Prière au Vatican pour la paix en Terre Sainte
Juifs, chrétiens et musulmans côte à côte
Une première historique ce soir, 8 juin 2014, au Vatican : le président israélien Shimon Peres et le président palestinien Mahmoud Abbas se sont unis en prière pour la paix en Terre Sainte, aux côtés du pape François – qui les a invités – et du patriarche oecuménique Bartholomaios Ier. Juifs, chrétiens et musulmans, côte à côte, ont élevé vers Dieu une supplication intense pour la paix.
Le président Shimon Peres est arrivé le premier au Vatican vers 18h05, suivi vingt minutes plus tard par Mahmoud Abbas. Tous deux ont été accueillis chaleureusement au seuil de la Maison Sainte-Marthe par le pape, qui s’est entretenu brièvement avec chacun. Ils ont été ensuite rejoints par le patriarche Bartholomaios, dans le hall de Sainte-Marthe.
Tous les quatre se sont rendus ensemble en mini-bus, accompagnés par le custode de Terre Sainte, le P. Pierbattista Pizzaballa, O.F.M., au lieu prévu pour la rencontre : un espace triangulaire, au cœur des jardins du Vatican, entre l’Académie pontificale des sciences sociales et les Musées du Vatican.
Les deux présidents se sont installés sur deux fauteuils autour de celui du pape et le patriarche sur une petite estrade sur le côté, chacun sur un fauteuil identique.
Plusieurs centaines de représentants des trois religions – dans l’ordre chronologique, juive, chrétienne, et musulmane – ont ensuite vécu côte à côte un temps de prière distinct, en hébreu, en italien, en anglais et en arabe, dans la douceur des jardins verdoyants et du soleil déclinant, à l’ombre d’une haute haie.

Juifs, chrétiens et musulmans pour la paix
Chaque délégation avait préparé des prières selon un déroulement en trois moments : une expression de louange à Dieu pour le don de la création et de la famille humaine ; une demande de pardon pour les fautes commises contre la fraternité ; une prière pour le don de la paix en Terre Sainte. Chaque prière était agrémentée d’intermèdes musicaux.
La prière juive s’est inspirée d’extraits de la Bible, notamment le psaume 8 « Ô Seigneur, notre Dieu, qu’il est grand ton nom par toute la terre », le psaume 147 « Le Seigneur rebâtit Jérusalem, il rassemble les dispersés d’Israël. Il guérit ceux qui ont le coeur brisé, et il panse leurs blessures », le psaume 25 « Rappelle-toi, Seigneur, ta tendresse, ton amour qui est de toujours » et le psaume 130 « Des profondeurs je crie vers toi, Seigneur, Seigneur, écoute mon appel ».
Ce premier temps s’est conclu avec une prière du « siddour », tirée de la liturgie du Yom Kippour, Jour du grand Pardon, et une prière du rabbin hassidique Nahman de Breslev (1772-1810) : « Seigneur de paix, Divin Souverain, à qui appartient la paix ». Le rabbin David Rosen, directeur de l’American Jewish committee, a cantilé une supplique : “Bénis nous par la lumière de ton visage”.
La prière chrétienne elle aussi s’est appuyée sur des passages bibliques, entre autres Isaïe 65,17-25, lu par le patriarche Bartholomaios : « Voici : je vais créer un ciel nouveau et une terre nouvelle, on ne se souviendra plus du passé… Je vais recréer Jérusalem, pour qu’elle soit exultation, et que son peuple devienne joie… Le loup et l’agneau auront même pâture, le lion, comme le bœuf, mangera du fourrage. Il n’y aura plus de mal ni de corruption sur toute ma montagne sainte, – dit le Seigneur. »
A cela se sont ajoutées des prières de Jean-Paul II et de saint François d’Assise sur la paix, et des prières spécialement composées pour l’occasion : « Dieu tout-puissant et Père, ensemble, nous Te demandons de faire de nous des instruments de ta paix, des chercheurs de justice, des ouvriers de pardon et des artisans de la réconciliation… Ouvre nos cœurs à ton esprit, ouvre nos yeux pour voir ton image dans tous ceux que nous rencontrons, ouvre nos mains afin qu’elles se joignent à celles de nos frères et sœurs pour construire ensemble un monde dans lequel tous puissent vivre en paix. »
Parmi les intervenants chrétiens : le cardinal Peter Turkson, président du Conseil pontifical Justice et Paix, et le patriarche latin de Jérusalem, Mgr Fouad Twal.
La prière musulmane a eu lieu autour de textes composés pour la rencontre, avec tout d’abord un temps de louange « Louange à Dieu, qui a créé les cieux et la terre, fait l’obscurité et la lumière… ». Puis une demande de pardon : « Que ta miséricorde soit manifeste sur la terre, pardonne nos transgressions et nos péchés… ô Dieu, inspire-nous de dire la vérité, de faire le bien, de grandir en vertu, en recherchant ta face généreuse. »
Enfin, une prière pour la paix en Terre Sainte : « O Dieu, Tu es la paix, et la paix est de Toi… O Dieu, apporte la paix sur la “terre de la paix” et supprime l’injustice que subissent les opprimés sur cette terre, nourris ses habitants qui ont faim, garde-les de la peur, et garde-les du mal et des malfaiteurs. »
Deux peuples désirent ardemment la paix
Le pape François, Shimon Peres et Mahmoud Abbas ont ensuite pris la parole chacun à leur tour, pour invoquer la paix : « Pour faire la paix, il faut du courage, bien plus que pour faire la guerre. Il faut du courage pour dire oui à la rencontre et non à l’affrontement ; oui au dialogue et non à la violence ; oui à la négociation et non aux hostilités ; oui au respect des accords et non aux provocations ; oui à la sincérité et non à la duplicité. Pour tout cela, il faut du courage, une grande force d’âme », a souligné le pape.
Mais « l’histoire enseigne que nos seules forces ne suffisent pas. Plus d’une fois, nous avons été proches de la paix, mais le malin, par divers moyens, a réussi à l’empêcher. C’est pourquoi nous sommes ici, parce que nous savons et nous croyons que nous avons besoin de l’aide de Dieu », a-t-il ajouté en formulant une prière.
« La paix n’arrive pas facilement. Il nous faut travailler dur de toutes nos forces pour l’atteindre. Même si cela exige des sacrifices ou des compromis… Il est de notre devoir d’apporter la paix à nos enfants, c’est la sainte mission des parents », a renchéri Shimon Peres, qui a affirmé que « les deux peuples, Israéliens et Palestiniens, désirent encore ardemment la paix ».
Le président israélien a rendu au pape un hommage appuyé : « Lors de votre visite historique en Terre Sainte, vous nous avez touchés par la chaleur de votre cœur, la sincérité de vos intentions, votre modestie, et vos aimables manières. Vous avez touché le cœur des gens – indépendamment de leur foi ou de leur nation. Vous êtes apparu comme un bâtisseur de ponts de fraternité et de paix. Nous avons tous besoin de l’inspiration qui accompagne votre personne et votre attitude. »
Mahmoud Abbas a également salué « la présence noble et spirituelle » du pape, « sa pensée et sa sagesse claire, qui émane d’un cœur sain, d’une conscience vibrante et d’un sens éthique et religieux élevé ».
Élevant une prière pour « la paix en Terre Sainte, en Palestine, et à Jérusalem et sur ses habitants », afin que Jérusalem soit « une terre sûre pour tous les croyants », il a cité Jésus s’adressant à la Cité sainte : « Ah ! si toi aussi, tu avais reconnu en ce jour ce qui donne la paix ! » (Lc 19,42).
Le président israélien a aussi cité saint Jean-Paul II : « Si la paix est réalisée à Jérusalem, la paix sera témoignée dans le monde entier ».
La rencontre s’est conclue par des gestes de paix : des poignées de main, des accolades et la plantation d’un olivier de la paix… à huit mains et quatre bêches. Après les salutations individuelles des participants, dans une émotion palpable, le pape, le patriarche Bartholomaios et les deux présidents se sont retirés pour un entretien privé. Lorsqu’ils sont ressortis, aux alentours de 21h10, à la nuit tombante, ils se sont séparés, paisibles et souriants, tels des frères. (Rome, 8 juin 2014, Zenit.org, Anne Kurian)
Intervention du Pape François
Messieurs les Présidents, Sainteté, Frères et sœurs !
Avec grande joie, je vous salue et je désire vous offrir à vous et aux distinguées délégations qui vous accompagnent, le même accueil chaleureux que vous m’avez réservé lors du pèlerinage que je viens d’effectuer en Terre Sainte.
Je vous remercie du fond du cœur pour avoir accepté mon invitation à venir ici afin d’invoquer ensemble de Dieu le don de la paix. J’espère que cette rencontre sera un chemin à la recherche de ce qui unit, pour dépasser ce qui divise.
Et je remercie Votre Sainteté, vénéré Frère Bartholomée, d’être ici avec moi pour accueillir ces hôtes illustres. Votre participation est un grand don, un soutien précieux et un témoignage du chemin que, comme chrétiens, nous parcourons vers la pleine unité.
Votre présence, Messieurs les Présidents, est un grand signe de fraternité, que vous accomplissez en tant que fils d’Abraham, et une expression concrète de confiance en Dieu, Seigneur de l’histoire, qui nous regarde aujourd’hui comme frères l’un de l’autre et désire nous conduire sur ses voies.
Cette rencontre d’invocation de la paix en Terre Sainte, au Moyen Orient et dans le monde entier, est accompagnée par la prière de très nombreuses personnes, appartenant à diverses cultures, patries, langues et religions : des personnes qui ont prié pour cette rencontre et qui, maintenant, sont unies à nous dans la même invocation. C’est une rencontre qui répond à l’ardent désir de tous ceux qui aspirent à la paix et rêvent d’un monde où les hommes et les femmes puissent vivre en frères et non comme des adversaires ou des ennemis.
Messieurs les Présidents, le monde est un héritage que nous avons reçu de nos ancêtres, mais c’est aussi un prêt de nos enfants : des fils qui sont fatigués et épuisés par les conflits et désireux de parvenir à l’aube de la paix ; des fils qui nous demandent d’abattre les murs de l’inimitié et de parcourir la route du dialogue et de la paix afin que l’amour et l’amitié triomphent.
Beaucoup, trop de ces fils sont tombés, victimes innocentes de la guerre et de la violence, plantes arrachées en pleine vigueur. C’est notre devoir de faire en sorte que leur sacrifice ne soit pas vain. Que leur mémoire infuse en nous le courage de la paix, la force de persévérer dans le dialogue à tout prix, la patience de tisser jour après jour la trame toujours plus solide d’une cohabitation respectueuse et pacifique, pour la gloire de Dieu et le bien de tous.
Pour faire la paix, il faut du courage, bien plus que pour faire la guerre. Il faut du courage pour dire oui à la rencontre et non à l’affrontement ; oui au dialogue et non à la violence ; oui à la négociation et non aux hostilités ; oui au respect des accords et non aux provocations ; oui à la sincérité et non à la duplicité. Pour tout cela, il faut du courage, une grande force d’âme.
L’histoire nous enseigne que nos forces ne suffisent pas. Plus d’une fois, nous avons été proches de la paix, mais le malin, par divers moyens, a réussi à l’empêcher. C’est pourquoi nous sommes ici, parce que nous savons et nous croyons que nous avons besoin de l’aide de Dieu. Nous ne renonçons pas à nos responsabilités, mais nous invoquons Dieu comme un acte de suprême responsabilité, face à nos consciences et face à nos peuples. Nous avons entendu un appel, et nous devons répondre : l’appel à rompre la spirale de la haine et de la violence, à la rompre avec une seule parole : « frère ». Mais pour prononcer cette parole, nous devons tous lever le regard vers le Ciel, et nous reconnaître enfants d’un seul Père.
C’est à Lui que je m’adresse, dans l’Esprit de Jésus-Christ, demandant l’intercession de la Vierge Marie, fille de la Terre Sainte et notre Mère :
Seigneur Dieu de paix, écoute notre supplication !
Nous avons essayé tant de fois et durant tant d’années de résoudre nos conflits avec nos forces et aussi avec nos armes ; tant de moments d’hostilité et d’obscurité ; tant de sang versé ; tant de vies brisées, tant d’espérances ensevelies… Mais nos efforts ont été vains. A présent, Seigneur, aide-nous Toi ! Donne-nous Toi la paix, enseigne-nous Toi la paix, guide-nous Toi vers la paix. Ouvre nos yeux et nos cœurs et donne-nous le courage de dire : ‘‘plus jamais la guerre’’ ; ‘‘avec la guerre tout est détruit !’’. Infuse en nous le courage d’accomplir des gestes concrets pour construire la paix. Seigneur, Dieu d’Abraham et des Prophètes, Dieu Amour qui nous a créés et nous appelle à vivre en frères, donne-nous la force d’être chaque jour des artisans de paix ; donne-nous la capacité de regarder avec bienveillance tous les frères que nous rencontrons sur notre chemin. Rends-nous disponibles à écouter le cri de nos concitoyens qui nous demandent de transformer nos armes en instruments de paix, nos peurs en confiance et nos tensions en pardon. Maintiens allumée en nous la flamme de l’espérance pour accomplir avec une patiente persévérance des choix de dialogue et de réconciliation, afin que vainque finalement la paix. Et que du cœur de chaque homme soient bannis ces mots : division, haine, guerre ! Seigneur, désarme la langue et les mains, renouvelle les cœurs et les esprits, pour que la parole qui nous fait nous rencontrer soit toujours « frère », et que le style de notre vie devienne : shalom, paix, salam ! Amen.
