Le Triduum pascal : le grand « passage » vers la Vie
« L’Eglise célèbre solennellement dans un Triduum sacré les mystères les plus grands de notre rédemption, en faisant mémoire, par des célébrations particulières, de son Seigneur crucifié, enseveli et ressuscité ». C’est ainsi que le Missel romain ouvre les préliminaires qui présentent le Triduum pascal.
Cet espace-temps de trois jours commence à la messe du Jeudi saint en mémoire de la Cène du Seigneur et, d’une célébration à l’autre, nous fait suivre en effet chaque année l’itinéraire de Jésus : depuis son dernier repas avec ses disciples à qui il confie le sacrement de son corps et de son sang, en passant par le procès qui aboutira à sa crucifixion en dehors de la ville, jusqu’au tombeau où il fut déposé, et qui sera trouvé vide au matin de Pâques. Cette mémoire, qui évoque les événements fondateurs, convoque tout à la fois l’Eglise comme corps et chacun de ses membres à les vivre en s’unissant à son Seigneur : « Suivons le Seigneur, afin qu’associés par grâce à la croix, nous ayons part à la résurrection et à la vie »[1].
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Nous voici aux portes de Jérusalem. Quarante jours nous avons peiné à travers le désert de l’effort et de l’ascèse, dans la méditation plus assidue de l’Écriture, le partage réel de nos biens, le pardon généreux et la réconciliation. Avec les catéchumènes nous avons préparé leur baptême en préparant le renouvellement de nos propres promesses.
Quarante jours. Vient maintenant la grande semaine, la plus belle, la plus importante de toutes, et que l’on appelle la sainte. Et pendant laquelle nous allons suivre le Christ pas à pas. Comme le Credo qui, à cet endroit, ralentit sa marche, s’attarde, détaille. Car c’est le noyau de notre foi que nous allons professer, célébrer et vivre dans un majestueux ralenti.
Nous qui nous agitons si volontiers sur le devant de la scène, voici que, de nous-mêmes, nous la quittons, nous reculons pour -enfin- laisser agir la puissance de Dieu, pour participer en spectateurs concernés, qui allons passer de l’effroi à la jubilation.
Ces événements, voici qu’ils atteignent leur cible : nous-mêmes que le Christ veut faire passer d’une « vie morte » à sa propre vie, de nos chaînes à sa libération.
« Comportez-vous comme le Christ : il s’est dépouillé de tous ses droits, il s’est abaissé, devenant homme comme nous, il s’est fait obéissant, il a réalisé dans cette obéissance le plan de libération jusqu’à mourir sur une croix. Aussi Dieu, son Père, l’a-t-il élevé » (deuxième lecture du dimanche des Rameaux, Ph 2,5-9).
René LUDMANN cssr
(Port Saint Nicolas) http://www.portstnicolas.org
Semaine sainte : Qu’est-ce que le Triduum pascal ?
Le premier jour du Triduum, celui de la Passion, commence le jeudi soir et comprend toute la journée du vendredi jusqu’à la mise au tombeau. Le deuxième, jour du Tombeau, commence donc vendredi soir et se prolonge jusqu’à la vigile pascale, samedi soir. Enfin, le troisième jour, jour de la résurrection, commence dans la nuit du samedi au dimanche et comprend tout le dimanche.
Le jeudi soir, les chrétiens célèbrent la Cène, c’est à dire le dernier repas que Jésus a pris avec ses disciples. Ce soir là, il partage le pain et le vin avec eux, instituant ainsi l’Eucharistie: “Vous ferez cela en mémoire de moi”. Ce même soir, il lave les pieds de ses disciples, signifiant ainsi que les chrétiens doivent vivre dans la charité et le service : “c’est un exemple que je vous donne”. Toujours ce soir là, il leur donne un commandement nouveau: “Aimez-vous les uns les autres”. En mémoire de ce jour, les chrétiens assistent à la messe. Ils refont le geste du lavement des pieds.
Le vendredi, Jésus est jugé par Pilate et condamné au supplice de la croix. Il est flagellé et crucifié entre deux brigands. Ce jour là, les chrétiens assistent à un office pendant lequel ils font mémoire de cette mort en laquelle ils voient le salut du monde. Jésus offre sa vie. Par sa mort, il s’associe aux souffrances des hommes. Ce jour là, les chrétiens observent un temps de jeûne et d’abstinence. C’est un jour de recueillement et de prière.
Le samedi saint, il ne se passe rien. C’est le grand silence du tombeau. C’est un jour de deuil, de solitude, de profond recueillement. Il n’y a aucune célébrations. Jésus rejoint dans la mort tous les défunts passée, présents et à venir, leur apportant ainsi son salut. Dans l’obscurité luit déjà la lueur de Pâque…
Samedi soir, c’est la Vigile pascale… durant laquelle les chrétiens célèbrent la résurrection du Christ. C’est une grande célébration durant laquelle on lit les textes de la Bible qui retracent l’ histoire de l’Alliance de Dieu avec les hommes. C’est aussi durant cette nuit que sont célébrés les baptêmes des catéchumènes. Jésus est le premier homme à passer de la mort à la vie. Il inaugure une nouvelle vie.
“Ne cherchez pas parmi les morts celui qui est vivant”: la parole de l’ange devant le tombeau vide retentit durant tout le temps pascal (jusqu’à la Pentecôte) Le dimanche de Pâques est la plus grande fête chrétienne. Croire, c’est croire en la résurrection de Jésus.
Le Messie et l’ânon…
Dimanche des Rameaux ! Sur le chemin de Jérusalem, voici l’ânon, sur lequel Jésus est assis, acclamé par des foules de pauvres venues de partout. Dieu a pour toujours figure d’humilité. Les acclamations royales ou messianiques lancées à tout va ne font pas oublier que la montée de Jérusalem est rude.
Car la ville est en émoi et ne peut reconnaître en cette figure de pauvre son messie. On la retrouve pourtant au détour des Écritures, mais le cœur de l’homme n’est pas spontanément poreux à la faiblesse.
… et tous les pauvres qui nous entourent
Le dimanche des Rameaux est comme un immense chant des béatitudes. Dieu est reconnaissable au milieu des pauvres. Celui qui vient ne rivalisera jamais avec les fiers attelages des Romains. Il en a banni la violence. Dieu à visage humain avance au pas des hommes, et en particulier au pas des pauvres. S’ouvre ainsi une semaine où la faiblesse est entourée d’infini respect.
Dieu compagnon
Oui, la vie des hommes est faite de violence, de pauvretés, de noirceurs. Et c’est là que Dieu touche l’homme. Quand il se donne, c’est pour que ce tréfonds d’humanité, soit éclairé. Quand l’homme est touché à cette profondeur de son être, la Résurrection s’ouvre ou s’éveille en lui . Pour qui veut relire avec la liturgie les grands textes de la Bible, la “grande semaine” reste le temps de la mise à l’épreuve de l’ensemble de nos vies.
Me centrer sur l’essentiel
Les uns et les autres livrent leur souci de vivre centrés sur l’essentiel. Cet appel résonne fort cette semaine ! C’est une préparation au baptême où les détails prennent trop de place, c’est cette “période de vide qui me déçoit”, ce sont les “inquiétudes, tracas, luttes intérieures” évoqués par plusieurs et qui font dire que l’on est “agité intérieurement”, si “terre à terre”, et pourtant tellement désireux de “paix intérieure”.
Le chemin de Jérusalem sur lequel avance Jésus en cette semaine est un chemin d’humanité profonde. L’attachement à lui invite à l’intériorité, mais ne passe pas forcément par le sentiment brûlant que l’on aimerait avoir. Dans la foi, le sentiment n’est pas le critère ultime. Ce qui compte, ce sont les actes et la vie.
Le Triduum Pascal : le Jeudi saint
Alors qu’à l’origine, l’Église célébrait l’ensemble du mystère pascal du Christ lors d’une unique célébration, la vigile pascale, le besoin s’est fait sentir de développer chacune des facettes de ce même mystère en autant de célébrations : repas pascal, passion et mort du Seigneur, silence du tombeau, résurrection. Cela a commencé à Jérusalem, où l’on pouvait pérégriner de lieu en lieu sur les traces du Sauveur : Cénacle, Jardin des Oliviers, Golgotha, etc. Ainsi naquit au IVe siècle le « triduum pascal », les trois jours, selon l’expression de saint Augustin, du « Christ crucifié, enseveli et ressuscité », triduum qui allait donc du jeudi soir au dimanche de Pâques.
Selon les lieux et les époques, la journée du Jeudi saint a été ponctué de diverses célébrations. Ainsi à Rome, au VIIe siècle, la journée en comprenait trois : celle de la réconciliation des pénitents (qui pouvaient ainsi communier à Pâques), celle de la consécration des huiles (l’huile des malades, l’huile d’exorcisme, et surtout le saint chrême qui allait être utilisé à la vigile pascale pour les nouveaux baptisés), et celle de la mémoire de la Cène. Diverses formes de lavement des pieds ont également existé ce même jour.
Aujourd’hui, les deux dernières célébrations sont prévues pour le Jeudi saint. Mais, pour des raisons pastorales, la messe chrismale durant laquelle les huiles sont bénies et consacrées, est souvent anticipée un des premiers jours de la Semaine sainte. Le Jeudi saint est ainsi essentiellement centré sur la mémoire de la dernière Cène. Les trois lectures en donnent très clairement la portée : le sacrifice de l’agneau pascal qui inaugure le grand exode ; l’institution de l’eucharistie selon saint Paul ; le lavement des pieds selon l’Évangile de Jean. Le croisement entre le rite du lavement des pieds après l’homélie et la communion eucharistique est évidemment particulièrement parlant. Le quatrième Évangile a intentionnellement omis le récit de la Cène pour lui substituer celui du lavement des pieds. À travers ces lectures, l’Église est invitée à raviver le lien entre la double « mémoire » du Christ : celle, rituelle, de l’eucharistie (« Faites cela en mémoire de moi ») et celle, existentielle ou éthique, du service d’autrui (« … afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous »). Le chant traditionnel Ubi caritas est vera, Deus ibi est – « Où l’amour est véridique, Dieu lui-même est présent » – marque profondément la spiritualité du Jeudi saint.
La messe se prolonge par le transfert solennel du Saint-Sacrement au lieu de la réserve. L’adoration nocturne à laquelle sont alors invités les fidèles est imprégnée de l’atmosphère dramatique de la veille avec le Christ à Gethsémani.
Semaine sainte (vendredi saint) : la mort du Christ sur la croix
Le vendredi saint, l’Église célèbre la passion et la mort de Jésus sur la croix. Sur le plan liturgique, nous suivons le Christ depuis son arrestation, son jugement sommaire et sa mort sur la croix, en dehors de Jésuralem. Un commentaire de l’évangile de ce vendredi saint par le P. Joseph Proux.
En croix
Célébrer la Croix du Seigneur, n’est-ce pas se payer de mots ? Comment l’instrument d’un supplice abominable peut-il être ainsi vénéré ? Il n’est pas facile non plus de glorifier la croix quand elle désigne l’épreuve physique ou morale qui survient dans nos vies. Alors, comment faire ?
Le Seigneur y est élevé
À plusieurs reprises, dans l’évangile de Jean, Jésus a fait une allusion explicite à son élévation sur la Croix. Pour l’évangéliste, la fixation du Christ sur le bois d’ignominie est en réalité une élévation en gloire. «Quand vous aurez élevé le Fils de l’Homme, vous connaîtrez que Je suis». Ce qui veut dire que la Croix révèle le Christ comme Fils de Dieu. Quel fantastique retournement ! Jésus ressuscité apparaît à ses disciples marqué des stigmates de sa Passion. Dans les épreuves qui nous écrasent, il nous est difficile, voire impossible parfois, de croire qu’elles nous élèvent en quoi que ce soit. Regardons simplement la croix du Christ.
Le Seigneur y donne sa vie
A Nicodème, un notable juif venu le rencontrer, Jésus fait un rapprochement entre un signe sauveur élevé par Moïse dans le désert contre la morsure de serpents et son élévation sur la croix. Le serpent de bronze sur un bâton guérissait le peuple décimé par le fléau. Jésus apporte salut et vie éternelle à tous ceux qui regardent vers lui avec foi. La Croix, instrument de mort, devient bois de vie. Par elle, nous sommes guéris, arrachés au pouvoir du mal et de la mort, dans la Résurrection du «Premier-né d’entre les morts» comme l’écrit Paul.
Le Seigneur y révèle l’amour du Père
«Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils Unique.» L’Amour de Dieu est rendu visible, tangible, par le Signe de la Croix. C’est là que Dieu nous aime jusqu’à l’extrême. En se mettant au rang des malfaiteurs, en «se faisant péché pour nous», Jésus témoigne que personne n’est exclu de la miséricorde divine. La Croix est l’ostensoir de l’amour de Dieu. Tout homme, si pécheur soit-il, aussi bas qu’il soit tombé, peut être relevé par le pardon, élevé dans la dignité de sa vocation divine.
C’est ainsi que la Croix est glorieuse et qu’elle est signe d’espérance.