un cierge pascal unique (même si la veillée rassemble plusieurs paroisses), si l’on voit sa flamme se propager parmi les baptisés, si les fidèles entrent en procession à sa suite. A l’intérieur même de cette liturgie de la lumière doit être ménagée une lente et sûre progression : la célébration commencera dans une joie tout intérieure (l’Exultet solennel, c’est pour plus tard), elle prendra de l’ampleur avec l’allumage des cierges des fidèles, elle éclatera dans l’annonce solennelle de la Pâque.
2 LITURGIE DE LA PAROLE
Nous écoutons pourquoi cette nuit est pour nous “la nuit de vrai bonheur”. La Veillée pascale comprend sept textes du Premier Testament et deux du Nouveau. Les textes du Premier Testament sont tirés de la Loi et des Prophètes, et sont traditionnels pour la plupart tant en Orient qu’en Occident. Du Nouveau Testament, on lit un texte de l’Apôtre et un autre de l’Evangile. Ainsi, “en partant de Moïse et de tous les prophètes” (Luc 24, 27), l’Eglise interprète le mystère pascal du Christ. Partout où on le peut, on proclamera ces lectures intégralement : de cette manière, on observera le caractère même de la Veillée pascale, qui exige la durée.
3 LITURGIE BAPTISMALE
Nous disons “oui” au Seigneur de vie qui marche avec son peuple. Que l’on célèbre ou non des baptêmes, la liturgie de l’eau est un des temps forts de la Veillée pascale. Ce rite est composé de deux moments importants : la bénédiction de l’eau et l’aspersion. On soignera les objets: dans bien des églises, une grande vasque est: décorée, éclairée et fleurie. (évitez les bassines à confiture… comme leur nom l’indique elles ne sont pas des objets liturgiques…). Après la bénédiction, deux gestes sont possibles : si l’on est: peu nombreux, chacun peut venir se signer quand il y a du monde, il vaut mieux recourir à l’aspersion. On remplira un beau récipient à la vasque centrale, et l’aspersion sera faite dans toute l’église à l’aide d’un rameau verdoyant. Pendant ce temps, on chante un chant qui fait mémoire de notre baptême.
4 LITURGIE EUCHARISTIQUE
Nous communions au même Pain et devenons ce que nous sommes : le corps du Christ. La célébration de l’eucharistie est la quatrième partie de la Veillée et son point culminant, car elle est par excellence le sacrement pascal, mémorial du sacrifice de la Croix et présence du Ressuscité, terme de l’imitation chrétienne, anticipation de la Pâque éternelle. On veillera à ce que cette liturgie eucharistique ne se déroule pas avec rapidité, mais au contraire que les rites et les paroles obtiennent le maximum d’expressivité.
La Parole de Dieu
Voici une aide à l’homélie pour pour cette Veillée Pascale, année A. Vous y trouverez une suggestion de commentaire pour chacune des lectures de la messe. Et une explication pour un point particulier abordé au cours des lectures de ce jour.
Les 7 lectures
C’est un soir particulier. Sept lectures sont lues ce soir avant l’Épître. Avant de répéter simplement l’habitude de ne lire qu’un minimum de lecture pour toutes les bonnes raisons imaginables… et les autres… laissez une chance à la Parole de Dieu ce soir, elle “pourrait” toucher les cœurs… ne l’empêchez pas et découvrez la force de ces lectures que proposent la liturgie.
Ce soir, toi Église, peuple de Dieu, tu vas entendre ton histoire. Au rythme de la parole de ton Dieu, tu vas te rafraîchir à la source de ce que tes aînés dans la foi ont vécu et découvert du rêve le plus intime de Dieu : faire alliance avec l’humanité.
Des pages de la Genèse et de la création à sa ressemblance, tu avanceras jusqu’à comprendre que Dieu ne reprend pas sa promesse de vie avec l’épisode d’Isaac et de son père. C’est ensuite l’Exode et sa promesse de liberté que tu apprendras. Puis, laisse-toi former par les prophètes : tu saisiras avec Isaïe la douceur de Dieu et son amour pour ceux qui le cherchent et qui entendent la même Parole que tu entends ce soir. Baruc te révélera la sagesse de Dieu pour ta vie. Ézéchiel te murmurera que Dieu sans arrêt vient à ta rencontre, et celle de tous les hommes, t’invitant à vivre de lui et à l’annoncer. Puis, saint Paul te redira que, pour toi, pour chacun de tes enfants, ces événements du temps de tes pères dans la foi te sont proposés au présent, en vivant de ton baptême tous les jours. Enfin les femmes de l’Évangile continuent pour toi leur mission : elles te disent « qu’il te précède en Galilée et que là tu le verras ! ». Ces lectures ne sont pas une belle histoire qui ne te concerne pas, c’est pour cela qu’après chacune de ces pages, tu es invitée à répondre par le chant des psaumes à la proposition de vie que te fait Dieu ce soir de Résurrection. Mesures-tu l’extraordinaire don qui t’est fait dans le passage de la mort à la vie de Jésus le Christ ? Cette nuit, le rêve de Dieu vient en pleine lumière en Jésus Christ, lui le lien unique et définitif entre un Père auquel il fut toujours attaché et l’humanité dont il est totalement solidaire.
1re lecture : Genèse 1,1-2,2
Depuis les premières célébrations de la Pâque, le Peuple de Dieu lit et médite longuement chaque année les pages de la bible qui nous décrivent les grandes œuvres de Dieu, dont la création et le passage de la mer rouge.
Le poète de l’époque biblique avait compris que la création ne s’était pas faite en un seul jour ; il y découvrait une gradation, depuis l’apparition des astres et planètes jusqu’à celle de la vie végétale, puis animale et enfin humaine ; cette évolution ne contredit pas celle que professent nos sciences modernes. Le récit biblique suscite l’émerveillement, c’est son but : vraiment, le créateur est le dieu de bonté, car tout ce qu’il fait est bon.
Depuis les premières célébrations de la Pâque, le Peuple de Dieu lit et médite longuement chaque année les pages de la bible qui nous décrivent les grandes œuvres de Dieu, dont la création et le passage de la mer rouge.
2e lecture : Genèse 22,1-18
Voici la nuit de l’épreuve, pour notre foi. Mais, comme pour Abraham, elle est source de bénédictions.
Aucune révolte, pas la moindre réserve. Un silence assourdissant, une obéissance incompréhensible. Qui est donc ce père qui trompe et sacrifie son fils ? Quel est ce Dieu inconstant qui exige d’effacer la vie de l’enfant de ses promesses ? Rien ne va dans cette histoire. La violence du récit fait cependant ressortir la fidélité totale, jusqu’au bout, de l’ancêtre à son Dieu. Dieu dit et il obéit. Dieu a donné, il peut reprendre. La crainte de Dieu ne souffre aucune exception ! Croire à l’infini, sans retenue, malgré l’absurdité, les questions, les souffrances. C’est l’exemple laissé par l’ancêtre. C’est celui de Jésus.
3e lecture : Exode 14,15-15,1a
Voici la nuit de la délivrance, le Seigneur libère son peuple. Ce passage à travers la mer sauve Israël.
Quatre des cinq livres qui forment la Torah, la «loi du Seigneur», sont consacrés à la période de l’Exode, quand Dieu, sous la conduite de son serviteur Moïse, délivre son peuple de la servitude, le fait passer par l’épreuve du désert et l’établit sur la terre des promesses. Il y a là comme le noyau central de la foi biblique. Dieu est quelqu’un qui a donné son nom et a fait, par amour, alliance avec son peuple. Il le délivre pour le conduire en lieu sûr et lui permettre de vivre pleinement. Dieu est Sauveur. Cette certitude de foi illumine toutes les Écritures.
4e lecture : Isaïe 54, 5-14
Voici la nuit de la tendresse, de la fidélité. Oui, le Seigneur aime les hommes et ne les abandonnera pas.
Les prophètes réveillent et soutiennent la ferveur de leurs concitoyens. Ils ont fort à faire, car le droit et la justice sont constamment bafoués à l’intérieur même du peuple qui, pour son bonheur, devrait pourtant écouter les instructions que le Seigneur donne dans sa Torah, sa « Loi ». La lassitude des croyants se ressent dans ce passage mais, paradoxalement, elle aboutit à découvrir que le Seigneur Dieu, lui, ne peut désespérer et qu’il préfère toujours l’amour au châtiment. «Dans mon amour éternel j’ai pitié de toi, dit le Seigneur, ton Rédempteur.» «Mon amour pour toi ne changera pas.»
5e lecture : Isaïe 55,1-11
Voici la nuit de l’abondance. Dans son amour, le Seigneur donne tout à ceux qui viennent à lui dans la foi.
Dieu n’a maintenant qu’un projet unique, annonce le prophète, c’est de «consoler» son peuple après ses déboires tragiques. Le Seigneur invite gratuitement à son festin, car il veut le bonheur d’Israël sans paiement en retour. Ce qu’il propose est un rassasiement continu. Le temps est venu de «manger de bonnes choses», de se régaler de «viandes savoureuses». Le Seigneur pardonne et il prépare une alliance nouvelle : «Je ferai avec vous une Alliance éternelle, qui confirmera ma bienveillance envers David.» Il est intéressant de noter que le prophète prévoit que les autres nations sont associées à ces temps nouveaux.
6e lecture : Baruch 3,9-15.32-4,4
Voici le temps de l’appel à suivre le bon chemin.
Pour Israël, c’est la loi de Moïse. Pour nous,ce sera la parole du Christ. Baruc témoigne d’une nouvelle où les croyants sont confrontés à de nouveaux défis. Il s’agit maintenant de dialoguer avec d’autres formes de connaissances, comme celles qui s’appuient sur les réflexions de sages s’efforçant de trouver les meilleurs moyens de bien mener la barque de la vie. Les croyants rappellent que la meilleure des sagesses se trouve pour eux dans le Seigneur, «Source de la Sagesse». Comment connaître cette sagesse qui vient de Dieu, sinon dans la lecture et la méditation «du livre des commandements de Dieu, la Loi qui demeure éternellement» ?
7e lecture : Ézéchiel 36,16-17a.18-28
Voici le temps du cœur nouveau, purifié par l’esprit du Seigneur : le prophète Ézéchiel annonce déjà l’eau du baptême.
Ézéchiel annonce à ses auditeurs que leur situation malheureuse va disparaître, et en donne la raison. Si Dieu va établir une nouvelle Alliance qui réussira, c’est pour sauver son honneur. En effet, le peuple se montre totalement incapable de fidélité et il s’enfonce de ce fait dans son malheur. Cela ne peut durer, car cette défaite du peuple se transforme aux yeux des nations comme la défaite de Dieu lui-même. Il est temps que les nations apprennent qui est le Seigneur. Lui-même, Dieu, va se montrer «saint» à leurs yeux et désormais, il enverra son souffle, son Esprit, pour faire vivre et guider son peuple.
Évangile : Matthieu 28, 1-10
Nuit décisive de la Résurrection : l’important n’est pas que le tombeau soit vide, mais que le Vivant nous envoie annoncer sa Présence parmi les hommes.
Ce n’est pas à Pierre, André, Jacques ou Jean que l’Ange confie en premier la nouvelle de la résurrection de Jésus, mais aux deux Marie. Aussitôt après, Jésus vient vers elles et leur confie une mission. Des femmes ont été les premières à accueillir la foi en la résurrection de Jésus et à avoir été investies par Dieu, comme messagères, avant même les grandes figures de l’Église comme Pierre…
La lumière, la Parole, l’eau et le pain,
par Jean Civelli
Le P. Jean Civelli, , prêtre du diocèse de Fribourg (Suisse), commente l’Évangile de la résurrection dans l’Évangile de Matthieu. Il présente les différents « éléments » (le feu, la lumière, la Parole, l’eau, le pain et le vin) qui composent la célébration de la veillée pascale.
Le feu et la lumière, la Parole, l’eau, le pain et le vin : la grande liturgie de Pâques est tout entière composée de ces éléments. Tous pris dans notre monde, ils sont indispensables à la vie : il n’y a pas de vie sans lumière, sans chaleur, sans eau, sans nourriture, il n’y a pas de vie vraiment humaine sans parole échangée. Mais notre expérience nous apprend aussi que tous ces éléments peuvent être également des sources de mort : le feu peut tout réduire en cendres et la lumière peut aveugler. L’eau peut tout dévaster et engloutir. La nourriture peut empoisonner. Et la parole, qui peut dire l’amour, peut aussi dire la haine.
Voici qu’en cette nuit très sainte, Jésus se fait pour nous admirable pédagogue. S’adaptant à notre condition réelle, il vient prendre ces éléments à la fois vitaux et ambigus. Il est lui-même entré dans la mort. Mais il a été plus fort que la mort. Et désormais, il peut nous dire qu’il est toujours capable, lui, le Ressuscité du matin de Pâques, de dépasser le côté fragile, menaçant, de tous ces éléments pour en faire des instruments et comme des canaux pour nous donner sa Présence. Il nous dit : « Je suis la Lumière du monde », non pas la lumière matérielle, mais la lumière de la Vie éternelle. Il est la Parole éternelle du Père, la Parole de la Vie. Il est la Source d’eau vive, la Source de l’Amour qui coule pour nous dans le baptême. Enfin, dans l’eucharistie, il est notre nourriture, non pas d’abord pour notre corps, mais pour que grandisse en nous notre être d’éternité.
Tout cela est possible parce que, un certain matin, des femmes ont entendu l’incroyable nouvelle : « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? Il n’est pas ici : il est ressuscité. » Dans sa résurrection, Jésus a conduit son humanité jusqu’à sa plénitude. Il a assumé en son corps toute la réalité de la création. Entré dans la mort qui, selon notre expérience, est plongée dans la nuit, impossibilité de communiquer avec les autres, retour à la poussière, destruction de toute vie, Jésus n’a rien renié de notre condition humaine. Il a fait de la mort un passage, une « Pâque » vers la Plénitude de la Lumière et de l’Amour. En Jésus ressuscité, c’est la Joie de la Vie qui nous est donnée, à jamais.
DIMANCHE DE PÂQUES
Messe du jour de Pâques
- Première lecture « Nous avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts » Ac 10, 34a.37-43
- Psaume Voici le jour que fit le Seigneur, qu’il soit pour nous jour de fête et de joie ! Ps 117 (118), 16-17, 22-23)
- Deuxième lecture « Recherchez les réalités d’en haut, là où est le Christ » Col 3, 1-4
- Deuxième lecture « Purifiez-vous des vieux ferments, et vous serez une Pâque nouvelle » 1 Co 5, 6b-8
- Évangile « Il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts » Jn 20, 1-9
- Évangile « Reste avec nous car le soir approche » Lc 24, 13-35
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 20,1-9.
Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin, alors qu’il fait encore sombre. Elle voit que la pierre a été enlevée du tombeau.
Le matin de Pâques, Marie-Madeleine courut trouver Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a mis. »
Pierre partit donc avec l’autre disciple pour se rendre au tombeau. Ils couraient tous les deux ensemble, mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau.
En se penchant, il voit que le linceul est resté là ; cependant il n’entre pas.
Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour. Il entre dans le tombeau, et il regarde le linceul resté là, et le linge qui avait recouvert la tête, non pas posé avec le linceul, mais roulé à part à sa place.
C’est alors qu’entra l’autre disciple, lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit, et il crut.
Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas vu que, d’après l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts.
Le miracle des miracles,
par Marcel Domergue
Ce qui s’est passé
Au départ nous avons un prophète galiléen qui a fait un certain bruit ; bruit qui n’a d’ailleurs pas eu d’écho en dehors de cette petite région qui va de la Galilée à la Judée. Il a surpris ses contemporains au point qu’ils se sont posé la question de son identité : « qui est-il ? », « d’où vient-il ? ». Il s’est attaché des disciples et a suffisamment inquiété les autorités en place pour qu’on le mette à mort. Personne n’écrit une ligne sur lui à ce moment-là : rien qui ressemble à nos reportages ou articles. Tout s’inscrit dans les mémoires. Sur vient une nouvelle stupéfiante : il est redevenu vivant. On peut toujours dire des choses de ce genre et on peut bien trouver des témoins qui affirmeront qu’ils ont vu le ressuscité. Pascal a beau dire qu’il croit les témoins qui se font tuer pour soutenir leur témoignage, cela ne convainc pas totalement. Notons pourtant que si l’on trouve des gens capables d’affronter la mort pour soutenir une cause ou une idée, on en trouve peu qui soient capables de mourir pour attester un fait.
L’étonnant, c’est la suite
Ce genre de nouvelle n’a jamais remué beaucoup de monde. Ce qui est unique avec Jésus, c’est que, mystérieusement, des gens de plus en plus nombreux se sont mis à croire cela. « Mystérieusement», car d’une part c’est incroyable, d’autre part les destinataires du message n’ont que la parole et les actes des témoins pour fonder leur foi. La résurrection de Jésus n’est pas une «preuve» et n’a pas de preuve : elle est appel à la foi. Autre fait unique, c’est le dynamisme extraordinaire qui s’empare des témoins. On dirait qu’ils se déchaînent. Un dynamisme qui les fait parler et agir mais qui leur donne aussi une sorte de pouvoir sur les choses (voir les miracles, les «signes» retenus par les Actes des apôtres). La puissance qui a ressuscité Jésus est aussi à l’œuvre dans les croyants, et c’est là qu’on peut la toucher du doigt. Ces témoins sont des juifs : ils découvrent que cette résurrection est en cohérence avec tout ce qu’ils ont lu dans l’Écriture, que c’était cela qui se préparait, que toute cette histoire devait aboutir à cela : Jésus est ressuscité « selon les Écritures », qu’ainsi il « accomplit ».
Cela continue
Voici donc des témoins conscients qu’ils sont en possession de la clé de toute l’histoire. Ce Jésus qui est là depuis le commencement, puisque toute l’histoire le prépare (la Bible ne révèle pas seulement le sens de l’histoire d’Israël mais, à partir d’Israël, le sens de l’histoire du monde), ce Jésus est aussi l’homme de la fin ; nous sommes encore en route mais c’est pour le rejoindre là où il est ; pour rejoindre sa résurrection. C’est là que le dynamisme dont j’ai parlé (mot assez impropre) nous conduit. Le dynamisme est l’Esprit lui-même. La parole va se faire écrit. Un écrit qui sort de la communauté des croyants porteuse de l’Esprit ; un écrit à partir duquel, aussi, la communauté se constitue et se perpétue. Cet écrit va être rédigé de façon à nous montrer que le Christ est la Parole qui fonde, soutient, conduit et remplit l’univers. Le Corps des croyants est le lieu où prend chair le Christ-Parole.
Et maintenant
Parlant des disciples du Christ, le docteur de la Loi Gamaliel disait : « Israélites, prenez garde à ce que vous allez faire à ces hommes (…). Ne vous occupez pas de ces gens-là, laissez-les : si leur entreprise vient des hommes, elle disparaîtra d’elle-même ; mais si vraiment elle vient de Dieu, vous ne pouvez pas la faire disparaître et vous risquez de vous en prendre à Dieu » (Actes 5,35-39). Nous en sommes là : rien n’a pu faire «disparaître cette entreprise ». Le miracle des miracles, celui qui porte témoignage à la puissance de la résurrection, c’est que vingt siècles après la mort de Jésus de Nazareth, des hommes et des femmes se mettent à croire. La « preuve » de la foi, c’est notre foi elle-même. Une foi « au Dieu qui avec de la mort fait de la vie » (Romains 4,17). Le miracle c’est que la Parole continue à se donner un corps qui a nom Église.
Vivre avec le Christ ressuscité
Homélie de Maurice Zundel, donnée à Beyrouth le 2 avril 1972
Jésus Ressuscité entre dans la gloire de son Père. Il remonte vers le Père, comme il le dit à Marie-Madeleine. Il remonte vers le Père pour nous communiquer cette gloire qu’il avait avant que le monde fût.
Et quelle est cette gloire qui va transfigurer notre vie, lui donner une valeur incomparable ? Cette gloire, c’est l’Esprit saint qu’il va répandre dans nos cœurs. Cette gloire, c’est la Présence de Dieu, c’est son habitation au plus intime de nous.
Le ciel, dit le Pape saint Grégoire, c’est l’âme du juste. Voilà que le ciel vient en nous. Voilà que Dieu nous habite, que notre vie est identifiée avec la sienne ! Chacun de nous s’interroge : quelle est la valeur de ma vie ? Chacun de nous veut être unique. Il veut que sa vie ait un sens. Il veut qu’elle ne soit pas vécue en vain.
QUEL HONNEUR SI, AU SOIR DE CE JOUR, CHACUN DE NOUS PEUT DÉCOUVRIR DANS LE SILENCE DE SON COEUR CETTE PRÉSENCE DU SEIGNEUR RESSUSCITÉ
Comment notre vie peut-elle être unique sans faire tort aux autres ? Sans nous retrancher de la communion humaine ? Mais voilà justement le miracle et le mystère : c’est qu’en Dieu le secret de chacun, l’unicité de chacun et son universalité se confondent, parce que toute grâce est une mission, parce que celui qui reçoit Dieu, son cœur s’ouvre à l’infini et devient capable d’être une présence à tous les hommes.
Et c’est là justement le mystère merveilleux de l’Eglise, qu’elle réalise d’une manière unique, cette possibilité de relier les deux pôles de la vie commune, de la vie sociale ensemble et seul. On ne peut pas former une communauté sans vivre ensemble, mais on ne peut pas former une communauté véritablement humaine, sans que sa propre solitude soit reconnue et respectée. Car finalement la communauté vaut ce que vaut la solitude de chacun.
Si vous assistez à un concert, si les artistes sont dignes de la musique qu’ils présentent, si toute la salle est unanime à écouter, si elle est une seule respiration, une seule aspiration vers la beauté, chacun éprouve cette beauté d’autant plus profondément que le silence est plus total. Mais cette beauté, il l’éprouve comme le secret le plus intime de son cœur.
C’est là l’image d’une société parfaite, d’une société véritablement humaine : ensemble et seul. On communie ensemble à un bien suprême, mais qui est intérieur à chacun et qui est le secret le plus intime de sa personne. Et c’est cette gloire, justement, que Jésus veut nous communiquer, quand Il répand son Esprit dans nos cœurs. Et c’est cette gloire en laquelle nous nous enracinons dans la mesure où nous vivons le mystère de l’Eglise.
Car l’Eglise a ses assises dans la conscience de chacun. Chacun de nous doit devenir toute l’Eglise. Sans doute, chacun dans l’Eglise n’a pas la même fonction, mais tous les chrétiens ont la même mission d’être les porteurs de Dieu, d’être les porteurs du Christ et, par leur vie même, de témoigner de sa Présence en le communiquant.
C’est cela qui nous remplit de joie en voyant le Christ Ressuscité et remonté vers son Père, et devenir, à la droite du Père, le dispensateur de la gloire divine qui est répandue dans nos cœurs. par l’Esprit qui nous est donné. C’est cela qui nous remplit de joie parce que chacun d’entre nous peut entrer dans une grandeur infinie, parce que chacun de nous est vraiment chargé d’une mission universelle, parce que la vie la plus humble, la plus cachée – une femme qui se livre aux travaux obscurs du ménage – cette vie peut rayonner sur le monde entier et lui apporter la vie éternelle.
Quel honneur si, au soir de ce jour, chacun de nous peut découvrir dans le silence de son coeur cette Présence du Seigneur Ressuscité. Et, si chacun de nous se sent promu, élevé, magnifié par ce don de Dieu, si chacun de nous acquiert par là un plus grand respect de sa vie et prend cette admirable résolution d’être digne de cette mission et d’apporter partout où il va – sans le dire, mais dans l’amour même du Dieu qu’il porte en lui-même – si chacun s’efforce de communiquer aux autres ce merveilleux secret, en traitant l’autre avec un respect tel qu’il puisse découvrir au fond de son âme ce Christ qui est le Christ de tous, ce Christ qui est aussi le Christ de chacun, ce Christ qui nous appelle chacun par notre nom, ce Christ qui nous fait à la fois unis et universels.
Avec quel bonheur nous allons rendre grâce au Seigneur qui nous appelle à une telle dignité et qui nous envoie dans le monde pour être un Evangile vivant, qui nous envoie dans le monde pour porter la paix et la joie, qui nous envoie dans le monde pour que chacun se sente infiniment aimé par ce Christ qui est notre frère et notre Dieu !
Par Maurice Zundel
http://www.mauricezundel.com
Heureuses messagères de la Bonne Nouvelle !
L’Évangile selon Saint Matthieu nous introduit, cette nuit, au mystère de Pâques. Le récit est empreint de gravité. Il prend même une tournure extrêmement dramatique, suscitant d’autant plus notre curiosité. Nous sommes plongés dans l’insolite d’un événement surnaturel. Les phénomènes rapportés font peur. L’Ange du Seigneur seul nous rassure par sa présence et par la facilité avec laquelle il opère. Il se déploie avec force et majesté. Les gardiens placés en vigilance auprès du tombeau sont terrifiés, bouleversés.
Il est normal que les femmes qui s’amènent sur les lieux très tôt le matin, soient elles aussi bouleversées. L’Ange s’empresse de leur dire le sens de ce qui se passe. Elles sont les témoins privilégiés d’un événement inouï. Pourquoi elles ?
Nous retrouvons en ce récit le scénario – surréaliste – que nous avions au début de l’Évangile de Matthieu, quand l’Ange du Seigneur intervient dans un songe auprès de Joseph pour l’inviter à entrer dans un projet qui le dépasse, à savoir la naissance virginale du Sauveur et le rôle de père adoptif attendu de lui. Sauf qu’ici, au matin de Pâques, ce n’est plus dans un songe que l’Ange du Seigneur se manifeste.
Quand Dieu intervient, il est normal qu’il utilise des moyens inusités, mêmes surnaturels, pour s’expliquer. Comment autrement nous faire savoir la vérité et le sens de ce qui arrive? Le récit d’évangile, cette nuit, fait appel à notre sensibilité croyante, capable de saisir les signes, ouverte au langage de Dieu. La foi seule nous donne en effet de porter une attention personnelle au message qui peut nous instruire sur une réalité autrement inaccessible, la vie du Ressuscité.
Et si nous parlions davantage de celles qui nous sont données en exemple dans l’évangile de cette nuit : les quelques femmes venues au tombeau ? Sont-elles seulement un relais utilisé par le messager divin pour rejoindre les disciples? Je ne pense pas. C’est vrai qu’elles sont tout de suite envoyées en mission d’annonce de la bonne nouvelle auprès de ces hommes que Jésus considère comme ses frères. Mais peut-être y a-t-il une autre merveille à voir dans ce récit? À savoir la position privilégiée de ces femmes et leur aptitude intime à découvrir l’œuvre toute-puissante de Dieu en train de s’accomplir. Ne sont-elles pas naturellement disposées à accueillir l’œuvre de création, la nouvelle création que Dieu réalise ?
Nous voyons que ces femmes sont en avance sur les hommes quand il s’agit d’aller vers le Seigneur; déjà elles en ont pris l’initiative; elles ont payé de leur personne généreusement, courageusement pour arriver jusqu’à lui si tôt le matin. On dirait qu’elles ont par nature une affinité particulière avec la vie, avec la nouveauté, avec l’inédit de Dieu manifesté dans le Christ ressuscité ? Il y a là de quoi prendre conscience de l’importance des femmes et du féminin dans le monde, dans l’Église, dans nos sociétés. Les femmes ont des antennes pour capter la vie; elles ont des bras et un cœur et un corps pour porter la vie, pour faire vivre. Joseph autrefois reçut en secret l’annonce qui faisait de lui le père adoptif de l’enfant à naître. Il s’agit maintenant de rien de moins que de l’enfantement du Ressuscité dans le cœur des croyants et des croyantes. N’est-il pas significatif de voir deux femmes, Marie Madeleine et l’autre Marie, devenir les toutes premières pour l’accueil et la transmission de l’heureux message.
La consigne répétée aux deux femmes de convoquer les disciples en Galilée est d’ailleurs, elle aussi, surprenante et significative, un peu dans le même sens. N’auront-elles pas un rôle quasi maternel à jouer à l’endroit des futurs apôtres ? Pourquoi d’ailleurs faut-il que les disciples se rendent là-bas pour voir Jésus? Sinon parce que la Galilée, c’est l’endroit d’où ils viennent. Ils sont nés là-bas. Ils ont grandi sur le bord du lac. C’est là qu’ils ont leurs racines, leurs sources au plan humain, leur Alma Mater. La Galilée est aussi le lieu où ils ont fait leurs premiers pas de disciples; ils y ont appris le Christ en ses débuts ? La Galilée c’est un lieu de brassages humains, de gestation et d’affluences culturelles et religieuses multiples. La Galilée des nations, n’est-elle pas dès lors le lieu idéal, le creuset, la matrice où promouvoir l’annonce de l’Évangile et faire naître l’espérance chrétienne ?
L’accès au Ressuscité passe par nos sources, nos origines, nos sensibilités, nos racines, notre quotidien retrouvé dans une fréquentation authentique du Seigneur de la Parole. Encore et toujours il nous précède? Il vient vers nous de façon inattendue dans ce qui fait notre vie ordinaire, nos humbles rites, tel celui, au cœur de la nuit, de cette eucharistie qui bientôt nous rassemble et nous donne de faire mémoire de Lui dans la confiance, le bonheur de vivre et la joie retrouvés.
Par Jacques Marcotte, o.p.
http://www.spiritualite2000.com